Bloc-notes Éco

Le solde des revenus : un renfort du compte courant de la France

Mise en ligne le 30 Septembre 2019
Auteurs : Sanvi Avouyi-Dovi, Pierre Bui Quang, Pierre Sicsic

Billet n°134. Le solde des revenus primaires augmente depuis plusieurs années. La hausse d’environ 10 milliards d’euros de la rémunération des résidents français travaillant à l’étranger est plus forte que celle des revenus des investissements directs (ID) depuis 2010. L’amélioration du solde des revenus est désormais tirée par le solde des revenus des salariés.

Image Graphique 1 : Une nette augmentation du solde des revenus des frontaliers depuis 2010 Source : rapport annuel de la Balance des Paiements, Banque de France. Note : soldes des revenus primaires exprimés en milliards d’euros (MdE). IP : Investissements de portefeuille ; AI : Autres Investissements
Graphique 1 : Une nette augmentation du solde des revenus des frontaliers depuis 2010 Source : rapport annuel de la Balance des Paiements, Banque de France. Note : soldes des revenus primaires exprimés en milliards d’euros (MdE). IP : Investissements de portefeuille ; AI : Autres Investissements

On observe un contraste marqué entre le solde des ID et celui des investissements de portefeuille et autres investissements (graphique 1). Par ailleurs, le redressement du solde des revenus frontaliers initié dès 2008 se poursuit sans relâche, même si un plateau semble confirmé depuis deux ans.

Moindre dégradation du solde des transactions courantes par rapport à celle des biens et services

Le solde des transactions courantes (Balance des Paiements, Juillet 2019) est composé du solde des biens et services et des soldes des revenus primaires (revenus des facteurs de production) et secondaires (aides internationales, envois d’argent à l’étranger, …). On décrit ici les faits saillants concernant les différentes composantes du solde courant (Schmidt, 2018). En particulier, on met l’accent sur les variations des revenus des frontaliers puis sur celles des taux apparents de rendement pour souligner une deuxième spécificité de la balance courante française. Ces taux sont calculés à partir des revenus des ID et des investissements de portefeuille français à l’étranger et étrangers en France.

Depuis 2002, la dégradation du solde des transactions courantes est moindre que celle des biens et services, du fait d’une augmentation du solde des revenus primaires plus forte que la dégradation du solde des revenus secondaires (voir graphique 2).

Image Graphique 2 : Hausse du solde des revenus primaires combinée avec un déficit persistant de celui des revenus secondaires Source : rapport annuel de la Balance des Paiements, Banque de France. Note : soldes exprimés en milliards d’euros
Graphique 2 : Hausse du solde des revenus primaires combinée avec un déficit persistant de celui des revenus secondaires Source : rapport annuel de la Balance des Paiements, Banque de France. Note : soldes exprimés en milliards d’euros

Certaines explications peuvent être proposées pour essayer de comprendre cette évolution de la situation française.

Une hausse régulière des revenus des frontaliers en corrélation avec celle de leur nombre

Au sein des revenus primaires, les revenus nets des salariés affichent une hausse régulière. Ces revenus retracent essentiellement les rémunérations des travailleurs frontaliers (résidents Français travaillant à l’étranger) car celles des étrangers en France sont relativement marginales. Le nombre de frontaliers a augmenté de 12% en cinq ans, passant de 324,7 mille en 2010 à 363,7 mille en 2015 (Insee Première 1755, « Forte croissance du nombre de travailleurs frontaliers vers la Suisse et le Luxembourg »). La rémunération moyenne annuelle de ces salariés, obtenue en rapportant les revenus à ces effectifs, passe de 45,1 mille à 58,3 mille euros, affichant ainsi une hausse très significative (près de 30% de 2010 à 2015). Cette évaluation « moyenne » gagnerait à être affinée en tenant compte de certaines caractéristiques ou spécificités de cette population.

Une spécificité française dans la zone euro

À titre de comparaison, le solde des revenus des frontaliers pour la France est nettement supérieur à celui des autres pays européens pour lesquels on n’observe pas de tendance à la hausse (voir graphique 3). Ainsi, contrairement à une idée préconçue, le solde des rémunérations transfrontalières est proche de zéro pour l’Allemagne : les « recettes », c’est-à-dire les revenus des salariés allemands travaillant à l’étranger, compensent les « dépenses » correspondant aux rémunérations des résidents étrangers travaillant en Allemagne.

Image Graphique 3 : Des rémunérations transfrontalières nettes en hausse constante et significativement plus fortes en France Source : SDW BCE. Note : soldes exprimés en milliards d’euros
Graphique 3 : Des rémunérations transfrontalières nettes en hausse constante et significativement plus fortes en France Source : SDW BCE. Note : soldes exprimés en milliards d’euros

Rendement apparent des investissements directs sortants supérieur à celui des ID entrants

En France, l’amélioration du solde positif des revenus des investissements directs provient-elle d’un accroissement de l’écart de taux apparents ? Les statistiques de balance des paiements et de position extérieure permettent de calculer des taux de rendement apparents. Ceux-ci sont obtenus en rapportant les flux de revenus aux encours des actifs correspondants. De ce fait, ils diffèrent du rendement total qui prend en compte, entre autres, les variations des prix des actifs.

Image Tableau : taux de rendement apparents Valeur « mixte » des actifs, donc comptable pour la partie la plus importante des actions non cotées des investissements directs.
Tableau : taux de rendement apparents Valeur « mixte » des actifs, donc comptable pour la partie la plus importante des actions non cotées des investissements directs.

D’après nos calculs, au cours des dernières années, le taux de rendement apparent dépasse 5% pour les ID français à l’étranger ; est proche de 4% pour les ID étrangers en France (voir tableau). En 2018 par exemple, l’écart des taux de rendement entre les ID «sortants » et « entrants » a atteint 1,5 point (5,4% versus 3,9%).

Les niveaux et écarts de rendements sont nettement plus marqués aux États-Unis : 10% pour les avoirs et 6% pour les engagements selon Curcuru et al (2013). Selon ces auteurs, environ deux points de l’écart seraient dus à des différences de prise en compte des impôts. Pour mémoire, aux États-Unis, les revenus sur les avoirs sont évalués après paiement d’impôts à l’étranger mais avant paiement des impôts sur les profits rapatriés.

Dans une étude récente, sur la base d’une comparaison internationale, Vicard (2019) montre que l’écart des taux de rendements apparents est lié au taux d’imposition des sociétés : les firmes multinationales augmentent les profits dans les filiales localisées dans les pays à faible imposition. Dans le cas de la France, l’amélioration du solde positif des revenus des investissements directs ne provient pas d’un accroissement de l’écart de taux apparents mais de la progression de la position extérieure (notamment nette en ID).