Les IDE révèlent un phénomène de destruction créatrice
Nous mettons en évidence un impact en deux étapes (courbe en "J") des IDE sur l’investissement domestique (voir graphique 1). À court terme, pénalisé par une concurrence accrue, l’investissement domestique se contracte suite à l’entrée des entreprises étrangères. Au fur et à mesure que les entreprises locales s’adaptent et que des liens commerciaux se développent avec les entreprises étrangères, l’effet d’éviction diminue. On évalue à 4-5 ans le délai nécessaire pour que l’effet d’éviction s’estompe. À plus long terme et sous certaines conditions, l’investissement domestique est stimulé par les effets d’entrainement liés à l’intégration des filiales étrangères dans l’économie. Toutefois, cette complémentarité n’est pas systématique.
Les investisseurs domestiques réagissent selon le mode d’entrée des investisseurs étrangers
Selon le mode d’entrée de investisseurs étrangers, les IDE peuvent prendre la forme d’investissements appelés "greenfield" (création ex-nihilo d’une entreprise nouvelle) ou de fusions et acquisitions (prise de participation dans une entreprise existante).
Les IDE greenfield captent rapidement une partie de la demande adressée aux entreprises locales, favorisés par leur plus forte productivité et des coûts marginaux plus faibles. De ce fait, ils génèrent à court terme un plus fort effet d’éviction. En revanche, les IDE greenfield s’accompagnent fréquemment du développement de liens commerciaux au sein de l’économie nationale, notamment s’ils font appel à des fournisseurs locaux : ceci sera bénéfique à long terme pour les entreprises locales.
A l’inverse, les fusions et acquisitions n’entrainent pas d’effet significatif sur l’investissement domestique. En effet, ce sont des transferts de propriété d’actifs existants, sans addition immédiate au stock de capital. Par ailleurs, la concurrence sur le marché n’est pas modifiée de façon significative, les entreprises faisant l’objet de ces opérations étant déjà présentes sur le marché. Certes, des investissements de modernisation et d’extension peuvent avoir lieu suite à une fusion ou une acquisition, mais l’effet est plus progressif et il laisse une marge d’adaptation aux entreprises locales.
Si l’effet d’éviction est dominant, le développement financier permet toutefois de le contenir
Comme les flux de capitaux, les IDE sont susceptibles d’alimenter les systèmes financiers locaux, en augmentant l’offre financements et en favorisant la baisse des taux d’intérêt. Par la suite, en raison de leur capacité à redistribuer efficacement les ressources, des systèmes financiers développés, que ça soit le secteur bancaire ou le marché des capitaux, peuvent faciliter l’accès au financement des investisseurs locaux. À l’aide des variables d’interaction, nous montrons que les systèmes financiers développés compensent, dans une certaine mesure, l’effet d’éviction.
Dans la perspective du développement financier, le mode d’entrée des investisseurs étrangers apparait de nouveau crucial. Si les fusions et acquisitions n’apportent pas de contribution immédiate à l’accumulation de capital, elles pourraient néanmoins se révéler complémentaires à l’investissement domestique, à condition que les systèmes financiers soient suffisamment développés. En effet, lors des fusions et acquisitions, les fonds ne sont pas immédiatement affectés, et alimentent ainsi, le plus souvent, le secteur bancaire domestique.
Enfin, dans la mesure où l’effet d'éviction à court terme résulte d'un mécanisme concurrentiel, au terme duquel ce sont les entreprises les plus productives qui restent sur le marché, l'effet global sur le bien-être national devrait être positif, car la productivité moyenne de l’économie augmente. En outre, encourager les IDE ciblant des secteurs locaux sous-développés ou utilisant des intrants locaux pourrait s’avérer utile afin d’atténuer l'effet d'éviction à court terme.