Bulletin de la Banque de France

Le surendettement et les femmes

Mise en ligne le 19 Juillet 2019
Auteurs : Nicoletta Berardi, Guillaume Gaulier, Soledad Zignago, Fabienne Monteil, Dominique Nivat

Bulletin n°224, article 3. Le traitement du surendettement, visant à apporter des solutions aux ménages en difficulté financière, a presque trente ans. Le nombre de dossiers déposés, qui avait crû dans les années 1990 et 2000, a baissé de 30 % depuis 2014, grâce à la législation contre les pratiques excessives en matière de crédit et à l’amélioration de la solvabilité des ménages permise par la baisse des taux et les renégociations de crédit. Le cadre légal d’accompagnement des ménages surendettés, les modalités de traitement des dossiers et même les objectifs assignés à la procédure ont profondément évolué, tout comme le profil des surendettés. Dans la décennie 1990, la part des personnes surendettées non dépourvues de ressources mais confrontées à un excès de crédits, à la consommation en particulier, était élevée. Au fil des années, la procédure de surendettement s’est concentrée sur les personnes les plus fragiles financièrement, notamment les femmes seules avec enfants.

Image Situations de surendettement recevables et part des femmes représentées Description Le graphique propose la répartition des situations de surendettement recevables et part des femmes représentées entre 2010 et 2018 hors PRP (procédure de rétablissement personnel) et en PRP (Source Banque de France). Chiffres clés : 4,5 millions : le nombre de dossiers déposés depuis la mise en place du traitement du surendettement (155000 par an) 54% : le pourcentage de femmes parmi les personnes ayant déposé, seules ou conjointement, un dossier de surendettement en 2018 29% : le pourcentage de femme surendettées qui sont cheffes de famille monoparentale 39% : le pourcentage de femmes surendettées en situation irrémédiablement compromise (c'est-à-dire orientées vers le rétablissement personnel) qui sont cheffes de famille monoparentale  

1. Une définition simple, une réalité complexe

La procédure de traitement du surendettement, instaurée suite à la promulgation de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, dite loi Neiertz, aura trente ans à la fin de cette année. Elle vise à apporter des solutions aux difficultés des ménages et des personnes qui ne parviennent plus à honorer leurs échéances de remboursement ou à faire face à leurs charges courantes. Les règles légales d’accompagnement des ménages surendettés, les modalités de traitement des dossiers et même les objectifs assignés à la procédure ont profondément évolué au fil du temps.

Les grandes évolutions de la procédure depuis sa création

La procédure était initialement conçue pour résoudre des difficultés considérées comme transitoires : l’apparition de nombreuses situations de surendettement non liées à l’exercice d’une profession, dans un contexte de vif essor du crédit à la consommation consécutif à la fin de l’encadrement du crédit en France. Elle reposait à l’origine exclusivement sur des négociations amiables entre créanciers et débiteurs, encadrées par les commissions de surendettement. La persistance du phénomène de surendettement, combinée à un taux d’échec élevé, a conduit les autorités publiques à réformer une première fois la procédure, en 1995, en accroissant le rôle des commissions, chargées désormais d’élaborer des recommandations à l’intention des juges d’instance en cas d’échec des négociations amiables. Par la suite, la loi a renforcé le pouvoir des commissions, en les autorisant à proposer des moratoires à durée limitée (en 1998), en instaurant une nouvelle orientation, dite de rétablissement personnel, débouchant, avec l’aval des juges, sur un effacement total des dettes pour les situations considérées comme «irrémédiablement compromises » (en 2004), ou en leur conférant la possibilité d’imposer des mesures aux parties prenantes (en 2010), toujours sous contrôle judiciaire. Enfin, à effet du 1er janvier 2018, deux lois ont simplifié et raccourci la procédure et conforté l’autonomie des commissions en réservant la phase de conciliation aux dossiers comportant un bien immobilier et en supprimant l’homologation par le juge des mesures imposées par les commissions, ainsi que des procédures de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. En cas de désaccord avec les décisions des commissions, créanciers et débiteurs conservent toutefois la possibilité de les contester devant un tribunal.

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