Le marché des acteurs numériques de la finance est un marché en plein essor (Graphique 1). Qui sont leurs clients ? Comment ont évolué leurs modèles économiques et sont-ils devenus rentables ?
Dans une étude récente, Clerc et al. 2022 analysent l'évolution du marché des acteurs numériques dans le secteur financier en France. Cette étude s’appuie sur une enquête réalisée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) en 2021 auprès d'un échantillon de 15 acteurs et intermédiaires financiers fournissant des services 100 % en ligne ou accessibles via des applications mobiles.
L'échantillon couvre les principaux acteurs numériques engagés dans l'intermédiation de crédit (collecte de dépôts et octroi de crédits), qu'il s'agisse d'entités " historiques " ou d'entreprises ayant démarré récemment leurs activités en France. Ainsi, les acteurs numériques qui ne remplissent qu'un seul de ces rôles (les FinTechs spécialisées dans le crédit à la consommation, par exemple, qui ne prennent pas de dépôts) ou dont le cœur de métier ne relève pas de ces activités (comme les AssurTechs) ne sont pas inclus dans l'échantillon.
Ce marché en forte croissance (cf. infra) est encore en phase de maturation. Certains acteurs ont disparu parce qu'ils n'ont pas atteint leurs objectifs de croissance de leur clientèle et de rentabilité. Pour ceux qui restent, on peut distinguer :
- les opérateurs généralistes, qui offrent une large gamme de produits financiers à une clientèle diversifiée ;
- les opérateurs spécialisés, qui se concentrent sur un nombre limité de produits et services visant une clientèle plus restreinte, mais qui se positionnent sur des segments de marché considérés comme plus rentables.
Les acteurs numériques de la finance : une part de marché en forte croissance
Les acteurs numériques du secteur financier inclus dans l’étude ont connu une augmentation significative de leur présence sur le marché en 2020 par rapport aux années précédentes.
Début 2018, environ 8 millions de clients (exclusivement des particuliers et des PME) avaient un compte ouvert auprès de l'une des institutions de notre échantillon. Ce chiffre est passé à 11,5 millions au début de 2019 et a atteint environ 16 millions au début de 2020, soit une augmentation de 100 % en deux ans. En comparaison, le nombre total de comptes de détail des six grands groupes bancaires français « traditionnels » s'élevait à 74 millions début 2020, un chiffre stable par rapport aux années précédentes.
Les acteurs de la finance numérique ont ainsi réussi à renforcer leur part de marché grâce à des offres de produits de plus en plus complètes, favorisant l'autonomie des clients dans les domaines de la banque courante et des produits d'épargne. Concernant l'ouverture de nouveaux comptes dans les établissements inclus dans l’échantillon étudié, 4,7 millions de comptes ont été ouverts au cours de l'année 2020, dont 2,9 millions de comptes courants (Graphique 1). Si on additionne ce chiffre aux 5,5 millions de nouveaux comptes courants ouverts par la clientèle de détail dans les six grands groupes bancaires français la même année, on trouve qu’au total, environ 35 % des nouveaux comptes courants ouverts en 2020 l'ont été chez l'un des acteurs numériques inclus dans notre échantillon.
En quête, incertaine, de rentabilité
Il existe de fortes disparités entre les acteurs numériques en termes d’atteinte du seuil de rentabilité. Sans exception, les opérateurs de l’échantillon d’étude qui ne font pas partie d'un groupe bancaire traditionnel affirment être déjà rentables ou qu’ils le seront d'ici fin 2023 (Graphique 2, barres orange). Les opérateurs mobiles à 100%, en particulier, sont les plus profitables en raison de la faiblesse de leurs coûts d'exploitation et de leur spécialisation sur des segments spécifiques du marché.