Ce document analyse l'orientation budgétaire des pays de la zone euro en temps réel. L'orientation budgétaire reflète la réaction discrétionnaire, c'est-à-dire non automatique, du solde budgétaire aux conditions cycliques. L'orientation budgétaire est dite contra-cyclique si la partie non automatique du solde budgétaire va dans le même sens que l'évolution de l'écart de production (par exemple, en détériorant le solde pour faire face aux ralentissements économiques), pro-cyclique si les deux évoluent dans des directions opposées et acyclique si la partie non automatique du solde budgétaire ne répond pas à l'écart de production.
L'un des objectifs de la politique budgétaire est de stabiliser l'économie en fonction de son potentiel, c'est-à-dire de mener une politique contra-cyclique plutôt que pro-cyclique. Cependant, l'évaluation en temps réel de la position dans le cycle économique est un exercice difficile. Elle dépend des prévisions du PIB (qui peuvent être révisées ultérieurement) et du PIB potentiel (également sujet à d'importantes incertitudes de mesure et révisions). Les mesures de l'orientation budgétaire, fondées sur des estimations des conditions cycliques, comportent les mêmes incertitudes et révisions. Par conséquent, l'orientation budgétaire souhaitée au moment des décisions budgétaires peut être différente de l'orientation budgétaire mesurée avec les données finales. Il est donc intéressant d'examiner séparément l'orientation budgétaire au moment de la planification budgétaire, en montrant les intentions des responsables de la politique budgétaire, par rapport aux résultats finaux.
Ce document évalue l'orientation budgétaire dans un panel de 11 pays de la zone euro entre 1999 et 2019 (avant la crise de Covid) au moment des prévisions budgétaires et la compare à l'orientation budgétaire évaluée avec les données finales. Pour ce faire, nous utilisons un nouveau jeu de données en temps réel pour la période 1999-2019, basé sur les données de la Commission européenne. Nous régressons la variation du solde budgétaire corrigé des variations cycliques sur l'écart de production, en contrôlant avec différentes autres variables affectant le solde budgétaire. Nous effectuons cet exercice d'abord en utilisant les données de planification budgétaire, puis en utilisant les mêmes variables observées après la fin de l'année. Nous constatons qu'en moyenne pour ces 11 pays de la zone euro, l'orientation budgétaire est pro-cyclique pendant la planification budgétaire et acyclique dans les résultats budgétaires. Par conséquent, la tendance à mener une politique pro-cyclique est déjà ancrée dans les plans budgétaires et n'est pas seulement le résultat de surprises sur les conditions cycliques.
Nous utilisons à la fois un estimateur à effet fixe et une approche à variables instrumentales. Nos résultats sont robustes aux différentes approches économétriques et spécifications de modèles. Nos résultats sont également valables en dehors de la crise financière mondiale et de la crise de la dette dans la zone euro, qui ont frappé la zone euro au cours de la période examinée. Les projets budgétaires étaient en revanche contra-cycliques (mais non significatifs) pendant la crise financière mondiale et significativement pro-cycliques pendant la crise de la dette dans la zone euro.
Une explication possible de la pro-cyclicité des plans budgétaires pourrait être que les gouvernements signalent une orientation politique plus stricte que celle qui est mise en œuvre en fin de compte. Nous montrons que la pro-cyclicité lors de la phase de planification budgétaire est plus fréquente et plus significative lors des épisodes de resserrement, alors que l'orientation budgétaire tend à être plus acyclique lors des épisodes d'assouplissement budgétaire en moyenne pour ces 11 pays de la zone euro. Cela confirme l'hypothèse selon laquelle une consolidation forcée due à des tensions sur les marchés ou l'intention des gouvernements de signaler une politique budgétaire plus stricte en période de difficultés économiques peuvent expliquer ce comportement pro-cyclique.
Nous montrons également que l'orientation budgétaire n'est pas uniforme dans la zone euro et que le résultat moyen est influencé par certains pays ayant une forte orientation budgétaire pro-cyclique ex ante. Nous observons un comportement plus pro-cyclique des plans budgétaires pour des pays comme la Grèce, la France, l'Italie, l'Espagne et la Finlande, et un comportement plus contra-cyclique des plans budgétaires pour un groupe de pays comprenant l'Irlande, l'Allemagne, l'Autriche et, dans une moindre mesure, les Pays-Bas et la Belgique. L'hétérogénéité de la cyclicité de la politique budgétaire est importante dans la zone euro.