Bulletin de la Banque de France

À quelles difficultés de recrutement les entreprises françaises sont-elles confrontées ?

Mise en ligne le 14 Avril 2023
Auteurs : Thomas Zuber, Stéphanie Himpens

Bulletin n°245, article 4. Alors que le taux de chômage baisse fortement et que la main-d’œuvre disponible se raréfie, les difficultés de recrutement touchent aujourd’hui un nombre élevé d’entreprises. L’Enquête mensuelle de conjoncture (EMC) de la Banque de France permet, depuis mai 2021, de quantifier ces difficultés et d’apporter un éclairage sectoriel sur le sujet. Une analyse des commentaires de l’enquête pointe les problèmes de qualification comme une des causes principales des difficultés de recrutement. Au-delà des différences sectorielles, ces difficultés apparaissent très diverses parmi les entreprises d’un même secteur. Elles traduisent un taux de rotation important de la main-d’œuvre associé à un marché du travail extrêmement dynamique, plus qu’une « grande démission » et une augmentation de l’inactivité comme aux États-Unis.

Image Part des entreprises déclarant avoir des difficultés de recrutement

Depuis la sortie des différents confinements et malgré le choc géopolitique que représente l’invasion russe en Ukraine, l’économie française a connu, en 2021 et 2022, un marché du travail exceptionnellement dynamique. Ce dynamisme est toutefois grevé par d’importantes difficultés de recrutement. En progression régulière depuis 2015, celles‑ci ont atteint un record historique en 2022 et demeurent aujourd’hui à un niveau élevé.

En rationnant la quantité de travail effectivement utilisée, ces difficultés de recrutement limitent le potentiel de production de la France et contribuent de ce fait au retard pris sur ses voisins européens dans le domaine de l’emploi. Dans le contexte actuel de forte poussée inflationniste, cette contrainte qui pèse sur l’offre de travail a pour conséquence directe d’affaiblir la capacité de réaction de l’économie française. Par ailleurs, les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises affectent directement les mécanismes de formation des salaires et donc de transmission des chocs externes au reste de l’économie à travers l’équilibre du marché du travail. L’enclenchement d’une boucle prix‑salaires en France paraît aujourd’hui peu probable depuis l’abandon d’une indexation systématique des salaires sur l’évolution des prix en 1983. Toutefois, la persistance d’importantes difficultés de recrutement dans les entreprises doit être considérée comme un facteur de risque qui rend d’autant plus nécessaire la mise en œuvre de mesures de soutien à l’offre de travail. Cet article propose une première analyse des problèmes de recrutement rencontrés par les entreprises françaises à partir des réponses à une nouvelle question sur ce thème, introduite dans l’Enquête mensuelle de conjoncture (EMC) de la Banque de France depuis mai 2021. Cette analyse est approfondie par l’utilisation des données textuelles de l’enquête, non publiées jusqu’à présent.

1. Un marché du travail dynamique, mais freiné par une hausse des difficultés de recrutement

À 7,2 % au quatrième trimestre 2022, le taux de chômage retrouve un niveau qu’il n’avait plus atteint depuis plus de quinze ans (cf. graphique 1a). Loin d’être en trompe-l’œil, cette baisse du taux de chômage s’accompagne d’une hausse concomitante de l’activité et de l’emploi. En progression marquée depuis début 2017, le taux d’emploi français a aujourd’hui rattrapé puis largement dépassé son niveau pré‑Covid. Il se situe au quatrième trimestre 2022 à un point haut de 68,3 % (cf. graphique 1b). De même, le taux d’activité a atteint un niveau record de 73,6 % fin 2022, en nette augmentation par rapport à fin 2019. Contrairement à ce que(…)

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