Document de travail

Quelles transitions professionnelles les demandeurs d’emploi effectuent-ils après une formation ?

Mise en ligne le 26 Décembre 2024
Auteurs : Kevin M. Frick, Yagan Hazard , Thomas Zuber, Damien Mayaux

Document de travail n°985. La formation professionnelle contribue-t-elle à la résorption des déséquilibres structurels du marché du travail ? En utilisant une nouvelle mesure d'écart de compétences entre métiers construite grâce à l'application d'un algorithme de traitement du langage à un échantillon d'offres d'emploi, nous observons que les retours à l'emploi faisant suite à une formation se font dans des métiers plus éloignés en termes de compétences par rapport au dernier poste occupé. D'un point de vue purement réallocatif, l'effet sur le retour à l'emploi de la formation professionnelle ne semble cependant pas être tiré par des redirections plus nombreuses vers des métiers en forte tension. Au-delà de la nouvelle mesure de distance inter-métiers que nous proposons, nos résultats empiriques reposent sur une hypothèse d'indépendance conditionnelle du recours à la formation et doivent donc être interprétés avec prudence.

Nombre de transitions expliquées par les mesures de distance inter-métiers

Image WP985
Note : Cet histogramme représente le nombre de transitions réalisées sur le marché du travail en 2019 vers les 10 métiers d'arrivée les plus proches du métier d'origine selon différentes mesures de distance inter-métiers. Nous comparons la distance textuelle que nous construisons aux distances construites grâce aux rubriques « Mobilités » et « Compétences » du ROME V3. Notre mesure de distance textuelle fait mieux que la "Distance mobilités" pour 7 des 10 rangs.
Source : DADS Postes 2019 ; calcul des auteurs.

Les déséquilibres structurels d'offre et de demande sur le marché du travail contribuent à augmenter aussi bien le niveau que la persistance du taux chômage. En France, le « mismatch » inter-métiers pourrait ainsi expliquer jusqu'à 15 % du niveau de chômage observé. L'un des objectifs du Plan d'investissement dans les compétences (PIC) consiste donc à pallier ce problème en facilitant la réorientation de la main d'œuvre disponible vers les métiers les plus en tension. En effet, de telles mobilités inter-métiers impliquent souvent l'acquisition de nouvelles compétences, d'où la nécessité de concevoir des parcours de formation professionnelle adaptés aux personnes en recherche d'emploi qui envisagent ces transitions.

Cet article cherche à déterminer dans quelle mesure l’effet de la formation professionnelle sur l’emploi passe par des retours à l’emploi (i) associés à une transition professionnelle, (ii) concentrés dans des métiers en plus forte tension que les métiers d’origine des demandeurs d’emploi. Pour ce faire, nous construisons une mesure de distance en compétences inter-métiers en utilisant le contenu textuel des offres d'emploi publiées par Pôle emploi (cf. graphique suivant). Nous développons un algorithme de traitement du langage (natural language processing) permettant d'isoler le contenu propre aux compétences dans ce corpus de texte. Ceci nous permet de produire une cartographie des métiers et de leurs compétences dont les prédictions (notamment en matière de transitions professionnelles) sont plus performantes que celles de mesures de distance inter-métiers alternatives. L'appariement de données administratives réalisé par le dispositif Formation, Chômage et Emploi (ForCE) nous permet ensuite de suivre les trajectoires des personnes en recherche d'emploi ayant eu recours à la formation professionnelle entre 2018 et 2020 sur une période de 24 mois. Notre étude se concentre sur un sous-échantillon de demandeurs d'emploi ayant exercé un emploi stable au cours de l'année écoulée pour lesquels la notion de transition professionnelle peut être précisément définie. Nous excluons par ailleurs du champ de notre étude les formations (POEI, POEC, AFPR) qui sont associées à un projet de recrutement préalable et qui concernent souvent un métier en tension. 

La comparaison des trajectoires professionnelles réalisées par les demandeurs d'emploi formés et non-formés, associée à la présence d'un grand nombre de variables de contrôle présentes dans les données administratives, permettent d'identifier (sous des hypothèses usuelles de sélection sur les observables) l'effet de la formation sur l'emploi, la distance inter-métiers parcourue, et les gains de tension associés aux transitions professionnelles permises par la formation. Ces gains en tension sont mesurés par le différentiel de taux de retour à l'emploi moyen entre le métier d'origine et le métier d'arrivée des demandeurs d'emploi, après correction pour les caractéristiques observables des demandeurs d'emplois présents dans ces métiers. Les résultats de nos travaux confirment les effets de la formation professionnelle sur le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi et montrent, par ailleurs, que ces effets s'expliquent en partie par des transitions professionnelles et des changements en compétences plus importants accomplis par les personnes entreprenant une formation professionnelle. Du point de vue réallocatif l'effet sur le retour à l'emploi de la formation professionnelle ne semble cependant pas être tiré par un retour à l'emploi plus fréquent vers des métiers en plus forte tension que le métier d'origine des demandeurs d’emploi. Ceci laisse penser que, sur l'échantillon de demandeurs d'emploi étudié et pour les formations que nous avons prises en compte, un meilleur ciblage des métiers en tension par l'offre de formation professionnelle à destination des demandeurs d'emploi permettrait d'améliorer les effets réallocatifs de la formation sur le marché du travail.
 

Mots-clés : chômage, formation professionnelle, capital humain, transitions professionnelles. 
Codes JEL : J62, J68, J24.

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Mise à jour le 26 Décembre 2024