Pourquoi des labels ?
Les considérations liées à l’environnement ou à la responsabilité sociale des entreprises suscitant un intérêt croissant des épargnants à l’occasion de leurs choix de placement, le gouvernement français a souhaité promouvoir deux labels publics pour les fonds d’investissement afin d’éviter un marketing vert abusif (greenwashing) et s’assurer d’un socle commun de règles (level playing field). Fin 2015 et début 2016 sont ainsi nés les deux labels Investissement Socialement Responsable (ISR) et Greenfin, anciennement nommé Transition énergétique et écologique pour le climat, TEEC. Leur objectif est de mobiliser une partie de l’épargne vers le financement de la transition énergétique et du développement durable. Dans la gestion des actifs des investisseurs institutionnels, cette initiative prend ainsi en compte des critères extra financiers précisés par la loi (Loi sur la Transition Énergétique pour la Croissance Verte, août 2015, règlement européen "disclosure", novembre 2019). La création d’un label européen pour les produits financiers verts (ecolabel) est par ailleurs en discussion. Parallèlement, la loi Pacte instaure l’obligation pour les assureurs-vie d’inclure dans leurs contrats en unité de compte au moins un fond labellisé ISR, Greenfin ou investi dans l’économie solidaire à partir de 2020.
Labels ISR et Greenfin : de quoi s’agit-il ?
On entend par investissement socialement responsable "un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant des entreprises qui contribuent au développement durable dans tous les secteurs d’activité" (AFG, Forum de l’Investissement Responsable, 2013). Cette définition est communément acceptée mais elle revêt des formes et des démarches multiples plus ou moins sélectives et contraignantes. Le label ISR exige que l’analyse extra-financière c’est-à-dire la prise en compte de critères dits ESG (environnemental, social, et qualité de gouvernance) soit intégrée de manière systématique et mesurable aux décisions d’investissement. Un cahier des charges défini par arrêté porte sur les objectifs de la politique d’investissement du fonds, sur le processus de sélection (méthodologie d’analyse, de cotation), sur la transparence de la gestion, l’engagement et le dialogue auprès des entreprises investies ainsi que sur les mesures d’impact des investissements sur l’environnement et la société.
Le label Greenfin a un fonctionnement proche du label ISR et repose également sur la transparence de la gestion financière et des mesures d’impact environnemental. Il est toutefois plus contraignant car le périmètre d’investissement est limité : plus de 75% du fonds doit être alloué à des obligations vertes (voir Bui Quang et al., 2019) ou à des activités vertes qui sont définies précisément par un référentiel. Par ailleurs, certains secteurs faiblement compatibles avec la transition énergétique ou controversés (nucléaire, énergies fossiles) sont exclus. Le processus d’agrément des labels fait l’objet d’un audit par un organisme de certification accrédité.
Peu de fonds se réclamant de la finance durable franchissent le pas du label
Fin 2019, avec 379 fonds et 148 milliards d’encours, les fonds labellisés représentent près de 7% de la gestion collective française (OPC français et étrangers gérés en France hors titrisation, voir graphique 1) après avoir enregistré une forte croissance en 2019 (encours multiplié par 3).
Le label ISR a le plus vif succès avec 6% de parts de marché (136 milliards d’euros) contre 1% (12 milliards) pour le label Greenfin. Toutefois, selon l’enquête annuelle de l’AFG, en 2018, près de 516 milliards d’OPC, soit 24% du marché, seraient gérés selon une approche dite responsable (investissement responsable) fondée sur l’auto déclaration des sociétés de gestion. La marge de progression semble importante.
Le label, un facteur d’attractivité…
Les fonds labellisés ISR français affichent des taux de souscription annuels élevés entre 5 et 10%. Ceux-ci sont nettement supérieurs à la moyenne de l’ensemble des fonds français qui subissent une décollecte nette depuis 2 ans (cf. graphique 2). En outre, des études montrent que la prise en compte de critères extra-financiers ne viendrait pas réduire ou augmenter le niveau de performance à court-moyen terme (Revelli, Viviani, 2014, Friede, Bush, Bassen, 2015). Il apparaît d’ailleurs que, dans leur ensemble, les fonds labellisés ont eu une performance assez comparable à celle des fonds classiques de la même catégorie entre début 2016 et le T3 2019 (Stat info OPC T3 2019). Entre 2016 et 2018, les fonds labellisés ont également collecté plus que les fonds se réclamant ISR sans label. Toutefois, cette tendance s’est inversée en 2019 soulignant la nécessité d’améliorer la publicité des labels et des garanties qu’ils offrent dans un marché de plus en plus concurrentiel.