Document de travail

Risque géopolitique et inflation : le rôle des marchés de l'énergie

Mise en ligne le 24 Juillet 2025
Auteurs : Marco Pinchetti

Document de travail n° 1005. Les événements géopolitiques récents, tels que l’invasion de l’Ukraine par la Russie, soulignent l’importance de comprendre comment différents chocs géopolitiques affectent l’inflation et l’activité économique. Alors que la littérature traite souvent les chocs géopolitiques de manière homogène, cet article distingue deux types de chocs, mesurés par l’indice GPR développé par Caldara et Iacoviello (2022) : les chocs géopolitiques énergétiques, liés aux perturbations sur les marchés de l’énergie, et les chocs géopolitiques macroéconomiques, associés à des dynamiques macroéconomiques non énergétiques.

En mobilisant un modèle VAR structurel avec restrictions de signe en haute fréquence, dans le contexte d’une méthodologie event-study, l’article évalue l’impact différencié de ces deux chocs sur l’économie. Les résultats montrent que les chocs énergétiques sont à la fois récessifs et inflationnistes, tandis que les chocs macroéconomiques sont récessifs mais désinflationnistes. Par ailleurs, les effets varient selon l’intensité énergétique des secteurs : ceux à forte intensité énergétique subissent des effets sensiblement plus prononcés en cas de choc énergétique.

Ces résultats ont des implications importantes pour la conduite de la politique économique. Face à un choc macroéconomique géopolitique, un assouplissement monétaire peut être approprié. En revanche, les chocs géopolitiques énergétiques posent un arbitrage plus complexe entre stabilité des prix et soutien à l’activité. Distinguer clairement la nature des chocs géopolitiques apparaît donc crucial pour formuler des réponses adaptées dans un contexte d’incertitude géopolitique accrue.

Figure 1 : Les effets macroéconomiques des chocs géopolitiques macroéconomiques et des chocs géopolitiques énergétiques

Image WP1005
Note : Impulse response functions estimées suite à des chocs géopolitiques macroéconomiques (GPR Macro) et énergétiques (GPR Energy). Les lignes noires indiquent les valeurs médianes, les zones bleues l’intervalle de crédibilité à 68 %.

Tous les événements géopolitiques affectent-ils l’économie de la même manière ? Cet article montre qu’il est essentiel de distinguer les types de chocs géopolitiques pour comprendre leurs effets sur l’inflation et la production. En utilisant une stratégie d’identification novatrice, l’étude distingue deux catégories : les chocs géopolitiques énergétiques, liés aux perturbations sur les marchés de l’énergie, et les chocs géopolitiques macroéconomiques, liés à des développements économiques globaux non énergétiques.

Les chocs géopolitiques énergétiques surviennent lorsque les tensions géopolitiques entraînent une forte hausse des prix du pétrole — comme lors de la guerre du Golfe ou l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces chocs sont à la fois inflationnistes et récessifs : ils font monter les prix à la consommation tout en réduisant l’activité économique.
Les chocs géopolitiques macroéconomiques, en revanche, se traduisent par une montée du risque géopolitique mais une baisse des prix du pétrole — reflétant une faiblesse de la demande mondiale. Ils sont récessifs et déflationnistes. Pour identifier ces chocs, l’article exploite la comouvement de l’indice de risque géopolitique (GPR) et des prix du pétrole dans une fenêtre de trois jours autour des principaux événements. Cette méthode s’inspire de Jarociński et Karadi (2020), combinant informations narratives et restrictions de signe à haute fréquence.

La figure 1 montre la réponse estimée de l’inflation et de la production industrielle à ces deux types de chocs. Les chocs énergétiques entraînent une hausse des prix du pétrole et de l’inflation, tandis que les chocs macro provoquent une baisse de l’activité et de l’inflation.
L’article montre aussi que les secteurs réagissent différemment selon leur intensité énergétique : les plus exposés à l’énergie subissent des pertes de production et des hausses de prix plus marquées face aux chocs énergétiques.

Ces résultats soulignent la nécessité, pour les décideurs politiques, d’adapter leur réponse en fonction du type de choc rencontré. Face à des chocs géopolitiques macroéconomiques, il convient d’assouplir la politique monétaire, car ces chocs tendent à réduire l’inflation tout en contractant l’activité économique. En revanche, les chocs liés à l’énergie posent un dilemme plus complexe : ils nécessitent un équilibre entre la stabilisation de l’inflation et celle de l’activité économique.

Reconnaître la différence entre chocs géopolitiques énergétiques et chocs macroéconomiques est crucial pour concevoir des politiques économiques efficaces dans un contexte d’incertitude géopolitique. Une meilleure compréhension de ces distinctions permet de prendre des décisions plus éclairées face aux différents risques géopolitiques..

Mots-clés : risque géopolitique, cycles économiques, énergie, restrictions de signe, identification en haute fréquence.

Codes JEL : E31, E32, Q41, Q43.
 

Mise à jour le 24 Juillet 2025