1. L’inflation (harmonisée) s’est établie en novembre à 1,7% en France et 2,3% dans la zone euro, à comparer à un objectif d’inflation de 2%. Après une période de craintes liées au regain d’inflation depuis 2021, peut-on dire que l’inflation est désormais vaincue ?
La bataille contre l’inflation est en passe d’être gagnée. Il y a deux ans, l’inflation avait dépassé 10% en zone euro et 7 % en France. Nous prévoyons désormais sa stabilisation durable autour de 2% dès le 1er semestre en zone euro, et même un peu en dessous de 2% en France. La politique monétaire a largement contribué à ce résultat. Selon une étude de la Banque de France, le taux d’inflation en zone euro aurait été au moins 2,5 points supérieur en 2024 en l’absence de réponse monétaire adéquate. Et contrairement aux précédents cycles d’inflation, l’inflation a pu être jugulée sans récession. C’est la conséquence de la crédibilité accrue des banques centrales, et de l’Eurosystème en particulier.
2. La Banque de France vient de publier ses projections macroéconomiques pour les années 2025 et 2026. Quels en sont les principaux enseignements et quelles sont les perspectives en matière de croissance et de pouvoir d’achat en France à court-moyen terme ?
Deux mots caractérisent ces projections sur l’économie française : incertitude et résilience. L’incertitude porte d’abord sur le contexte budgétaire et fiscal national puisqu’il n’y a pas encore de loi de finances pour 2025. Elle porte aussi sur l’environnement international : aux tensions géopolitiques s’ajoute désormais le risque des tensions commerciales généralisées en cas de relèvement des droits de douane aux États-Unis. Dans ce climat d’incertitude propice à l’attentisme des ménages et des entreprises, l’économie française ferait néanmoins preuve de résilience. La croissance se tasserait un peu en en 2025 tout en restant positive (0,9%), et se renforcerait en 2025 et 2026 sur un rythme de 1,3%. La consommation des ménages redeviendrait le premier moteur de la croissance à partir de 2025, soutenue par les gains de pouvoir d’achat des salaires procurés par le repli de l’inflation. Ensuite, à partir de 2026, un deuxième moteur viendrait de la reprise de l’investissement des entreprises et des ménages sous l’effet notamment du desserrement réalisé de la politique monétaire.
3. Quel serait l’impact sur l’Europe et la France en particulier d’une forte hausse des droits de douane sur leurs importations par les États-Unis, qui pourrait déboucher sur des tensions commerciales généralisées ?
À ce stade nous ne pouvons faire que des conjectures, à la fois sur ce que seraient l’ampleur et le périmètre des relèvements de droits de douane aux États-Unis, et sur ce que seraient les éventuelles mesures de rétorsion des autres économies, dont l’Europe et la Chine. Pour autant, quel que soit le scénario retenu, tout le monde serait perdant avec des effets plus ou moins défavorables selon les pays. Aux États-Unis, l’inflation serait dans tous les cas en nette hausse, tandis que les effets négatifs sur l’activité pourraient être, au moins dans un premier temps, masqués par une politique budgétaire plus expansionniste. En Europe, les effets les plus défavorables seraient du côté de l’activité via les exportations ; l’impact sur l’inflation serait plus limité et plus ambivalent à la hausse ou à la baisse, en fonction notamment des mesures de rétorsion et de la réponse du taux de change. La France serait toutefois un peu moins affectée en raison du moindre poids de ses exportations de biens vers les États-Unis (1,7% du PIB en 2023, contre 2,8% pour l’ensemble de l’Europe et même 4,2% pour l’Allemagne).