- Accueil
- Publications et statistiques
- Publications
- L’économie bleue dans l’Outre-mer : quel...
L’économie bleue dans l’Outre-mer : quels enjeux pour demain ?
Billet n°106. L’économie bleue englobe toutes les activités économiques liées aux océans, mers et côtes. Grâce à l’Outre-mer, la France dispose du deuxième domaine maritime au monde. La démographie mondiale et le commerce contribuent au développement de l'économie bleue, qui constitue un levier de croissance durable et innovant pour l’Outre-mer, à condition de surmonter certains freins structurels.
(*) Pour le détail des secteurs couverts, voir l’économie bleue dans l’Outre-mer.
(**) ISPF : institut de la statistique de Polynésie française ; ISEE : institut de la statistique et des études économiques de la Nouvelle-Calédonie ; Acoss : agence centrale des organismes de sécurité sociale.
L’économie bleue recouvre les secteurs primaire (pêche et aquaculture), secondaire (transformation des produits de la pêche, construction navale et portuaire, production énergétique, câbles sous-marins), et tertiaire (commercialisation des produits de la mer, transport de passagers et de marchandises, prestations nautiques, exploitation des ports, aménagement du littoral, recherche et développement, etc.). Le tourisme en fait également partie, de façon plus ou moins large selon les périmètres retenus.
Selon l’OCDE, à l’horizon 2030 la valeur ajoutée mondiale des activités maritimes pourrait doubler. Ce secteur, déjà bien implanté dans les Outre-mer, y souffre cependant de contraintes d’offre ainsi que d’une forte concurrence protéiforme. Il doit simultanément composer avec diverses problématiques environnementales. C’est à condition de surmonter ces difficultés que l’Outre-mer pourra faire de l’économie bleue un levier de croissance durable.
L’économie bleue dans l’Outre-mer : 2,4% de l’emploi marchand et 3,5% des entreprises.
En dépit du fort caractère insulaire ou littoral des géographies ultramarines, le poids de l’économie bleue y demeure modéré, quoique supérieur à celui de la France entière (graphique 1) : 8800 entreprises ultramarines et 12500 emplois selon le périmètre retenu, avec de fortes disparités entre territoires. La pêche, l’aquaculture et les filières de transformation et de commercialisation concentrent l’essentiel de ces entreprises : près de 70 % en Martinique et en Guyane et jusqu’à 89 % en Polynésie française.
Principal mode d’échange de marchandises dans le monde, le transport maritime constitue aussi un support fondamental aux économies ultramarines. Le développement de ce secteur répond en outre à la croissance du commerce mondial. En 2017, Port-Réunion, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France et Nouméa se classent parmi les 15 premiers ports français en termes de trafic de marchandises (sources : Ministère des transports et ISEE). Port-Réunion, premier port français de l’Outre-mer (graphique 2), est en passe de devenir un hub régional dans l’océan Indien, grâce à une desserte maritime proposant trois services réguliers depuis l’Europe et huit en provenance d’Asie. Nouméa s’est déjà imposée comme la deuxième plateforme de transbordement de l’Océanie derrière Fidji.
Le secteur de la croisière connaît une forte croissance depuis le début des années 2010 dans les Collectivités d’Outre-mer (COM) du Pacifique et un rebond dans les Départements d’Outre-mer (DOM) depuis 2011 (graphique 3). Celui-ci reflète, notamment, un regain de confiance des professionnels après les mouvements sociaux de 2009, ainsi que des efforts dans l'accueil des passagers (formation des commerçants locaux aux langues étrangères par exemple). A La Réunion, le nombre de passagers a plus que triplé entre 2014 et 2016 grâce à la multiplication des escales (35 en 2017 contre 19 en 2011, source : Grand port maritime de La Réunion), de même que la Nouvelle-Calédonie, qui tire également parti de l’acheminement de nouveaux paquebots. Le nombre de croisiéristes y augmente de +18 % en moyenne par an depuis 2010 contre +4,7 % au niveau mondial.
Dans un contexte de forte croissance du transport de marchandises et de passagers à l’échelle mondiale, la croissance de ces secteurs dans l’outre-mer français résulte d’investissements substantiels en infrastructures dans les ports ultramarins, comme l’extension du quai de fret maritime à Fort-de-France achevée en 2016, pour un montant de 17 millions d’euros. Ils permettent d’adapter les ports à l’accroissement considérable de la taille standard des porte-conteneurs, et d’améliorer l’accueil des bateaux de croisière ainsi que l’offre de services.
La faible compétitivité, le manque de qualifications et les questions environnementales pèsent sur l’économie bleue ultramarine
Les géographies ultramarines sont confrontées à une concurrence régionale particulièrement vive dans les secteurs du fret maritime, du tourisme bleu et de l’aquaculture. Le coût du travail, la fiscalité et la qualité de l’offre de services apparaissent comme des déterminants importants de la compétitivité dans ces secteurs à l’échelle régionale. Un moins bon positionnement des géographies ultramarines sur un ou plusieurs de ces déterminants a pu contribuer à freiner le développement de l’économie bleue dans l’Outre-mer. Par exemple, en 2016, la Martinique et la Guadeloupe accueillaient seulement 1,8 % du flux de croisiéristes de la Caraïbe, loin derrière les Bahamas (16 %, Caribbean Tourism Organization Annual Statistical Report, 2017).
Les secteurs de la pêche et de l’aquaculture souffrent plus spécifiquement d’un manque de qualifications. La pénurie des formations aux métiers de la pêche limite le renouvellement de la main d’œuvre, alors même que le secteur est déjà marqué par l’usure de sa flotte et des conditions de travail peu attrayantes, d’où la diminution et le vieillissement de ses effectifs. Ce manque de formations pénalise aussi l’aquaculture, dont la technicité, les contraintes administratives, les risques sanitaires et climatiques nécessitent des compétences pointues limitant l’entrée de nouveaux producteurs.
Enfin, les géographies ultramarines doivent composer avec des problématiques environnementales (pollution des eaux côtières, destruction de la faune et de la flore) qui appellent à repenser la stratégie globale du développement de l’économie maritime. C’est plus particulièrement le cas du secteur de la pêche, confronté à la réduction des stocks halieutiques qui limite fortement son potentiel de croissance à moyen et long termes.
L’avenir de l’économie bleue en Outre-mer : les secteurs de niche à haute valeur ajoutée ?
Des pistes de développement dans le domaine des biotechnologies marines sont étudiées en Nouvelle-Calédonie et à la Réunion. Des technologies d’énergie marines renouvelables innovantes sont également testées, comme le Sea Water Air Conditioning (SWAC) en Polynésie française et à la Réunion. La production de micro-algues industrielles, déjà initiée à La Réunion, pourrait permettre au secteur de l’aquaculture de se renouveler. Le secteur des télécommunications (installation de câbles sous-marins en fibre optique) constitue aussi un vecteur de développement.
Dans le sillage de la démarche « Croissance bleue » entreprise par l’Union européenne en 2012, la France a adopté en février 2017 une stratégie nationale pour la mer et le littoral qui fixe les grandes lignes des ambitions françaises sur les plans économique et écologique, avec quatre objectifs : la transition écologique, le développement de l'économie bleue, le bon état écologique du milieu marin et la préservation du littoral, et le rayonnement de la France. Au premier semestre 2019, cette stratégie doit être déclinée dans l’Outre-mer. L’objectif est de faire de l’économie bleue un levier de croissance durable, ce qui nécessite une modernisation des systèmes productifs locaux.
Mise à jour le 25 Juillet 2024