Note : 58 % des entreprises ne recourent pas du tout au cloud, 31 % y recourent depuis moins de 5 ans et 11 % y recourent depuis plus de 5 ans.
Au cours des dernières décennies, la croissance de la productivité a diminué dans la plupart des pays développés, quelle que soit leur distance à la frontière technologique. Si cette tendance devait se poursuivre, des gains de productivité aussi faibles pourraient considérablement réduire notre capacité à faire face aux grands défis auxquels nous sommes confrontés : vieillissement de la population, soutenabilité du système de santé, accroissement des inégalités, risques environnementaux ou encore croissance de l’endettement public.
La digitalisation est souvent considérée comme la source potentielle d'un énorme et peut-être long regain de productivité permettant de répondre à ces enjeux. Mais paradoxalement, ses effets tardent à se matérialiser. Selon Van Ark (2016), "la Nouvelle Économie Digitale serait encore dans sa ‘phase d’installation’, et les effets sur la productivité apparaitront seulement quand ces technologies auront entamé leur ‘phase de déploiement’".
Les stratégies nationales de confinement et de reconfinement actuelles vont de toute évidence favoriser la digitalisation des entreprises. À titre illustratif, selon le baromètre Novembre de l’enquête Trésorerie, Investissement et Croissance des PME (Bpifrance Rexecode), 50 % des chefs d’entreprises interrogés sur leur stratégie de moyen-long terme "indiquent avoir initié une démarche de digitalisation de leur entreprise en premier lieu dans l’organisation de leur relation avec leurs clients, 20 % envisagent une telle démarche à plus ou moins brève échéance mais sans l’avoir déclenchée." Mais que sait-on du recours au digital des entreprises françaises ? Quel impact en attendre sur la productivité ?
Le recours au digital est surtout le fait des plus grandes entreprises
La Banque de France réalise une enquête annuelle auprès des entreprises de plus de 20 salariés de l’industrie manufacturière pour collecter de l’information sur l’utilisation de leurs facteurs de production. Chaque année, cette enquête sert aussi à rassembler des informations sur un sujet d’intérêt. En 2018, les entreprises ont été interrogées sur leur accès à internet (durée et type de connexion internet), sur l’emploi de spécialistes en Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) (en interne et en externe) ou encore sur le recours aux technologies digitales (cloud et big data). Cette enquête de la Banque de France est, à notre connaissance, avec l’enquête TIC INSEE, l’une des rares sources d’informations sur le recours des entreprises au digital en France.
Les résultats de cette enquête font apparaître que le recours aux technologies digitales est :
- encore assez limité (Graphique 1) : si la plupart des 1065 entreprises interrogées utilisent internet et si 65 % d’entre elles emploient des spécialistes TIC (en interne ou en externe) depuis plus de 5 ans, seules 42 % d’entre elles utilisent le cloud (et près d’un tiers y ont recours depuis moins de 5 ans). En outre, 13 % des entreprises font de l’analyse big data, et ces dernières le font en général depuis moins de 5 ans.
- particulièrement concentré dans les plus grandes entreprises (Graphique 2) : l’emploi de personnel TIC et le recours aux technologies digitales ont tendance à augmenter avec la taille de l’entreprise. Ainsi, alors que seules 28 % des entreprises de 20 à 49 salariés recourent au cloud, 70 % des entreprises ayant de 250 à 499 salariés y ont recours. En ce qui concerne le big data, près de 40 % des entreprises de 500 salariés et plus y ont recours alors qu’elles sont moins de 10 % à y recourir chez les PME. L’existence d’une corrélation positive entre taille des entreprises et demande de TIC est également largement documentée par Lashkari et al. (2019) en ce qui concerne l’investissement en équipements informatiques et logiciels des entreprises françaises.