Dans ce document, nous nous demandons si l'incertitude des politiques économiques joue un rôle dans la crédibilité et la réputation de la banque centrale aux yeux du grand public. À cette fin, nous étudions le rôle de l'incertitude des politiques sur les mesures de l'opinion publique basées sur des enquêtes (confiance et satisfaction) sur les banques centrales. La confiance du public dans les banques centrales est importante pour l'efficacité de la politique monétaire. La confiance et la crédibilité sont particulièrement importantes pour que les anticipations d'inflation soient bien ancrées, tant en période de prospérité qu'en période de crise.
Les banques centrales qui font l'objet de notre enquête sont la Banque centrale européenne (BCE), la Banque d'Angleterre (BoE) et la Banque du Japon (BoJ). Le choix est limité par la disponibilité des mesures de l'opinion publique sur les banques centrales. Nous obtenons ces mesures à partir de l'enquête Eurobaromètre (BCE), de l'enquête sur les attitudes à l'égard de l'inflation (BoE) et de l'enquête d'opinion publique (BoJ), respectivement. Ces deux dernières enquêtes sont publiées par les banques centrales respectives. Ces enquêtes visent à évaluer la confiance des citoyens dans l'institution monétaire et/ou leur satisfaction quant à la manière dont la banque centrale fait son travail pour préserver la stabilité des prix. Pour mesurer l'incertitude de la politique monétaire, nous nous appuyons sur l'indice d'incertitude de la politique économique (Economic Policy Uncertainty, EPU) de Baker, Bloom et Davis (2016). L'EPU saisit l'incertitude sur les actions politiques que les décideurs entreprendront et l'incertitude sur les effets économiques des actions et/ou inactions actuelles et futures. Il peut s'agir de l'incertitude concernant les politiques fiscales, monétaires ou autres politiques réglementaires.
L'hypothèse est qu'une forte incertitude politiques pourrait réduire la confiance dans les institutions responsables de la politique économique. Cet effet pourrait être à la fois direct et indirect par l'effet que l'incertitude a sur l'économie, notamment sur la croissance, le chômage et les prix. En outre, des attitudes positives ou négatives à l'égard des institutions pourraient également influer sur la réaction de l'économie à une forte incertitude, en accélérant ou en ralentissant la reprise. Nous étudions ces relations dynamiques à travers un cadre VAR bayésien. Nous relions l'incertitude de la politique économique aux mesures de l'opinion publique sur les banques centrales tout en tenant compte des variables qui semblent importantes pour renforcer la confiance dans ces institutions, comme la production industrielle, l'inflation et le taux de chômage. Nous utilisons des données pour l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni pour la période 1999 - 2014 et 2003 - 2014 pour le Japon.
Dans l'ensemble, nous constatons que les chocs d'incertitude induisent des contractions économiques et une détérioration relativement forte des mesures de confiance, qui prennent généralement plus de temps que l'activité économique pour revenir aux niveaux initiaux (voir graphiques ci-dessus). Cela renforce l'idée que la confiance est facile à perdre mais difficile à gagner. On observe la plus forte baisse de confiance pour l'Italie, suivie par l'Espagne et la France. Ainsi, l'incertitude a un effet négatif sur les résultats macroéconomiques (conformément aux études précédentes), mais elle façonne également la dynamique de l'opinion publique sur les banques centrales en Europe (la BoE et la BCE). Le cas de la BoJ n'apparaît pas clairement dans les données.
La détérioration de la confiance du public en réponse à l'incertitude accrue sur les politiques économiques devrait inquiéter les décideurs politiques. Dans le contexte actuel de taux d'intérêt bas, la confiance et la crédibilité de la banque centrale sont encore plus importantes pour le succès des politiques qui reposent sur l'engagement d'actions futures, comme les forward guidance sur les taux et les politiques de bilan.
L'incertitude étudiée dans ce document concerne les politiques budgétaires, monétaires ou réglementaires. Ainsi, les banques centrales semblent être tenues responsables même pour les questions qui dépassent leur mandat. En réponse, une communication claire des banques centrales, non seulement à l'intention des publics spécialisés mais aussi d'un public plus large, permettrait de mieux comprendre et de soutenir les banques centrales.