Une décision fondée sur les progrès de l’inflation, et anticipée par les marchés
Les programmes d’achat d’actifs de l’Eurosytème (Asset Purchase Programmes, ou APP) recouvrent trois programmes d’achats de titres privés (obligations sécurisées, obligations adossées à des actifs et obligations d’entreprises) débutés à partir d’octobre 2014, et un programme d’achat de titres publics (le Public Sector Purchase Programme, ou PSPP). Les achats de titres publics, la plus importante composante en volume de l’APP, ont débuté en mars 2015 dans un contexte de risque de déflation en zone euro. Les flux mensuels totaux d’achats nets d’actifs, de 60 milliards d’euros à partir de mars 2015, se sont élevés à 80 milliards à partir d’avril 2016. Ils ont été successivement recalibrés à 60, puis à 30 et enfin à 15 milliards d’euros par mois (Graphique 1). L’arrêt des achats nets à fin 2018 constitue un premier pas dans la normalisation de la politique monétaire de l’Eurosystème.
Cet arrêt se justifie par la progression vers l’objectif d’inflation en zone euro, c’est-à-dire un niveau d’inflation inférieur à, mais proche de 2% à moyen terme. Selon les projections macroéconomiques d’ensemble de l’Eurosystème de décembre 2018, l’inflation annuelle en zone euro en 2019, 2020 et 2021 s’établirait en effet à 1,6%, 1,7% et 1,8% respectivement. Le degré de confiance autour de la trajectoire d’inflation s’est par ailleurs accru au cours des derniers trimestres, comme en témoigne le ré-ancrage et la moindre dispersion des anticipations d’inflation à long terme des prévisionnistes professionnels (BCE, 2018).
Dans ce contexte, l’arrêt des achats nets d’actifs a été largement anticipé par les participants de marché, en particulier depuis qu’il a été rendu prévisible il y a 6 mois, à l’occasion du Conseil des Gouverneurs de juin 2018. Sa confirmation n’a ainsi pas provoqué de réaction de marché significative à la suite de la réunion du Conseil du 13 décembre.
Les flux de réinvestissement maintiendront le stock d’actifs détenu à un niveau constant
En janvier 2019 débute une nouvelle phase de l’APP, caractérisée par la poursuite du réinvestissement intégral des tombées de titres arrivés à échéance. Elle aura pour effet de maintenir la taille du portefeuille APP à un niveau constant de plus de 2 500 milliards d’euros. Cette phase de réinvestissement concerne les différents volets du programme, et se poursuivra «pendant une période prolongée après la date à laquelle le Conseil des Gouverneurs commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE», et «aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire».
L’Eurosystème communique chaque mois, pour chaque programme, le montant des tombées à réinvestir sur les douze mois suivants. Ainsi, le montant des réinvestissements PSPP en 2019 sera supérieur à 158 Mds EUR (montant à réinvestir entre janvier et novembre 2019, dernière donnée publique).
Le graphique 2 compare la trajectoire du portefeuille PSPP à l’horizon 2019 à un scénario « contrefactuel » sans réinvestissement. Sous cette seconde hypothèse, la taille du portefeuille PSPP se réduirait dès le mois de janvier. Le stock d’actifs détenus déclinerait toutefois seulement de façon graduelle car la maturité moyenne du portefeuille PSPP s’établit actuellement à 7,4 années environ. Dans le scénario avec réinvestissements retenu par l’Eurosystème, il n’y aura pas de diminution du stock d’actifs détenu tant que les réinvestissements se poursuivront. Les participants de marché anticipent majoritairement que cette phase de réinvestissement intégral des tombées s’étendra sur une durée comprise entre 2 et 3 ans.