La médiation du crédit : un outil mis en place lors de la crise de 2008-2009
La médiation du crédit aux entreprises a été mise en place en novembre 2008 en pleine crise financière. Elle vise à améliorer l’accès au financement des entreprises pour lesquelles les banques ont refusé un financement nouveau ou ont dénoncé un financement existant.
La médiation du crédit permet de corriger les asymétries d’information entre les entreprises et les banques et réduit donc les imperfections dans le fonctionnement du marché de la distribution du crédit. La médiation facilite ainsi le dialogue en apportant une information pertinente pour l’analyse des dossiers des entreprises.
D’une manière générale, deux médiations sur trois débouchent sur l’octroi ou le maintien d’un financement ce qui permet de diviser par deux le taux de défaillance à un an des entreprises concernées. Sur la période 2008-2018, cela a préservé plus de 400 000 emplois (voir le bilan qui a été fait des 10 premières années de la médiation du crédit dans le bulletin de la Banque de France de septembre 2019).
Au niveau des départements, l’action de la médiation du crédit s’appuie sur un accord de place signé par les banques qui les engage à assister aux réunions organisées par la médiation et à maintenir les financements des entreprises pendant la durée de la médiation.
Une envolée des saisines de la médiation avec l’irruption de la crise sanitaire
A sa création, un flux très important d’entreprises s’est adressé à la médiation, près de 1 200 entreprises chaque mois en 2009 (voir graphique 1 ; pour les données dans cette partie, voir les différents communiqués parus sur le site de la Banque de France). Avec la sortie progressive de la crise de 2008, le nombre de saisines a baissé de façon marquée pour évoluer à 200 – 300 dossiers mensuels (période 2011-2014) et même 100 – 200 dossiers (période 2015 – 2018).
L’amélioration de la situation économique et de celle des entreprises, un meilleur dialogue financeur – financé ainsi que l’orientation très favorable de la politique monétaire se sont traduits par des taux d’accès au crédit en hausse continue au cours des dernières années. Dans ce contexte, le nombre de saisines de la médiation a atteint un niveau particulièrement bas avec environ une centaine de saisines mensuelles en janvier-février 2020.
Dès la mise en place des mesure de confinement liées au Covid en mars, ces évolutions se sont retournées. Certaines activités économiques se sont retrouvées à l’arrêt ou presque et les premières saisines de la médiation liées au Covid-19 sont arrivées.
Dans un premier temps, les banques se sont engagées de façon publique à proposer un "report jusqu’à six mois des remboursements de crédit pour les entreprises" (voir le communiqué de presse de la Fédération Bancaire Française du 15 mars 2020). Des entreprises n’ont pas obtenu ce report et se sont adressées à la médiation. Dans un second temps, le Prêt Garanti par l’Etat (PGE) a été mis en place et les premiers refus de PGE sont apparus. Une partie des entreprises concernées se sont retournées vers la médiation. Depuis le mois d’avril, l’essentiel des saisines concerne des refus de PGE.
Le profil mensuel des saisines illustre l’impact de la crise. On est ainsi passé d’environ 100 dossiers sur janvier-février 2020 à plus de 700 en mars 2020, un peu moins de 4 000 en avril, un peu plus de 3 000 en mai et près de 2 000 en juin. C’est près de 10 000 dossiers qui doivent être mis en relation avec le nombre d’entreprises bénéficiaires de PGE (plus de 535 000 au 3 juillet 2020) et le taux de refus de PGE par rapport aux demandes effctuées (2,7%). Le recours à la médiation dans cette période de crise a donc été substantiel mais doit être relativisé par le nombre d’entreprises bénéficiant du PGE. Le repli récent des saisines est lié à la dynamique des flux de demandes de PGE, qui, après une phase initiale marquée par des demandes très nombreuses, s’est modérée.
Sur les seuls mois d’avril et mai, le montant total de crédits demandés par les entreprises en médiation, qui se sont donc vu refuser ces crédits, s’élève à 1,2 milliard d’euros (à comparer à 109 milliards d’euros de PGE octroyés par les banques au 3 juillet 2020). Dans trois cas sur cinq, la médiation aboutit à un succès et les banques sont d’accord pour octroyer le PGE.
Une typologie des entreprises en médiation inchangée par rapport à la période d’avant-crise
Les très petites entreprises (TPE) constituent l’essentiel (85%) des dossiers en médiation. Les services et le commerce sont les secteurs les plus représentés, notamment le secteur de l’hébergement – restauration, particulièrement touché par les mesures de confinement. D’un point de vue régional, la hausse des saisines au printemps 2020 a été observée sur l’ensemble du territoire (métropole et outre-mer). En proportion, l’Ile-de-France concentre davantage de saisines. Les autres régions où les saisines sont particulièrement nombreuses sont Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nouvelle Aquitaine et Occitanie.
Globalement, cette typologie des entreprises reste relativement proche de celle qui prévalait avant la crise.
La mobilisation de la médiation du crédit va demeurer forte
La diminution du nombre de nouvelles saisines de la médiation est une bonne nouvelle. Les saisines demeurent cependant à des niveaux élevés et pourraient le rester au cours des prochains mois, même en écartant un scénario d’une "seconde vague" de l’épidémie. En effet :
- Le PGE peut être demandé jusqu’à fin 2020. Il restera donc un flux d’entreprises demandant le PGE dans les prochains mois, pour la première fois ou pour un complément par rapport à une première demande, et des refus de PGE.
- La capacité des entreprises bénéficiaires du PGE à le rembourser dans les conditions prévues, à partir du printemps 2021, sera déterminante. A priori, la crise va se traduire par un alourdissement de la dette des entreprises.
- Enfin, la crise va altérer le résultat des entreprises en 2020 et leurs capitaux propres. Le taux d’endettement va donc s’accroître, oblitérant ce faisant leur capacité à accéder à d’autres financements. A titre d’illustration, 88% des PGE accordés le sont à des TPE, pour plus de 40% du montant total distribué (soit environ 43 milliards d’euros de dette supplémentaire pour les TPE). Or, la situation en termes de fonds propres des TPE est dégradée pour une large proportion d’entre elles, plus de 20 % ayant par exemple des fonds propres négatifs.
Dans ce contexte une réflexion a été engagée par les pouvoirs publics pour examiner l’évolution des dispositifs d’appui aux entreprises de manière à renforcer les fonds propres dans la période à venir.