Des mesures de politique monétaire non conventionnelles, pour améliorer le financement de l’économie

Pour lutter contre les conséquences de la crise financière, les banques centrales ont adopté à partir de 2008 des mesures inhabituelles, qui vont au-delà de la politique monétaire « conventionnelle ». En effet, ayant déjà porté les taux directeurs à des niveaux très bas, elles ont imaginé de nouveaux moyens pour améliorer les conditions de financement de l’économie. On parle ainsi de mesures « non conventionnelles ». Ces dernières peuvent prendre plusieurs formes :

L’adoption de taux négatifs

La facilité de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE) est passée en territoire négatif en juin 2014 et l’est restée jusqu’à l’été 2022. De ce fait, les taux d’intérêt de référence prévalant sur le marché monétaire ont baissé significativement sous zéro, confortant ainsi le caractère accommodant de la politique monétaire dans l’objectif de renouer avec la cible d’inflation.

Le guidage prospectif (forward guidance)

L’utilisation de l’effet signal via l’adoption d’un guidage prospectif consiste à fournir des indications aux marchés sur la trajectoire future des taux d’intérêt directeurs. La BCE a utilisé pour la première fois le guidage prospectif en juillet 2013.

Les opérations ciblées de refinancement de long terme (TLTROs – targeted longer-term refinancing operations)

La mise en place d’opérations ciblées de refinancement de long terme consiste en l’octroi de financements à long terme au secteur bancaire à des conditions intéressantes, afin de préserver les conditions d'emprunt du secteur et stimuler les prêts bancaires à l'économie réelle. La BCE a ainsi mis en place plusieurs TLTROs depuis 2014.

Les mesures d’assouplissement quantitatif (quantitative easing)

L’assouplissement quantitatif consiste pour une banque centrale à intervenir de façon massive, généralisée et prolongée sur les marchés financiers en achetant des actifs financiers aux banques. En achetant ces titres aux banques, les banques centrales augmentent la liquidité en circulation et font baisser les taux d’intérêt, agissant ainsi indirectement contre le risque de déflation et le ralentissement de la croissance. 

Le programme d’achats APP, premier programme d’assouplissement quantitatif de la BCE

La BCE a lancé son premier programme d’assouplissement quantitatif, le programme APP (Asset Purchase Programme), en mars 2015. Son objectif : soutenir les mécanismes de transmission de la politique monétaire et fournir le degré de flexibilité nécessaire pour assurer la stabilité des prix. Le programme APP inclut :

  • deux programmes préexistants : l’ABSPP (Asset-backed Securities Purchase Programme) consistant en l’achat de titres adossés à des actifs, et le CBPP3 (Covered Bond Purchase Programme 3) consistant en l’achat de covered bonds, lancés fin 2014 et visant tous deux à aider les banques à diversifier leurs sources de financement, développer leurs émissions de nouveaux titres et faciliter ainsi l’octroi de crédit ;
  • deux nouveaux programmes : le PSPP (Public Sector Purchase Programme), lancé en mars 2015, consistant en l’achat de titres obligataires d’émetteurs publics (États, agences, organisations supranationales), et le CSPP (Corporate Sector Purchase Programme), lancé en juin 2016 et consistant en l’achat d’obligations et de commercial papers d’entreprises non financières.

Depuis la création du programme, et hors période d’arrêt des achats nets, le rythme d’achat d’actifs s’est échelonné entre 15 milliards et 80 milliards d’euros par mois.

Le programme d’achats PEPP, pour répondre à la crise sanitaire

En réponse à la crise sanitaire, le Conseil des gouverneurs de la BCE a créé un programme d’achats d’urgence en mars 2020, le PEPP (Pandemic emergency purchase programme), afin de contrer les risques sérieux pesant sur les mécanismes de transmission de la politique monétaire et sur les perspectives économiques de la zone euro résultant de l'épidémie de coronavirus (Covid-19).

Les actifs éligibles aux achats au titre de l’APP le sont également au titre du PEPP, ainsi que les titres souverains grecs et les commercials papers d’une maturité résiduelle d’au moins 70 jours.

L’enveloppe initiale du programme, calibrée à 750 milliards d’euros, a été progressivement relevée à 1 850 milliards d’euros.

De nouvelles décisions de politique monétaire pour faire face à l’inflation

Dans un contexte de progrès en matière de reprise économique et de renforcement des pressions inflationnistes, le Conseil des gouverneurs a décidé :

  • lors de sa réunion de décembre 2021, la fin des achats nets du PEPP à partir de fin mars 2022, avec un réinvestissement des remboursements du principal des obligations arrivant à échéance jusqu’à au moins fin 2024 ;
  • lors de sa réunion de juin 2022, la fin des achats nets de l’APP à partir du 1er juillet 2022 ;
  • lors de sa réunion de décembre 2022, le début de la normalisation de son bilan (quantitative tightening, ou resserrement quantitatif) en actant la diminution de 15 milliards d’euros par mois en moyenne sur la période de mars à juin 2023 des réinvestissements des tombées obligataires de l’APP.

L’instrument de protection de la transmission, pour une transmission efficace de la politique monétaire

Afin d’assurer la bonne transmission de la politique monétaire en période de normalisation, le Conseil des gouverneurs a créé, lors de sa réunion de juillet 2022, le transmission protection instrument (TPI), programme d’achats pouvant être activé en cas d’apparition de dynamiques de marché injustifiées et désordonnées constituant une menace sérieuse pour la transmission de la politique monétaire au sein de la zone euro. En cas d’activation du TPI, et contrairement aux achats effectués dans le cadre de l’APP, les achats effectués ne devront pas avoir d’impact permanent sur le bilan de l’Eurosystème, et donc sur l’orientation de la politique monétaire.

Le programme de prêts de titres

Les titres d’émetteurs publics achetés dans le cadre du PSPP et du PEPP, ainsi que les titres achetés dans le cadre du CSPP, font l’objet d’une facilité de prêts de titres afin d’améliorer la liquidité du marché, notamment en période de pénurie de collatéral. Ces prêts peuvent être effectués :

  • contre titre, avec une compensation via une opération de reverse repo de même maturité ;
  • contre cash, dans une limite globale de 250 milliards d’euros pour tout l’Eurosystème.

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