Quels sont les avantages d’une politique monétaire menée dans le cadre d’un régime de ciblage de l’inflation ? En théorie, l’engagement plus important des décideurs dû à la présence et à la communication d’une cible d’inflation numérique explicite accroît l’efficacité de la politique monétaire. Toutefois, les données permettent difficilement de mesurer les avantages liés à l’adoption d’un régime de ciblage de l’inflation. En effet, le ciblage de l’inflation est devenu populaire après 1990, période de faible volatilité macroéconomique dans de nombreuses économiques avancées, connue sous le nom de "Grande modération". Lorsqu’un pays a la "chance" de ne pas subir de grands chocs, il est plus difficile de déterminer s’il conduit de "bonnes politiques", notamment en matière de réduction des taux d’inflation (Ball & Sheridan 2003).
Nous partons de gros chocs sous la forme de catastrophes naturelles pour montrer que les résultats économiques diffèrent d’un pays à l’autre durant la période immédiatement postérieure à ces chocs, selon qu’ils disposent ou non d’un régime de ciblage de l’inflation (Fratzscher, Grosse Steffen & Rieth 2017). Cette approche s’appuie sur le caractère imprévisible des catastrophes naturelles conjugué à leurs conséquences économiques significatives afin d’isoler les effets du ciblage d’inflation en période de profonde récession.
Les résultats basés sur un échantillon de 76 pays au cours de la période 1970-2015 suggèrent que l’adoption d’une cible d’inflation entraîne des gains significatifs en termes de stabilisation macroéconomique. Durant les quatre années suivant une catastrophe naturelle qui donne lieu à des sinistres déclarés équivalents à 1 % du PIB, la croissance de la production augmente de 0,16 point de pourcentage en moyenne et les taux d’inflation diminuent de 0,44 point de pourcentage par trimestre dans les pays ayant adopté une cible d’inflation. Bien que la Grande récession de 2009 ne soit pas au cœur de notre réflexion, ces conclusions confortent l’idée que le ciblage d’inflation aurait contribué à en atténuer les effets négatifs (Miles, Panizza & Reis 2017).
Un dosage différent des politiques monétaire et budgétaire accentue la croissance de la production et fait baisser l’inflation
Au départ, une catastrophe naturelle entraîne une contraction de la production et une hausse de l’inflation, aussi bien dans les pays cibleurs d’inflation que dans les pays non cibleurs. Toutefois, dans les pays qui ciblent l’inflation, la reprise est plus rapide et plus prononcée (cf. graphique 1). Cela est dû à un redressement de la consommation privée et, dans une moindre mesure, de l’activité d’investissement (cf. graphique 2). Compte tenu de la hausse du taux d’inflation, les pays cibleurs d’inflation réagissent au choc avec un décalage en resserrant progressivement la politique monétaire durant la phase de reprise.
En revanche, les pays qui ne ciblent pas l’inflation réduisent le taux directeur immédiatement, ce qui se traduit par une hausse des taux d’inflation avec un décalage, mais pas par une augmentation de la production. En effet, les dépenses publiques réagissent de manière plus pro-cyclique dans les pays qui ne ciblent pas l’inflation, ce qui pèse sur la croissance du PIB. Nous interprétons ce résultat au regard des complémentarités entre politique monétaire et politique budgétaire. Le ciblage de l’inflation impose une discipline budgétaire en période normale, ce qui permet des dépenses publiques plus contra-cycliques à la suite de grandes catastrophes.