Ces dernières années, le débat sur la manière dont la politique monétaire influence les inégalités s’est intensifié. Alors que les effets des variations conventionnelles des taux d’intérêt sur la consommation et le revenu des ménages ont été largement étudiés, les conséquences distributionnelles des outils non conventionnels sont moins connues. Il est essentiel de mieux comprendre comment les différents instruments monétaires affectent les ménages, au-delà de leur impact agrégé, afin de concevoir des stratégies de politique économique efficaces et optimales.
Cet article compare les effets distributionnels de la politique monétaire conventionnelle (PMC) et de la forward guidance (FG) sur la consommation. À l’aide de données d’enquête sur les ménages américains et d’un modèle de séries temporelles permettant de distinguer ces deux instruments, nous examinons d’abord leur impact sur les variables macroéconomiques agrégées ainsi que sur la distribution de la consommation des ménages. Bien que la PMC et la FG entraînent des réactions agrégées similaires en termes réels et financiers, elles ont des effets opposés sur l’inégalité de consommation. Une hausse conventionnelle des taux d’intérêt accroît les inégalités en affectant de manière disproportionnée les ménages à faible consommation, tandis qu’une hausse anticipée des taux via la FG tend à réduire les inégalités en touchant davantage les ménages à forte consommation.
Nous soulignons le rôle central de la politique budgétaire pour expliquer les effets divergents des outils de politique monétaire sur l’inégalité de consommation. Les hausses de taux d’intérêt influencent le coût de financement de l’État en augmentant les charges d’intérêt sur la dette ou en diminuant la valeur de marché des obligations nouvellement émises. En réponse, les autorités budgétaires peuvent ajuster les transferts versés aux ménages afin de stabiliser les finances publiques. À la suite d’un choc de PMC, les transferts publics diminuent fortement, affectant de manière disproportionnée les ménages financièrement contraints et accentuant ainsi la hausse des inégalités. En revanche, la FG reporte à la fois la hausse des taux d’intérêt et l’ajustement fiscal qui en découle, ce qui se traduit par une réduction plus limitée des transferts et des effets distributionnels plus modérés.
Pour formaliser ces mécanismes, nous développons un modèle néo-keynésien analytique intégrant deux types de ménages : des épargnants et des consommateurs contraints (« hand-to-mouth »). Le modèle inclut une politique publique de redistribution via des transferts forfaitaires, qui réagissent de manière endogène au niveau de la dette publique et à l’état du cycle économique. Conformément aux résultats empiriques, le modèle montre que le calendrier des variations de taux d’intérêt influence directement la charge de la dette publique, ce qui détermine ensuite la réponse budgétaire. Ce canal budgétaire détermine en fin de compte les effets opposés des chocs de PMC et de FG sur l’inégalité de consommation.
Mots-clés : hétérogénéité des ménages, forward guidance, inégalité, politique monétaire, contraintes de liquidité, transferts fiscaux
Codes JEL : D31, E21, E52, E58, E62