Les réseaux sociaux pourraient également accélérer la transmission de l’information et amplifier les phénomènes de panique bancaire
Les réseaux sociaux et les messageries privées permettent de diffuser et d’échanger des informations (ou des rumeurs) instantanément entre un grand nombre de personnes à travers le monde.
Des économistes ont réalisé une étude des messages diffusés sur X (anciennement Twitter) avant et pendant la période de panique de mars 2023 (Cookson et al., 2023). L’analyse de la fréquence et de l’intensité des messages négatifs met en évidence que, dans le cas de SVB, les réseaux sociaux ont exacerbé la panique des déposants et qu’ils représentent un facteur d’accélération des retraits des dépôts (S&P Global, 2024). L’effet des réseaux sociaux pourrait être renforcé lorsque la concentration des déposants dans une même zone géographique ou un même secteur d’activité est forte, comme pour SVB. En effet, la clientèle de SVB était principalement constituée de déposants du secteur de la technologie avec une forte présence sur les réseaux sociaux dont les messages ont été largement et rapidement diffusés, ce qui a accéléré la panique.
Les évènements de mars 2023 ont conduit les régulateurs à étudier les risques associés à la numérisation sous un angle nouveau
Les risques associés à la numérisation du secteur avaient jusqu’à récemment été essentiellement étudiés à travers le prisme des enjeux de cyber-sécurité ou de concentration des acteurs. Les évènements de 2023 ont conduit à considérer la numérisation de la finance comme un amplificateur potentiel de risques pour la stabilité financière.
Un rapport du Financial Stability Board (FSB), daté d’octobre 2023, met en avant que : (i) la défaillance des banques peut avoir une incidence négative sur d’autres établissements financiers par contagion, du fait notamment des comportements des clients dans l’utilisation des services numériques et (ii) la rapidité des retraits des dépôts bancaires, permis par la numérisation du secteur, oblige à repenser la mise en œuvre opérationnelle des plans de résolution, qui doivent être applicables quasi immédiatement. Cela signifie que les banques doivent disposer d’un niveau de préparation adéquat en matière de mise en œuvre de leur stratégie de résolution. Les autorités doivent, quant à elles, être capables de s’assurer de la rapidité de leurs actions dans l’opérationnalisation des plans de résolution, et disposer de stratégies de communication adaptées visant notamment à restaurer la confiance des marchés et des déposants et atténuer les mouvements de panique (FSB, 2023). Des travaux complémentaires sont en cours pour mieux appréhender ces enjeux au sein du FSB qui devrait publier, d’ici la fin de l’année, un rapport sur le rôle de la technologie et des réseaux sociaux dans le comportement des déposants (FSB, 2024).
Par ailleurs, la rapidité des transactions et des communications pourrait rendre plus difficile l’anticipation des besoins de liquidité. Le Comité de Bâle note que (i) la numérisation de la finance élimine des frictions qui pouvaient ralentir l’ampleur des sorties de liquidités et que (ii) la prolifération des messages au travers de larges canaux de communication accélère la diffusion des inquiétudes, notamment parmi les déposants non assurés (BCBS, 2023). Le Comité de Bâle a publié un rapport sur la numérisation de la finance et des communications mentionnant celle-ci comme un possible facteur d’amplification des risques financiers traditionnels (BCBS, 2024). Ces préoccupations sont par ailleurs largement partagées par d’autres autorités comme la Réserve fédérale aux États-Unis (Federal Reserve, 2023) et la Banque Centrale Européenne (Financial Stability Review, 2023).
Ce contexte appelle, selon la Banque de France, à étendre les règles existantes à l’ensemble des banques du fait des interconnexions et des effets de contagion, à œuvrer au développement d’une supervision exigeante, rigoureuse et réactive, et à ajuster de manière ciblée le cadre réglementaire, notamment pour permettre un suivi plus granulaire des caractéristiques et de la concentration des déposants (Denis Beau, 2024).