Les facteurs du ralentissement du commerce mondial
Des études récentes avancent plusieurs facteurs explicatifs de ce ralentissement, cycliques ou structurels, de demande ou d’offre. Le rôle de la faiblesse de la demande mondiale est mis en avant dans l’analyse du FMI et plus récemment dans celle de la Banque d’Angleterre. Le commerce international est en effet procyclique. La part des composantes les plus volatiles de la demande, l’investissement des entreprises en premier lieu, y est plus grande que dans l'activité totale. Cependant, comme le souligne Sébastien Jean (blog du CEPII, 18/10/16), la faiblesse de la demande mondiale n’expliquerait qu’un tiers du ralentissement observé. Surtout, les causes de cette faiblesse ne sont pas seulement conjoncturelles. Des changements structurels du côté de la demande comme de l’offre mondiale sont à l’œuvre.
Toutes les analyses, en particulier au sein de l’Eurosystème, signalent le rôle joué par l’internationalisation des processus de production, ou allongement des "chaînes de valeur internationales". Le développement spectaculaire de ces dernières dans les décennies précédentes a laissé place à une stabilisation, voire un repli. D’après Timmer et al. (2016) ce développement s’est arrêté en 2011, la demande s’étant tournée vers les services, notamment en Chine. L’OCDE met en avant d’autres explications structurelles comme la faiblesse de la croissance potentielle et de l’investissement, la politique commerciale et à nouveau le rôle spécifique de la Chine. Cette dernière explication serait la plus importante depuis 2015 et c’est celle que nous privilégions également ici (et dans notre Rue de la Banque de septembre). Le choc d'offre chinois a contribué à l'accélération du commerce mondial d'avant-crise et sa réorientation domestique à l’actuel ralentissement, ou à sa normalisation.
La parenthèse refermée d’un commerce mondial hyper-dynamique
En dehors de chocs de grande ampleur mais temporaires, le rythme du commerce mondial ne peut pas s’écarter durablement de celui de l’activité mondiale. C’est une nécessité logique et un fait empirique (Rue de la Banque #30). Par exemple, une réduction des obstacles aux échanges élève le niveau d’ouverture mondial et le taux de croissance du commerce mondial, dans la transition vers un nouvel équilibre ; mais l’élasticité commerce-activité, c’est-à-dire le ratio des taux de croissance du commerce et de l’activité globale, revient vers un après chaque choc.
La Chine a été à la source de tels chocs dans les dernières décennies. L’émergence chinoise et l’allongement des chaînes de valeur ne peuvent être dissociés. Ces dernières ont très souvent été développées en tirant parti des formidables opportunités de localisation en Chine des tâches intensives en travail peu ou moyennement qualifié. Ensuite, la libéralisation des échanges a amélioré et sécurisé un accès des producteurs en Chine au marché mondial et des firmes multinationales au marché chinois (pour la fourniture de biens intermédiaires à forte valeur ajoutée notamment). Avec l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001, l’offre de travail chinoise disponible dans le secteur des biens échangeables internationalement a fait pression à la baisse sur le prix des biens manufacturés (amplifiant par exemple la progression de la demande mondiale de l’électronique grand public, cf. graphique 3 du Rue de la Banque #30). Dans le même temps, la demande chinoise a contribué à la hausse des prix des matières premières, engendrant des revenus dépensés en importations par les pays producteurs (cf. billet de Daniel Gros, du 11/10/16, et discours du J.H. Powell, du Board de la Fed, 18/11/16).
Vers une "normalisation" de l’ouverture chinoise
Plusieurs facteurs se conjuguent pour normaliser l’ouverture internationale de la Chine : la faiblesse des débouchés à l’étranger, la hausse des salaires, la diversification de l’offre comme de la demande, l’amorce d’un rééquilibrage du modèle de croissance en direction de la demande interne, y compris l’appréciation réelle du change entre 2005 et 2015. Avec une réorientation de la production vers les services, l’impact de la Chine sur les prix s’atténue ou s’inverse.
Le graphique 2 montre que le taux d’ouverture chinois à l’exportation (en rouge) baisse fortement dès 2007, tandis que ceux des pays avancés (en bleu) et des autres émergents (en vert) ne connaissent pas une réduction similaire. Le constat est le même si l’on considère les taux d’ouverture à l’importation.