Les grandes évolutions du monde des paiements

Au cours des dernières décennies, plusieurs grandes tendances ont transformé l’écosystème financier et le paysage des paiements :

  • la numérisation des économies, avec le développement du e-commerce et l’utilisation croissante de moyens de paiement dématérialisés et innovants ;
  • l’émergence de nouveaux acteurs, tels que les BigTechs et les Fintechs ;
  • l’émergence de nouveaux actifs, les cryptoactifs et les stablecoins, dont l’utilisation pourrait augmenter avec la récente tendance à la « tokenisation » des actifs, qui consiste à émettre des titres financiers sous forme de jeton numérique grâce à l’usage de nouvelles technologies telles que les technologies de registre distribué, notamment la blockchain.

Les défis de la numérisation de la finance

La Banque de France soutient l’innovation, qui a contribué de manière significative à améliorer l'efficacité et la sécurité des secteurs des paiements et de la finance.

Toutefois, ces tendances interrogent la place de la monnaie centrale :

  • la numérisation des paiements s’accompagne d’une baisse de l’utilisation des espèces. Or, pour l’heure, les espèces, non présentes dans le monde numérique, sont la seule forme de monnaie centrale accessible au grand public, et elles remplissent un « rôle d’ancrage ». En effet l’utilisation des espèces permet d’éprouver de manière régulière la libre convertibilité à parité entre les différentes formes de la monnaie, ce qui assure l’unicité de la monnaie et, in fine, la confiance dans le système financier;
  • la tokenisation de l’écosystème financier pose la question de l’actif utilisé pour régler les transactions sur actifs tokenisés (titres financiers sous forme de jeton numérique). Pour l’heure, seuls des actifs privés sont directement disponibles sur les technologies de registre distribué (comme les cryptoactifs et les stablecoins) pour régler des transactions sur actifs tokenisés, alors qu’ils présentent un risque pour la stabilité du système financier. A contrario, la monnaie centrale n’est, à ce stade, pas disponible sous forme tokenisée. Or, elle constitue l’actif de règlement le plus sûr et le plus liquide : son utilisation permet d’éviter tout risque de contrepartie et de liquidité dans les transactions financières.

C’est pour ces raisons que de nombreuses banques centrales étudient l’opportunité d’émettre de la monnaie numérique de banque centrale (MNBC).

« Les deux projets d’une MNBC interbancaire et d’une MNBC de détail sont deux faces de la même " montagne ", qui est l’ambition d’offrir une forme numérique de monnaie de banque centrale afin de combiner l’innovation et la confiance dans le système de paiement. »
François Villeroy de Galhau
,
gouverneur de la Banque de France, juillet 2022

Deux réponses pour accompagner l’innovation

Innover pour préserver la place de la monnaie centrale à l’ère numérique

Pour préserver la place de la monnaie centrale, l’Eurosystème envisage d’introduire de nouvelles formes de monnaie centrale qui pourraient compléter les autres formes de monnaie existantes sans les remplacer :

  • une MNBC « de détail » (l’euro numérique) serait l’équivalent numérique du billet : elle permettrait au grand public d’envoyer et de recevoir des paiements partout en zone euro, à proximité ou à distance, en monnaie centrale, comme avec le billet avec lequel elle partagerait une autre caractéristique forte, à savoir un haut degré de confidentialité pour les transactions. En plus de contribuer au « rôle d’ancrage » de la monnaie centrale, une MNBC de détail pourrait aussi renforcer l’autonomie stratégique et l’efficacité économique du continent européen, en facilitant l’émergence de moyens de paiement paneuropéens innovants créés par des acteurs privés ;
  • l’Eurosystème va par ailleurs conduire des travaux exploratoires pour étudier la manière de régler en monnaie de banque centrale des actifs tokenisés, en utilisant différentes technologies. Une MNBC interbancaire permettrait aux acteurs financiers de régler (directement ou indirectement) des actifs tokenisés en monnaie centrale. Elle pourrait aussi contribuer à améliorer l’efficacité des transactions transfrontières.

Définir un cadre de confiance

La Banque de France veille au bon fonctionnement des infrastructures de marché et des moyens de paiement et participe à ce titre aux travaux menés par le législateur européen.

Les banques centrales, conjointement avec le régulateur, doivent s’assurer que le cadre juridique traite de manière équitable les activités exercées par le marché et réponde de manière proportionnée aux risques (selon le principe de « même activité, même risque, même règlementation »). Une telle approche contribue à assurer une concurrence équitable entre les acteurs et aide à prévenir tout risque d’arbitrage règlementaire, y compris entre juridictions.

Le législateur européen s’est inscrit dans cette démarche. Il a ainsi élaboré et adopté un ensemble de mesures sur la finance numérique (appelé « paquet finance numérique »), y compris un règlement relatif aux marchés de cryptoactifs (Markets in Crypto Assets – MiCA).

Image Schéma STIM
Deux axes majeurs pour les banques centrales : préserver la souveraineté monétaire et la stabilité financière, et promouvoir l'innovation dans un contexte de confiance.