Annual report on exchange rate arrangements and exchange restrictions du FMI, août 2021, pour la définition et la classification des régimes de change, les régimes de changes flexibles incluent les systèmes flexibles gérés
Note : Moyennes pondérées par le PIB à prix courant. L’Éthiopie est exclue de l’échantillon (régime de change intermédiaire) car prévisions non disponibles.
Comment ont évolué les marges de manœuvre monétaires avec la crise de Covid-19 ?
La plupart des banques centrales en ASS ont comme objectif la stabilité de leur monnaie. Même dans les pays en ciblage d’inflation, cette stabilité est entendue comme externe (taux de change nominal) et interne (inflation), l’ancrage externe étant encore nécessaire, faute d’une efficacité suffisante de l’ancrage interne. Plus le taux de change est stable et l’inflation maîtrisée, plus la banque centrale a des marges de manœuvre pour une réponse contracyclique, et inversement.
Même si le constat ne peut pas être généralisé à tous les pays d’ASS, la crise actuelle a, à ce jour, moins pesé sur la stabilité externe que la crise de 2008-2009 grâce à des conditions de financement sur les marchés internationaux qui sont redevenues favorables dès l’automne 2020 et à des soutiens financiers internationaux. Cette stabilité est souvent analysée à l’aune de deux indicateurs, comme le fait par exemple le FMI dans son Regional economic outlook pour l’Afrique (REO) d’octobre 2021 : l’évolution du niveau des réserves de change et celle du taux de change. Sur cette base, en comparaison des pays en taux de change flexible ou intermédiaire, les pays en taux de change fixe ont été mieux protégés des pressions sur le change lors de la crise actuelle et sans que cela ne soit au détriment de leur niveau de croissance. Ce constat est particulièrement net pour l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et dans une moindre mesure pour les pays de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC). Ces deux unions monétaires, dont la monnaie est ancrée sur l’Euro, ont en effet affiché, en moyenne, d’après le FMI, un taux de croissance du PIB de + 4,4 % et + 0,3 % en 2020 et 2021, contre respectivement + 3,1 % et - 1,7 % pour l’ensemble de l’ASS.
En matière d’inflation, le constat est également clair, particulièrement eu égard à la situation observée en 2021 et début 2022 (voir Graphique ci-dessus). La crise actuelle a entraîné une nette remontée de l’inflation en ASS (10,7 % en moyenne annuelle en 2021, contre 8,2 % en 2019, FMI REO octobre 2021), à l’inverse de la crise précédente qui avait vu l’inflation baisser de 11,7 % en 2008 à 7,5 % en 2010, FMI REO avril 2011 (voir Graphique). La remontée actuelle de l’inflation entraîne une forte réduction des marges de manœuvre de certaines banques centrales, en particulier pour les pays qui n’ont pas de régime de changes fixe. D’après le FMI (REO octobre 2021), l’inflation devrait s’élever en 2021 à 2,1 % en CEMAC et 2,9 % en UEMOA, contre 24,4 % en Angola, 22,8 % en Zambie ou 16,9 % au Nigéria pour prendre quelques cas de pays ayant un régime de change intermédiaire.
Plus encore, il importe de préciser que cette dégradation des marges de manœuvre n’est pas linéaire, mais qu’elle a tendance à s’accélérer au-delà de certains seuils. En effet, lorsque la stabilité monétaire (externe ou interne) est assurée, la crédibilité de la banque centrale n’est pas remise en cause, mais elle peut l’être quand on est sur des niveaux éloignés des situations d’équilibre. Il s’agit généralement pour le change d’une baisse du taux de plus de 25 % sur un horizon court (Frankel et Rose (1996), p. 353) ou un niveau de réserves de change inférieur à 3 mois d’importations de biens et services (règle dite Greenspan-Guidotti (Jeanne et Rancière (2006), p.6)), normes fréquemment utilisées par le FMI. En matière d’inflation, des niveaux très supérieurs à la cible de la banque centrale risquent de déclencher des effets "boule de neige" pouvant conduire à un désancrage des anticipations d’inflation. Deux des quatre pays d’ASS qui ont adopté un régime de ciblage d’inflation, selon le FMI (Annual report on exchange rate arrangements and exchange restrictions), le Ghana et les Seychelles, pourraient se trouver dans ce cas (voir Tableau).