Bulletin de la Banque de France

Les critères d’octroi des crédits immobiliers ont retrouvé leurs niveaux de 2007-2008

Mise en ligne le 26 Juillet 2019
Auteurs : Laurent Faivre, Camille Lambert-Girault, Emmanuel Point

Bulletin n°223, article 3. Dans un environnement de taux d’intérêt durablement bas, le marché de l’immobilier résidentiel a été très dynamique en 2018. L’encours a franchi la barre des 1 000 milliards d’euros en fin d’année. Les caractéristiques structurelles du marché français limitent le risque de crédit (prépondérance des taux fixes et des sûretés). Les critères d’octroi des crédits se sont néanmoins progressivement assouplis et retrouvent parfois les niveaux observés en 2007 2008. Cela contribue à la dynamique des crédits et à une hausse des prix plus rapide que celle des revenus des ménages. Cet assouplissement touche l’ensemble des emprunteurs. Cependant, compte tenu de la part, dans la production, des emprunteurs déjà propriétaires disposant de revenus et d’une surface financière plus importante, les risques semblent contenus comme en témoigne la faible sinistralité des crédits. Cet assouplissement et la dynamique de l’endettement des ménages posent des questions sur la soutenabilité de ces évolutions. Dans ce contexte, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et la Banque de France restent particulièrement vigilantes quant à l’évolution des risques liés au financement du marché de l’immobilier résidentiel.

Image Les critères d’octroi des crédits immobiliers ont retrouvé leurs niveaux de 2007-2008 Description Le graphique propose une observation des critères d’octroi des crédits immobiliers en 2003, 2007 et 2018 en prenant cinq critères : - la durée moyenne - le taux d'effort moyen - le taux d'effort > 35% - le taux d'endettement (LTI : loan-to-income-ratio) - la LTV moyenne (loan-to-value ratio : ratio entre le montant du prêt principal et la valeur d'achat du bien) Note de lecture : le taux d'endettement moyen était de 4 années de revenu en 2007, il est supérieur de 30% en 2018 (5,2 années)/ Source ACPR. Chiffres clés : 170200 euros : le montant moyen d'un prêt immobilier (+5,5% par rapport à 2017) 19,9 années : la durée moyenne des crédits immobiliers (+11 mois par rapport à 2017) 30,1% : le taux d'effort moyen du crédit (29,7% en 2017) 5,2 années de revenu : le taux d'endettement immobilier moyen (LTI) en 2018 (+4 mois par rapport à 2017) 87,3% : la LTV moyenne des crédits à l'habitat à l'octroi (87,0% en 2017)

1. Un marché immobilier dynamique dans un contexte de taux bas

Favorisé par des taux qui restent à des niveaux historiquement très bas, l’endettement du secteur privé non financier se maintient à des niveaux élevés en France. Au 31 décembre 2018, celui des ménages français représentait plus de 70 % du produit intérieur brut, un chiffre en augmentation constante depuis le début des années 2000. La hausse observée depuis la crise contraste avec la tendance à la baisse ou à la stabilisation généralement constatée chez nos principaux voisins européens.

Sur le marché de l’immobilier résidentiel plus particulièrement, l’année 2018 a encore été très dynamique : le nombre de transactions a atteint un pic historique de 970 000 ventes, bien au‑delà de la moyenne de 788 000 ventes observée depuis 2000, tandis que l’indice Notaires‑Insee des prix dans l’ancien a progressé de 3,2 % en métropole (+ 4,2 % en Île‑de‑France et + 2,8 % en province).

Dans cet environnement porteur, la production annuelle de crédits à l’habitat s’est élevée à 203 milliards d’euros, un chiffre toujours nettement supérieur au montant moyen annuel depuis 2003 (145 milliards d’euros), bien qu’en baisse par rapport à 2017 (– 26 %). Cette diminution s’explique par la chute des rachats de crédits externes (– 67 %), qui sont passés de 24 % de la production annuelle en 2017 à 9 % en 2018.

2. Des caractéristiques structurelles qui limitent le risque de défaut pour les ménages malgré l’assouplissement de certains critères d’octroi

Les crédits à l’habitat octroyés par les banques françaises continuent d’être presque exclusivement à taux fixe (98,5 % de la production en 2018), limitant ainsi les risques liés à une éventuelle remontée des taux d’intérêt pour les ménages. Par ailleurs, la quasi‑totalité de ces prêts (96,9 %) bénéficie d’une protection sous forme de caution, d’hypothèque ou de garantie, ce qui permet de limiter les pertes des banques en cas de défaut d’un emprunteur. À cela s’ajoute une politique d’octroi principalement fondée sur l’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur, mesurée notamment au travers du taux d’effort (debt service‑to‑income ratio – DSTI), et non sur la valeur du bien financé comme c’est le cas dans de nombreux pays.

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