Bulletin de la Banque de France

La filière fiduciaire à l’heure de la crise de la Covid-19

Mise en ligne le 20 Mai 2021
Auteurs : Emmanuelle Laplace, Raymond De Pastor, Louis-Alexandre Bayol

Bulletin n°235, article 3. Les évolutions de la filière fiduciaire sont marquées depuis quelques années par des tendances profondes, comme la dématérialisation rapide des moyens de paiement et le développement du commerce électronique. Ces tendances se traduisent par un repli de l’utilisation des espèces, et donc des volumes traités par l’ensemble de la filière fiduciaire. De façon paradoxale, la demande de billets, motivée par d’autres besoins que les transactions, n’a jamais été aussi forte. La crise sanitaire a accentué ces évolutions, agissant comme un accélérateur des changements de comportement. Dans ce contexte, la Banque de France, garante de la liberté de choix des moyens de paiement, veille, en permanence, à préserver la facilité d’accès aux espèces et leur acceptation, en application de la politique nationale de gestion des espèces qu’elle a initiée en 2019.

Image Variation des retraits aux DAB, en valeur, avant et après l'entrée en vigueur du confinement lié à la Covid-19 en 2020

1. Les tendances de la circulation fiduciaire jusqu’en 2020

L’usage des espèces en tant que moyen de paiement est en repli depuis presque dix ans. Cette tendance s’explique notamment par la concurrence croissante des moyens de paiement scripturaux (dont la part a encore été confortée avec le relèvement en mai 2020 du plafond de paiement de la carte sans contact, de 30 à 50 euros) et l’évolution des modes de consommation (en particulier le développement des achats en ligne). D’après la dernière enquête sur l’usage des espèces par les ménages au sein de la zone euro, conduite en 2019‑2020 par la Banque centrale européenne (BCE), si les espèces représentent encore, en volume, dans l’Eurosystème et en France, la majorité des transactions en magasin et entre personnes, leur part s’inscrit en recul, tant en volume qu’en valeur (cf. tableau).

La dématérialisation des moyens de paiement s’est accélérée au cours des cinq dernières années. Avant 2010, les paiements par carte étaient 2,7 fois supérieurs aux retraits aux distributeurs automatiques de billets (DAB), qui sont un bon indicateur des paiements en espèces (cf. graphique 1). Ce ratio, encore de 3,1 en 2014, progresse à 4,3 en 2019. En 2020, avec la forte diminution des retraits aux DAB, il est de l’ordre de 5. La hausse est moins marquée pour les paiements par carte dans les seuls commerces de proximité ("POS", point of sale), avec un ratio passant de 3 à 3,7 sur la période 2014-2019, puis à 4,2 en 2020. La dynamique plus forte du premier ratio provient du commerce en ligne, pris en compte dans le premier calcul du paiement par carte, et dont la croissance est particulièrement rapide.

Ainsi les volumes de billets remontant du public vers les professionnels de la filière 4 baissent de façon continue. En particulier, les versements d’espèces par les banques et autres intervenants aux guichets de la Banque de France diminuent depuis une décennie. Ces versements ont ainsi baissé de 250 millions de billets par an dans les années 2014‑2016, puis de 500 millions par an dans les années 2017‑2019, ramenant le niveau des entrées de plus de 7 milliards de billets au début des années 2010 (point haut) à environ 4,6 milliards en 2019. Avec la crise sanitaire, cette baisse s’est encore accentuée en 2020 (– 1,1 milliard de billets), ramenant le niveau des entrées à un plus bas historique de 3,5 milliards de billets (cf. section 2).

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