Cet article souligne que la fixation du taux de change peut avoir des effets positifs sur l’économie, dans la mesure où elle contribue à réduire de manière durable l’inflation et sa volatilité. Nous énonçons les conditions dans lesquelles la fixation du taux de change a des effets et celles dans lesquelles elle n'en a pas. Nous montrons également l’ampleur quantitative de la baisse de l’inflation en cas d’ancrage et quels pays en particulier peuvent bénéficier d’un tel changement de régime.
En substance, nous mettons en évidence et quantifions le « canal de crédibilité » par lequel une banque centrale gagne en crédibilité lorsqu'elle s'engage à indexer le taux de change. Les pays dont les banques centrales ne sont pas crédibles subissent un biais inflationniste qui trouve son origine dans la politique monétaire discrétionnaire. Cela signifie qu’une politique monétaire incohérente dans le temps est tentée de réagir aux chocs économiques par une orientation monétaire inflationniste. Nous proposons une théorie dans laquelle certains pays sont en mesure de diversifier ces « chocs de tentation » plus efficacement que d'autres, ce qui se traduit par des institutions plus crédibles, une moindre discrétion et des taux d'inflation plus faibles. Nous tirons plusieurs implications testables d’un modèle quantitatif estimé lorsqu’un pays dont la politique monétaire n’est pas cohérente dans le temps s’ancre sur un point d’ancrage plus crédible : premièrement, l’inflation et sa volatilité devraient diminuer de manière permanente. En outre, la croissance du PIB en volume s’accélère à court terme avec la baisse des coûts liés à une inflation élevée. Enfin, nous soulignons que ces effets seront d'autant plus forts que le pays d'ancrage sera moins crédible. À l’aide de ce modèle, nous estimons la crédibilité de 170 pays entre 1950 et 2019.
Nous examinons également les conditions d’un ancrage réussi et la manière dont les pays peu crédibles peuvent maintenir un taux de change fixe. Si l’ancrage peut s’effondrer à tout moment, les gains liés à une baisse de l’inflation disparaissent au fur et à mesure que les entreprises, les marchés et les ménages anticipent la dissolution. Nous montrons qu'une dissolution devient beaucoup moins probable s'il y a des coûts de dissolution d'un ancrage. Une banque centrale opterait néanmoins pour un ancrage aux coûts de dissolution potentiels si les gains résultant d’une inflation plus faible étaient ex ante suffisamment élevés. D’autres facteurs importants pour un ancrage spécifique, tels que les réformes structurelles ou les réserves de change, ne sont pas pris en compte et laissés de côté pour les recherches futures.
Dans notre analyse empirique, nous utilisons l’ensemble de données le plus complet disponible au niveau des pays, avec des informations sur 170 économies au cours des 70 dernières années, ce qui correspond à environ 8 000 observations par pays et par an, dont 282 épisodes d’ancrage. Ces épisodes incluent les ancrages qui ont précédé la formation de la zone euro. Nous commençons par documenter le fait que la mesure que nous proposons de la crédibilité d'un pays est alignée sur d'autres mesures de l'indépendance de la banque centrale, de l'ancrage des anticipations d'inflation et du mandat moyen des gouverneurs de banque centrale. Nous soulignons ensuite 3 faits stylisés sur les différences entre pays en matière de régimes de change flottant et de taux de change fixe : 1) l’inflation est plus élevée et plus volatile dans les flotteurs que dans les parités ; 2) la croissance du PIB en volume est plus élevée dans les parités ; 3) les taux d’intérêt sont plus élevés et plus volatils dans les flotteurs que dans les parités. En outre, nous réalisons également une analyse d’études d’événements autour des modifications des régimes de change et confirmons qu’à la suite d’un épisode d’ancrage, les pays affichent une baisse de l’inflation et des taux d’intérêt et une hausse de la croissance économique, comme l’indiquent les résultats de la régression dans la figure 1. Ces résultats empiriques confirment les implications du modèle : lorsqu’un pays ancre sa monnaie, tant l’inflation que la volatilité de celle-ci diminuent tandis que le PIB en volume augmente. Moins un pays a de crédibilité, plus ces effets sont importants.
Mots-clés : régimes de change, politique monétaire, taux d'intérêt, inflation
JEL classification: E31, E42, E52, F41, F42