Document de travail

Identification d’une politique monétaire systématique

Mise en ligne le 17 Décembre 2024
Auteurs : Lukas Hack, Klodiana Istrefi, Matthias Meier

Document de travail n°973. Nous proposons un nouveau modèle d'identification pour estimer les effets d'une politique monétaire systématique sur la propagation des chocs macroéconomiques. Sa conception combine (i) une mesure variable dans le temps de la politique monétaire systématique basée sur la composition historique des « faucons » et des « colombes » au sein du FOMC (Federal Open Market Committee) avec (ii) un instrument qui exploite la rotation des droits de vote au FOMC. Nous appliquons notre modèle aux chocs sur les dépenses publiques et constatons qu’un FOMC dovish soutient les effets expansionnistes d’une hausse des dépenses en retardant les hausses des taux directeurs, ce qui entraînerait d’importants multiplicateurs budgétaires. Le PIB n'augmente pas lorsque le FOMC est hawkish mais les anticipations d’inflation sont contenues. 

Figure 1: Comparing the effects of an expansionary government spending shock under a hawkish and a dovish FOMC

Image Visuel - WP973
Note: The figure shows the responses of real GDP, the Federal Funds Rate and inflation expectations to an expansionary military spending shock, corresponding to 1% of GDP, conditional on systematic monetary policy. The line in red (blue) captures the state-dependent responses when the hawk-dove balance exceeds the sample average by two “hawks” (“doves”). The shaded areas indicate the 68% and 95% confidence bands.

Les décisions de politique monétaire prises par les banques centrales sont des réponses intentionnelles aux conditions macroéconomiques. Ces réponses sont appelées « politique monétaire systématique ». En théorie, la politique monétaire systématique joue un rôle crucial dans l'influence de l'impact des chocs macroéconomiques. Cependant, on manque des résultats empiriques permettant d’identifier et de quantifier cette relation causale. Dans cette étude, nous introduisons tout d'abord une méthode d'identification pour évaluer les effets causaux de la politique monétaire systématique sur la propagation des chocs macroéconomiques. Nous l’utilisons ensuite pour étudier l'interaction entre les dépenses publiques et la réponse de politique monétaire systématique. Nos résultats montrent que la politique monétaire systématique est un déterminant clé de l’efficacité de la politique budgétaire.

Notre méthode d'identification combine une mesure de la politique monétaire systématique basée sur la composition historique des « faucons » et des « colombes » au sein du Federal Open Market Committee (FOMC) de la Réserve fédérale, chargé des décisions de politique monétaire aux États-Unis depuis les années 1960, avec un instrument qui exploite la rotation mécanique des droits de vote au sein du FOMC. La classification des membres du FOMC comme « faucons » ou « colombes » repose sur des récits tirés d’archives de presse, les décrivant comme étant soit plus préoccupés par l’inflation (« faucons »), soit plus soucieux de soutenir l’emploi et la croissance (« colombes »), comme indiqué dans Istrefi (2019).

Pour tenir compte des changements dans la composition des « faucons » et des « colombes » au sein du FOMC, influencés par les évolutions économiques et politiques, nous construisons une variable instrumentale qui tire parti de la rotation mécanique des droits de vote au sein du FOMC. Cette rotation, qui a lieu chaque année, redistribue les droits de vote entre les présidents des banques régionales de la Réserve fédérale. La nature mécanique de cette rotation la rend exogène aux facteurs économiques ou politiques, ce qui nous permet d’identifier les effets causaux de la politique monétaire systématique.

Nos résultats montrent que la réponse du PIB aux chocs des dépenses publiques dépend de manière cruciale du nombre de membres du FOMC ayant une orientation colombe ou faucon. Une augmentation discrétionnaire des dépenses publiques entraîne une expansion du PIB, plus marquée lorsque davantage de membres « colombes » participent au vote au sein du FOMC. À l’inverse, une majorité de « faucons » atténue l’effet expansionniste des dépenses publiques. Sur le plan quantitatif, nous constatons que le pic de l’augmentation du PIB double environ lorsqu’il y a deux  « colombes » supplémentaires au sein du FOMC par rapport à la moyenne à long terme de l’échantillon. En revanche, nous constatons que le PIB ne s'accroît pas en réponse à des dépenses publiques supplémentaires lorsqu'il y a deux « faucons » supplémentaires dans le FOMC.

Il est important de noter que conclure que le gouvernement devrait augmenter les dépenses lorsque les comités des banques centrales comptent une majorité de membres « colombes » pourrait être trompeur. En effet, de tels changements dans les dépenses publiques ne seraient pas des chocs aléatoires (ce que nous avons étudié) mais des décisions politiques prévisibles. La critique de Lucas s'applique en cas de changements structurels dans la conduite de la politique budgétaire.
 

Mots-clés : politique monétaire systématique, FOMC, rotation, dépenses publiques
JEL classification: E32, E52, E62, E63, H56
 

Mise à jour le 17 Décembre 2024