Document de travail

Privilège perdu ? L'ascension et la chute d'une monnaie mondiale dominante

Mise en ligne le 13 Décembre 2023
Auteurs : Kai Arvai, Nuno Coimbra

Document de travail n°932. Comment un pays obtient-il le statut de valeur refuge pour ses actifs et une monnaie mondiale dominante? Ce document de travail affirme que la taille est importante : plus un pays est grand et diversifié, moins le processus de choc sous-jacent de l'économie est variable. Les chocs susceptibles de conduire un gouvernement au défaut deviennent moins probables, ce qui implique un risque de défaut plus faible, des taux d'intérêt plus bas et un ratio dette/PIB plus élevé. En outre, plus la part d'un pays dans l'offre d'actifs sûrs mondiaux est importante, plus ses obligations sont liquides et attrayantes pour les investisseurs. Si la croissance du pays à monnaie dominante est inférieure à celle du reste du monde, son statut de valeur refuge s'érode et les écarts de taux d'intérêt diminuent. Cela pourrait expliquer la diminution récente des écarts de rendement aux États-Unis entre leurs actifs et leur passif transfrontalières. 

Image Document de travail n°932
Privilege of the US and the UK over time

Comment un pays obtient-il le statut de fournisseur dominant de monnaie mondiale et comment peut-il perdre cette position ? Ce document se concentre sur deux aspects clés : la sécurité et la taille, et leur relation réciproque. Ces deux éléments sont des conditions nécessaires pour devenir une monnaie mondiale dominante, dans laquelle un pays jouit d'un privilège exorbitant sous la forme de rendements inférieurs. Ce privilège résulte du fait que les investisseurs préfèrent de loin détenir des obligations du pays dominant et sont donc disposés à payer des taux d'intérêt moins élevés au pays dont la monnaie est dominante.

Nous partons du principe que les obligations d'État ne sont pas sûres en soi, car les gouvernements peuvent faire défaut sur leur dette chaque fois qu'un choc survient et les incite à le faire. Nous soutenons qu'une économie plus vaste contribue à diversifier ce risque de défaillance. Nous expliquons comment la corrélation régionale et sectorielle des chocs idiosyncrasiques, ainsi que les caractéristiques institutionnelles du gouvernement, sont des éléments clés de cet argument de diversification.

Outre la sécurité elle-même, la taille globale du pays joue également un rôle, car un marché financier plus important facilite les transactions. Les obligations d'un grand pays sont donc plus attrayantes, ce qui signifie qu'il existe des écarts de taux d'intérêt même dans des situations où les pays sont comparativement sûrs, mais de taille différente. En outre, le fait d'avoir des obligations d'État plus sûres augmente également la capacité d'endettement d'un pays, ce qui permet d'obtenir des ratios dette/PIB durables plus élevés. Cela amplifie l'effet de taille et crée des rendements de complaisance.

Les différentiels de taux d'intérêt sont alors composés d'une prime de risque et d'une prime de liquidité. Si une offre abondante d'obligations est une bonne chose du point de vue de la fourniture de liquidités, il y a un compromis puisque la prime de risque du pays augmente en même temps. Comme dans le dilemme de Triffin, un pays qui joue le rôle de fournisseur de liquidités au niveau mondial doit faire preuve de prudence pour ne pas se surendetter.
Un pays précédemment dominant peut perdre son privilège exorbitant s'il est finalement dépassé par un autre pays en croissance en termes de taille et de sécurité. Le document met en évidence plusieurs facteurs clés qui déterminent quand un pays challenger pourrait être prêt à assumer ce rôle, et quand il pourrait ne pas l'être. Le pays challenger devrait avoir une taille, une diversification, une qualité institutionnelle et un développement financier suffisants.

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