En pratique, la politique monétaire consiste à gérer la quantité et le prix des liquidités que les banques échangent entre elles. Pour cela, la banque centrale inonde ou rationne les liquidités disponibles en gérant son propre bilan. Pourtant, certaines parties de son bilan - les facteurs dits autonomes comme, notamment, les billets, les dépôts des administrations publiques, les avoirs extérieurs nets ou les dépôts non monétaires - ne sont pas entièrement sous son contrôle. Ces facteurs autonomes devront être surveillés pour garantir une sortie en douceur de la politique monétaire non conventionnelle et éviter la volatilité des taux d'intérêt à court terme.
Les engagements de l'Eurosystème ont triplé depuis 2007...
En janvier 2007, les engagements consolidés de l'Eurosystème avoisinaient 1200 milliards d'euros, dont un peu plus de la moitié étaient des billets de banque. Les facteurs autonomes, tels les comptes détenus par les administrations publiques (45 milliards) et les engagements en euros envers les non-résidents (17 milliards), étaient faibles. Les banques déposaient 175 milliards d'euros en comptes courants en banque centrale pour couvrir leurs réserves obligatoires de 174 milliards, de sorte que les réserves excédentaires étaient très faibles.
En clair, les banques disposaient de liquidités tout juste suffisantes pour leur besoins et prêtaient ou empruntaient leurs excédents ou déficits de trésorerie quotidiens sur un marché interbancaire actif. Le recours aux facilités de dépôt et de prêt marginal de la banque centrale était négligeable. Le taux d'intérêt interbancaire au jour le jour (Eonia) oscillait entre ces deux taux et coïncidait généralement avec le taux de l’opération principale de refinancement. Les banques centrales prévoyaient la demande de liquidité « autonome », afin de la satisfaire par des opérations de refinancement. Au total, les conditions de liquidité bancaire étaient « équilibrées » et les taux interbancaires à court terme proches du niveau ciblé par le Conseil des gouverneurs.
Avance rapide jusqu'en décembre 2018 : le passif de l'Eurosytème a triplé, à 4 700 milliards d'euros, résultat de la politique monétaire non conventionnelle, notamment le programme élargi d'achat d'actifs (EAPP) (environ 2 600 milliards) et les opérations ciblées de refinancement à long terme (environ 730 milliards).
En conséquence, l'excédent de liquidité est passé d'un peu plus d'un milliard d'euros en janvier 2007 à environ1900 milliards en décembre 2018 (voir graphique 1).
...afin de maintenir les taux interbancaires proches du taux de la facilité de dépôt
Cet excédent de liquidité est plus que suffisant pour maintenir les taux interbancaires très proches du taux de la facilité de dépôt. De mi-2015 à décembre 2018, l'écart entre l'Eonia et ce taux de dépôt était d'environ 10 points de base - voir aussi graphique 2.