Paradis fiscaux et part du travail dans la valeur ajoutée au niveau agrégé
Document de travail n°982. Cet article étudie l’impact de l’implantation des firmes multinationales (FMN) dans les paradis fiscaux sur les inégalités de revenus entre le travail et le capital, en mesurant leur contribution à la dynamique de la part du travail dans la valeur ajoutée (VA) au niveau agrégé en France sur la période 1997-2014. Une analyse des « différences dans les différences » ainsi qu’un panel event-study permet d’examiner l’effet de l’implantation des FMNs dans les paradis fiscaux sur la part du travail dans la VA ainsi que sur chacune de ses composantes. En moyenne, la part du travail des entreprises augmente de 2,6 % dans les années suivant leur implantation dans un paradis fiscal, alors que la VA domestique diminue de 11,4 %. Cette diminution résulte à la fois d’un déclin réel, représentant 60 % de l’effet, et d’un biais de mesure, contribuant aux 40 % restants. La part du travail dans la VA augmente malgré une baisse de 8,8 % de son numérateur, la masse salariale totale, lorsque les FMN s’installent dans un paradis fiscal. De plus, cette baisse de la masse salariale s’explique par une diminution de l’emploi (-8,5 %) plutôt que par une réduction des salaires moyens des entreprises, qui ne subissent aucun effet. Le mécanisme que cet article met en lumière est celui de « l’opacité financière » plutôt que celui du « coût du capital », car le lien entre les suppressions d’emplois et l’entrée dans un paradis fiscal ne s’explique pas par une augmentation de l’intensité capitalistique, mais plutôt par une décision de restructuration déclenchant des procédures de licenciements collectifs, fortement réglementées en France. Par ailleurs, ces évolutions sont exclusivement liées aux investissements dans les paradis fiscaux et non à d’autres formes d’investissements directs à l’étranger. Compte tenu du poids de ces entreprises dans l’économie, cet article constate que la présence des FMN dans les paradis fiscaux représente environ 10 % de l’augmentation observée de la part du travail dans la VA agrégée en France entre 1997 et 2014.