Discours

La politique monétaire dans la zone euro : avons-nous agi trop tard ? Ou se pourrait-il que nous en fassions trop aujourd’hui ?

25 Septembre 2023
François Villeroy de Galhau intervention

Conférence BCE – CEPR – Banque de France – Paris, 25 septembre 2023

Discours de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France

Mesdames, Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi de vous accueillir à la conférence sur « les défis de la politique monétaire pour la macroéconomie européenne ». Comme vous le savez, cette conférence est organisée conjointement avec la Banque centrale européenne, le CEPR et le Journal of Monetary Economics. Au programme figurent certains des économistes les plus éminents dans le domaine de l’économie monétaire, et je voudrais saluer en particulier mon collègue Philip Lane, économiste en chef de la BCE, qui prononcera un discours demain, et nos deux conférenciers principaux, Hélène Rey et Jordi Gali. Les banquiers centraux sont toujours désireux d’apprendre des universitaires : nous avons besoin d’études de grande qualité pour élaborer de bonnes politiques.

La conférence vise à présenter des études récentes qui se concentrent sur des questions européennes. C’est une initiative bienvenue, car une grande majorité des études en macroéconomie appliquée sont axées sur les États-Unis. Les raisons en sont compréhensibles, de par la taille de l’économie américaine, mais je dois dire que les questions européennes méritent vraiment d’être davantage explorées. Premièrement, la zone euro est la troisième puissance économique mondiale. Deuxièmement, et surtout, la zone euro constitue une initiative unique, par laquelle 20 pays ont décidé librement et pacifiquement d’unir leurs efforts et de créer une monnaie commune. Cette union monétaire célèbrera son 25e anniversaire en janvier prochain. Elle a résisté à de rudes épreuves – tout récemment la Covid et la guerre – et reçoit un soutien populaire qui ne cesse de croître : aujourd’hui, 78 % des citoyens de la zone euro soutiennent notre monnaie unique, contre 68 % en 1999. Malgré son succès remarquable, la plus grande union monétaire du monde est source de défis économiques spécifiques. Dans la suite de mon discours, j’apporterai des précisions sur la situation actuelle dans la zone euro, en revenant sur l’épisode inflationniste qui a débuté en 2021.

Pour planter le décor, j’aimerais aborder deux critiques qui ont été adressées à notre politique monétaire (et à celle d’autres banques centrales) : (i) nous aurions réagi trop tard quand l’inflation a commencé à augmenter ; (ii) aujourd’hui, nous pourrions courir le risque d’en faire trop.

 

1. « Trop tard »

Cette critique comporte deux éléments : le fait que la BCE se serait trompée en 2021 en jugeant que la poussée d’inflation en 2021 était temporaire, et qu’elle a ensuite trop tardé à mettre fin aux achats nets d’actifs et à relever les taux directeurs en 2022. De toute évidence, sachant ce que nous savons ex-post, certaines décisions auraient pu être prises quelques mois plus tôt. Cependant, avec le recul, je ne pense pas que nous aurions pu faire beaucoup mieux en temps réel.

Le débat sur le caractère « temporaire »

Premièrement, en ce qui concerne la question de savoir si la poussée d’inflation était temporaire, il convient de rappeler quelques évidences. Nous avons été frappés deux fois : d’abord par les goulets d’étranglement au niveau de l’offre qui ont suivi la réouverture post-covid dans un contexte d’excédent d’épargne important, puis par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La réponse théorique au premier choc d’offre négatif consistait à « regarder au‑delà », du moment que les anticipations d’inflation à long terme restaient ancrées. Une vaste majorité (environ 75 %) des participants à une enquête de la Banque de France réalisée début février 2022 auprès des entreprises considéraient que leurs difficultés d’approvisionnement allaient disparaître au cours des douze mois suivants [i]. Les goulets d’étranglement sous-jacents au niveau de l’offre sur les marchés des biens se sont effectivement avérés transitoires, et les prix à la production domestiques sont désormais en train de baisser.

Image Supply difficulties have proved transitory: evidence from our business survey in France
Supply difficulties have proved transitory: evidence from our business survey in France

C’est une critique raisonnable ex-post que d’affirmer qu’avoir « regardé au‑delà » de ce choc initial a laissé l’économie en situation de vulnérabilité face à un deuxième choc inflationniste, mais nous venions tout juste de connaître une décennie d’inflation inférieure à la cible, et les taux directeurs étaient bloqués au plancher effectif. Le risque de retomber dans un nouvel équilibre d’inflation faible (low-flation) était bien réel. Le débat académique à l’époque était également très divisé. [ii] [iii]

Cette stratégie a, bien évidemment, été complètement bouleversée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et par les augmentations spectaculaires des prix de l’énergie (29 % entre janvier et octobre 2022) et de l’alimentation (12 % sur la même période) qui en ont résulté. Ces deux composantes ont contribué à elles seules pour 6,8 points de pourcentage à l’inflation totale en octobre 2022. Mais même à ce moment-là, personne ne savait vraiment comment ces chocs allaient évoluer, en particulier car cela représentait un choc important et négatif sur les termes de l’échange pour la zone euro, à la différence des États-Unis.

Mais le changement décisif a résidé dans le fait que la dynamique de l’inflation est passée de ces facteurs externes spécifiques à des sources plus générales et plus domestiques. L’inflation sous-jacente (mesurée par l’IPCHX) est passée de 3 % en mars 2022 à 5,5 % en juillet 2023. L’inflation n’est pas seulement plus élevée, elle s’est davantage généralisée, passant d’un choc important sur les prix relatifs à un changement durable des prix en général. C’est à ce moment‑là, au printemps 2022, que le risque d’une inflation persistante s’est imposé comme une évidence.

Notre réaction monétaire a-t-elle été trop faible ?

Compte tenu de ce déplacement de la balance des risques, avons-nous réagi trop tard ou trop lentement ? Ici aussi, nous ne devrions pas oublier un certain nombre de points.

Premier point à souligner : au-delà des taux directeurs, ce qui importe c’est comment l’orientation actuelle et attendue de la politique monétaire affecte les conditions de financement pour les entreprises et les ménages. Ce slide présente le taux de la facilité de dépôt (DFR, deposit facility rate) et le taux des OIS à dix ans.

 

Image Financial conditions tightened quickly
Financial conditions tightened quickly

Il montre que l’orientation de la politique monétaire se resserrait déjà rapidement à partir de décembre 2021. Dès ce moment-là, nous avions annoncé notre intention de mettre un terme aux achats nets d’actifs dans le cadre du PEPP, et de ralentir le rythme futur des achats nets au titre de l’APP. Et nous avons confirmé et précisé notre décision en mars 2022 : croyez-moi, elle n’était pas si évidente, trois semaines seulement après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et au vu des anticipations des marchés et des nombreuses suggestions publiques. Le taux d’intérêt à 10 ans avait déjà augmenté de 150 points de base environ avant le relèvement du taux de la facilité de dépôt en juillet 2022.

Un deuxième point ressort du slide suivant, qui présente à chaque moment considéré le pic du taux OIS à un mois (quel que soit l’horizon) anticipé par le marché. Cela montre qu’au moment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le taux d’intérêt maximum attendu par les marchés s’établissait à 0,75 % environ. Même en août 2022, le taux maximum n’était qu’à peine supérieur à 1 % et ce n’est qu’à partir de janvier 2023 qu’il a dépassé 3 %.

Image Peak 1-month interest rates anticipated by markets
Peak 1-month interest rates anticipated by markets

Ceci montre certes que les marchés ont été lents à ajuster leurs anticipations, comme tout le monde. Mais cela montre également, plus subtilement, que les marchés et les institutions financières ont eu la conviction que la politique monétaire était toujours sur la bonne voie pour ramener l’inflation à un niveau proche de la cible, et font confiance à la Banque centrale européenne.

De plus, les anticipations d’inflation des prévisionnistes professionnels sont restées largement ancrées, que ce soit à horizon 2 ans ou 5 ans ; leurs moyennes ressortent actuellement à 2,2% et 2,1% respectivement, en cohérence avec notre cible d’inflation.

Image Professional forecaster's inflation expectations
Professional forecaster's inflation expectations

Bien sûr, depuis juillet 2022, nous avons augmenté les taux beaucoup plus que ce qui était anticipé à l’origine, mais cela montre l’ampleur des surprises apportées par les données entre ce moment-là et maintenant. Actuellement à 4 %, le taux directeur – celui de la facilité de dépôt – a été relevé de 450 points de base depuis juillet 2022, un resserrement rapide et presque sans précédent de la politique monétaire dans les principales économies avancées au cours des quarante dernières années.

Un enseignement utile concernant la forward guidance

Nos détracteurs fondent en grande partie leurs arguments sur la sagesse donnée par le recul. Cela dit, rétrospectivement, il y a probablement un enseignement utile à tirer. Notre recours à la forward guidance pour les taux d’intérêt a peut-être été excessif sur le principe face aux chocs exceptionnellement importants et inattendus, et trop rigide dans son contenu. Comme je l’ai dit précédemment [iv], nous ne pouvons pas totalement nous lier les mains à l’avance avec des règles, et devrions conserver un certain pouvoir discrétionnaire pour faire face à des données ou évènements inattendus. La forward guidance ne consistera jamais à mettre la politique monétaire en pilote automatique. Il y aura toujours une part d’appréciation, y compris en ce qui concerne la distribution des risques autour des projections macroéconomiques de la BCE. Les banques centrales doivent être prévisibles, mais elles ne doivent pas être prédéterminées. Le relèvement en partant du taux plancher était doublement verrouillé, en étant à la fois dépendant de la situation économique (trois critères d’inflation) et planifié après la fin des achats nets d’actifs. Avec davantage de flexibilité, la première hausse des taux aurait pu intervenir avant juillet 2022 ; mais cela ne serait probablement pas intervenu plus d’une ou deux réunions plus tôt. Dans l’ensemble, cela n’aurait pas changé grand-chose, car les conditions financières avaient déjà anticipé les relèvements futurs des taux au travers d’une augmentation des taux d’intérêt à moyen et long terme. À l’avenir, je n’exclurais pas un certain retour à la forward guidance, mais qui serait plus indicative, plus dépendante de la situation économique...et plus modeste – c’est-à-dire moins puissante comme instrument.

2. « Trop», aujourd’hui ?

L’autre critique ne concerne pas le passé, mais la situation actuelle, à savoir que nous aurions déjà trop fait au risque de plonger l’économie dans la récession. Je ne me concentrerai pas sur la discussion relative à notre dernier relèvement de 25 points de base le 14 septembre. Même si je peux tout à fait comprendre cette discussion, mon analyse porte sur notre hausse globale de 450 points de base depuis juillet 2022.

Quelques bonnes nouvelles...

L’inflation totale est déjà revenue de son pic de 10,6 % enregistré en octobre de l’année dernière à 5,2 % en août et, curieusement, cette critique contient quelques bonnes nouvelles. Premièrement, cela implique que la politique monétaire a en effet eu un effet puissant sur l’économie. Il n’y a pas si longtemps, il y avait un débat pour savoir si la courbe IS n’était pas devenue relativement plate et si nos instruments n’étaient pas insuffisants pour lutter contre l’inflation. Deuxièmement, cela montre, au moins dans plusieurs pays dont la France, que la psychologie de l’inflation a basculé, avec une atténuation de la préoccupation relative à des risques à la hausse sur l’inflation. Notre politique monétaire résolue au cours de l’année passée avait en effet pour objectif de briser une psychologie inflationniste auto-entretenue. Les anticipations d’inflation des ménages et des entreprises ont atteint un pic, corroborant cette évaluation. Notre dernière enquête mensuelle auprès des chefs d’entreprise, publiée il y a une semaine [v], montre que les chefs d’entreprise adaptent leurs prix de vente en conséquence. Pour la première fois en août, la part des entreprises industrielles qui ont baissé leurs prix de vente (6 %) est plus importante que celle des entreprises qui les ont augmentés (4 %).

Image Increase / decrease in selling prices over the past month
Increase / decrease in selling prices over the past month

... mais des risques à évaluer correctement

Toutefois, à mon avis, la critique selon laquelle nous en aurions trop fait achoppe sur deux points. Elle surestime dans une certaine mesure les risques pour la croissance : ce que nous voyons – et prévoyons – actuellement est un ralentissement et non une récession ; et l’emploi reste à des niveaux record, ce qui constitue une surprise positive. D’autre part, elle sous-estime la persistance de l’inflation. L’inflation totale s’est certes rapidement ralentie. Mais s’agissant de l’inflation sous-jacente, la question est moins tranchée. L’indicateur IPCHX (hors énergie et alimentation) s’est inscrit en hausse à 5,7 % en mars de cette année, mais est depuis revenu à 5,3 % en août. Dans l’Eurosystème, nous suivons une batterie d’indicateurs et ceux qui visent à identifier l’inflation « instantanée » sont inférieurs à cela, s’établissant en-deçà de 3 % ; ils pointent tous dans la bonne direction. Néanmoins, la croissance annuelle des salaires nominaux reste soutenue, tout en montrant les premiers signes d’un pic : elle devrait s’établir en moyenne à 5,3 % dans la zone euro en 2023, et à 4,3 % et 3,8 % respectivement en 2024 et 2025.

De plus, certains commentateurs évoquent la « difficulté du dernier kilomètre » dans le retour de l’inflation à la cible de 2 %. Toutefois, cette expression suppose des non-linéarités dans la courbe de Phillips qui n’ont pas été vraiment identifiées dans le cas européen. Et certains suggèrent qu’en conséquence, nous devrions accepter que le « assez proche », disons 3 %, soit suffisamment proche de la cible, plutôt que de fixer une politique beaucoup plus restrictive pour atteindre les 2 %. Je ne suis pas un fétichiste du 2,0 % à une décimale près, mais je crois qu’il serait très contreproductif de changer ou d’assouplir notre cible d’inflation, que ce soit explicitement ou implicitement. 

Une leçon concernant l’avenir

Tout comme la critique sur le passé, cette critique infondée recèle néanmoins d’utiles enseignements. Le risque n’est pas que nous en ayons déjà trop fait. Il est possible que nous en fassions trop à l’avenir. Permettez-moi de développer cela autour de quelques réflexions personnelles.

Premièrement, nous devons prendre en compte la transmission très forte et rapide du resserrement de notre politique monétaire aux conditions de financement. Le slide suivant illustre en partie gauche la hausse très rapide du taux directeur relativement aux précédents cycles de resserrement, et à droite la forte hausse correspondante des taux appliqués aux sociétés non financières (qui ont augmenté d’environ 300 points de base depuis mai de l’année dernière). Cette transmission a même été encore plus rapide que nous ne l’avions anticipé.  

 

Image Lending rates to french firms across hiking cycles
Lending rates to french firms across hiking cycles

Les taux des dépôts bancaires ont également augmenté, surtout pour les dépôts à terme, déclenchant une réallocation en faveur de ces derniers. Le volume de l’encours de crédit consenti aux entreprises s’est nettement ralenti et plus rapidement que lors des précédents cycles de resserrement.

Image Lending rates to french firms across hiking cycles -
Lending rates to french firms across hiking cycles

Toutefois, la transition va encore se poursuivre, les prêts à taux fixe arrivant à échéance et étant renouvelés à des taux plus élevés. Ce processus prend du temps et nous estimons, à la Banque de France, qu’il pourrait y avoir une hausse comprise entre 40 et 50 points de base des taux appliqués aux sociétés non financières encore à venir. Un dernier mot concernant la transmission monétaire : si son premier volet (transmission aux conditions financières) est manifestement rapide, nous sommes moins au clair à ce stade concernant son deuxième volet (transmission des conditions financières à l’économie) [vi].

Deuxième réflexion : nous avons clairement un objectif principal, qui est notre destination, ramener l’inflation vers 2 % d’ici 2025. Il ne peut y avoir aucun doute sur notre détermination et notre engagement. Nous sommes de plus en plus confiants dans le fait que nous y parviendrons – voyez notre dernière prévision d’inflation pour 2025. Et donc, sous réserve de cet objectif principal, nous pouvons maintenant intégrer un objectif secondaire concernant la trajectoire : si nous pouvons atteindre notre destination avec un atterrissage en douceur, plutôt qu’un atterrissage brutal, il s’agit d’un bien meilleur chemin, pour l’économie, pour nos concitoyens européens et pour la saine conduite des politiques budgétaires.

Le risque d’en faire trop doit être mis en balance avec le risque de ne pas en faire assez. À mon avis, ces risques sont désormais au moins symétriques. Dans le deuxième cas, l’inflation resterait durablement supérieure à sa cible et on pourrait observer un désancrage des anticipations d’inflation. Il s’agit d’un risque gérable, car nous pouvons toujours en faire davantage si ce risque se matérialise. Mais s’agissant du risque d’en faire trop, avec une économie qui entrerait en récession, entraînant une forte décélération de l’inflation, nous serions obligés de faire vite marche arrière. Par conséquent, « tester jusqu’au point de rupture » ne constitue pas une manière raisonnable de calibrer la politique monétaire. Cela suggère que nous devrions désormais nous concentrer sur la persévérance de la politique monétaire plutôt que sur le constant relèvement des taux - la durée plutôt que le niveau.

Patience et persévérance en matière de politique monétaire ne signifient pas inaction. Notre orientation actuelle est restrictive - les taux réels implicites extraits des marchés sont supérieurs à nos estimations du taux neutre -, maintenir son niveau actuel réduira donc l’inflation. De même qu’il y a un risque d’en faire trop à l’avenir, il existe le risque inverse d’assouplir trop tôt. Si les marchés intègrent pleinement notre stratégie persévérante, ils ne devraient pas s’attendre à des réductions de taux avant une période suffisamment longue ; alors, les marchés allongeront de manière endogène la durée des taux élevés, contribuant ainsi au calibrage approprié de l’orientation de politique monétaire. Dans tous les cas, notre politique doit continuer de s’appuyer sur les données. En particulier, nous devons suivre avec attention le récent rebond des prix du pétrole. À l’heure actuelle, il est loin de constituer un choc général sur les matières premières comme en 2021-2022 ; mais nous devons surveiller ses effets éventuels sur les anticipations d’inflation et les salaires : l’inflation sous-jacente demeure notre principal indicateur. Une stratégie persévérante ne constitue pas une indication prospective (forward guidance) que les taux n’augmenteront plus jamais. Cela demeure une stratégie pragmatique : et en pragmatique, je souligne clairement aujourd’hui que « sur la base de notre évaluation actuelle, nous considérons que les taux d'intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus sur une durée suffisamment longue », sont globalement cohérents avec le retour de l’inflation à notre cible en 2025.

Pour conclure, au cours des trois dernières années, nous avons dû naviguer au milieu d’une incertitude sans précédent. Il serait ridicule de prétendre que nous avons toujours eu raison à 100 %, mais dans l’ensemble, nous avons géré au mieux les données et les surprises. Nous savons maintenant que nous sommes sur la bonne voie, nous sommes de plus en plus confiants sur le retour vers notre cible d’inflation de 2 %. Toutefois, continuer d’accepter cette incertitude, ce qui n’est généralement pas l’apanage de la science, est peut-être au moins ce qu’exige la rationalité. Comme l’a écrit le mathématicien et philosophe britannique Bertrand Russell « ne pas être absolument certain [est] l’une des choses essentielles de la rationalité » [vii]. Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une bonne conférence.

 


[i] Banque de France, Point sur la conjoncture française à début février 2022, février 2022
[ii] Reichlin, L., Ricco, G., Mc Mahon, J., Understanding inflation risks in the US and the euro area, 22 décembre 2021
[iii] Ilzetki, E., Surging inflation in the UK, 10 février 2022
[iv] Villeroy de Galhau, F., « La politique monétaire dans un contexte d’incertitude », discours à la London School of Economics, 15 février 2022.
[v] Banque de France, Enquête mensuelle de conjoncture, 18 septembre 2023.
[vi] Villeroy de Galhau, F., Transmission de la politique monétaire : où en sommes-nous ? discours, 22 mai 2023
[vii] Russell (B.), 1947