La crise de Covid-19 a déclenché un phénomène de « dash for cash » qui a révélé des vulnérabilités sur les marchés de la dette à court terme et a nécessité l'intervention de plusieurs banques centrales (Eurosystème, Réserve fédérale américiane, Banque d’Angleterre). L'Eurosystème a intégré dans son programme d’achat d’actifs pour la première fois les commercial papers (CP), qui sont des titres de créance à court terme, non garantis, émis par des entreprises non-financières pour faire face à leurs besoins de liquidités. Ce document étudie l'impact sur le marché français des premiers achats d'actifs réalisés par l'Eurosystème dans le cadre du Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP).
En mars 2020, les tensions sur le marché du papier commercial d'entreprise ont commencé à se matérialiser : les volumes d'émission ont chuté, parallèlement à une détérioration des conditions d'émission (maturité et conditions de financement). Les entreprises en mesure d'émettre le faisaient avec des échéances plus courtes, ce qui pouvait accroître leur vulnérabilité à court terme (risque de refinancement), et à des taux plus élevés. Ces perturbations du marché étaient étroitement liées à celles observées parmi les fonds monétaires, qui sont les principaux investisseurs du marché des CP en France. Le choc du Covid-19 a déclenché d’importantes demandes de rachats de parts, généralement détenues par des investisseurs institutionnels à des fins de gestion de trésorerie. Pour faire face à ces rachats, les fonds monétaires ont utilisé leurs ratios de liquidités, mais ont également vendu certains actifs, notamment des CP. Le marché secondaire des CP est néanmoins réduit et peu liquide, et peu d’investisseurs alternatifs aux fonds monétaires sont présents sur ce marché. Ces tensions ont finalement nécessité l'intervention de l'Eurosystème sur ce marché pour rétablir la confiance et réactiver les émissions, et faciliter la transmission de la politique monétaire à court terme.
Dans le cadre du PEPP, l'Eurosystème a acheté des CP émis par des entreprises notées investment grade, lorsque le titre était émis en euros, avec une échéance supérieure à 28 jours et un montant d'émission minimum de 10 millions d'euros. Contrairement aux programmes d’achats d’actifs portant sur d’autres titres, cette intervention a été rapide et de courte durée, puisqu'une part importante des achats effectués en 2020 ont été réalisés trois mois après le début des achats.
L'objectif principal de ce papier est de comprendre les effets du PEPP sur le marché des commercial papers en termes de volumes et de conditions d'émission (taux d'intérêt et maturité). Nous avons constaté un changement dans la composition de la dette des entreprises éligibles en faveur de la dette éligible, sans effet économiquement significatif sur le volume global. Le PEPP a conduit à un assouplissement des conditions de financement pour les entreprises éligibles de 12 points de base en moyenne, et de 18 points de base pour les tranches de maturité plus longues. Nous avons également constaté une augmentation significative de la maturité à l’émission (42 jours en moyenne pour les entreprises éligibles). La base d’investisseurs pouvant impacter les conditions d’émission, notamment la maturité, nous avons créé deux échantillons d’entreprises éligibles : celles majoritairement détenues par des fonds monétaires pré-crise, et les autres. L'effet sur la maturité est plus réduit lorsque la dette de CP de l’émetteur était majoritairement détenue par des fonds monétaires pré-crise, soulignant leur rôle dans la structure de la dette.
Mots-clés : papiers commerciaux, Pandemic Emergency Purchase Programme, Eurosystème, structure de dette, fonds monétaires
JEL classification: E52, E58, G01, G12, G20, G23