Comprendre les causes de l’inflation entre 2021 et 2023 : une approche semi-structurelle
L’inflation en France (mesurée dans ce billet par l’indice des prix à la consommation harmonisé, IPCH) a augmenté de 2,1% en 2021 pour atteindre 5,9% en 2022 et 5,7% en 2023. Plusieurs facteurs ont pu jouer dans cette hausse comme la perturbation des chaînes mondiales d'approvisionnement lors de la reprise post-pandémie, l'augmentation des prix de l'énergie et des denrées alimentaires suite à l'invasion russe en Ukraine, ou encore les tensions sur le marché du travail.
L’inflation, variable macroéconomique, est mesurée par la variation d’un indice qui combine les prix de différents produits (énergie, alimentation, biens manufacturés et services). Le graphique 1 illustre notamment la contribution des postes énergie et alimentation à la hausse des prix à la consommation entre 2021 et 2023. Cependant, cette décomposition "comptable" ne permet pas d’isoler les causes de l'inflation observée. Ainsi, s’ils ont un effet direct sur la contribution de l’énergie à l’inflation, les chocs des prix de l'énergie peuvent avoir des effets indirects sur d'autres composantes, car l'énergie est un intrant pour la production de nombreux biens et services. Par ailleurs, une hausse du prix de l’énergie peut se traduire par des salaires plus élevés, et ainsi enclencher une boucle prix-salaire.
Afin d’isoler les facteurs à l’origine de l’inflation, Bernanke et Blanchard (2023) ont proposé un modèle économétrique semi-structurel, appliqué initialement au cas américain. Dans ce modèle, la hausse de l’inflation (comme l’évolution des salaires et des anticipations d'inflation) est expliquée par des chocs qui affectent différentes variables comme les tensions sur le marché du travail (mesurées par le ratio des emplois vacants sur le nombre de chômeurs), les prix de l'énergie et de l’alimentaire, les perturbations des chaînes d'approvisionnement et la productivité tendancielle. Selon leur analyse, l'envolée de l'inflation aux États-Unis à partir de 2021 (de 1,2% en 2020 à 8% en 2022) est principalement due à des chocs de prix des matières premières, et à des perturbations des chaînes d'approvisionnement. Le resserrement du marché du travail n'a pas été un facteur déterminant de l'inflation jusqu'au premier trimestre de l’année 2023. Les effets d'un marché du travail en surchauffe auraient pu cependant se matérialiser plus tard, étant donné la persistance plus élevée des salaires. Ces dernières considérations avaient initialement poussé les auteurs à soutenir que "le dernier kilomètre" pour atteindre l'objectif d'inflation de +2 % de la Réserve Fédérale aurait pu être plus difficile à tenir qu’attendu.
Graphique 2 : Une inflation en France soutenue d’abord par l’effet des prix de l’énergie puis de l’alimentation