Cet article examine si la finance verte, par le biais du Fonds Amazonien, a contribué à réduire la déforestation en Amazonie brésilienne. La forêt amazonienne est cruciale pour réguler le climat de la Terre, mais la déforestation croissante, en particulier depuis 2019, en a fait une source nette d’émissions de carbone plutôt qu’un puits de carbone. Pour lutter contre la déforestation tropicale, le Fonds Amazonien a été créé en 2009. C'est le principal outil international de la finance climat au Brésil. Financé presque dans son intégralité par la Norvège et l'Allemagne, il soutient essentiellement des projets en Amazonie Légale brésilienne. Ses versements ont augmenté de façon régulière jusqu’en 2017, puis ont fortement diminué.
Nous utilisons les données économiques et satellitaires de 760 municipalités entre 2002 et 2020 pour évaluer comment les versements du Fonds Amazon, les actions environnementales des gouvernements et l'activité agricole affectent la déforestation. Nous appliquons une méthode économétrique (PVAR - Panel Vector Auto Regression) qui permet de capter des interactions complexes entre ces variables au fil du temps. Nos conclusions empiriques apportent un éclairage sur le sujet pour les décideurs et les bailleurs de fonds verts.
Le premier ensemble d'implications en termes de politique économique et environnementale est lié au rôle des activités agricoles. La croissance de la production agricole entraîne des taux plus élevés de déforestation. Lorsqu’on analyse le rôle distinct des matières premières agricoles, la production de bois montre un impact plus net sur la déforestation que l’élevage de bétail ou la production de soja. Le contrôle de l'exploitation forestière illégale et de la contrebande de bois et, in fine, la promotion de matériaux alternatifs pour réduire la demande internationale de bois d'œuvre sont essentiels dans la lutte contre la déforestation.
Deuxièmement, les efforts de surveillance nécessitent des mécanismes d’application de la loi appropriés pour être efficaces contre la déforestation. L’inscription des municipalités où des infractions sont commises sur une liste noire, combinée à des incitations économiques pour en sortir, contribue à ralentir la déforestation.
Troisième (et principale) série de conclusions : des financements verts bien conçus parviennent à réduire significativement les taux de déforestation. L’action du fonds Amazon interagit avec d’autres facteurs clés. La finance verte, la productivité agricole et l'application de la loi peuvent bénéficier d'importantes synergies. i/ La promotion de la productivité plutôt que l'utilisation extensive de nouvelles terres contribue à renforcer l'efficacité de la finance verte dans la lutte contre la déforestation. Ceci doit être contrebalancé par un contrôle de la pollution locale, dans la mesure où la biodiversité peut être affectée par les pesticides, les engrais, etc. ii/ Certains des principaux projets réussis du Fonds, tels que ceux liés aux systèmes de surveillance et de contrôle ou à l’application du Code forestier par le biais du Registre rural environnemental (CAR), facilitent l’action des agences environnementales. iii/ À un niveau plus désagrégé, certains types de projets ont besoin d’un financement relativement plus faible pour lutter contre la déforestation. Par bénéficiaire, les projets gérés au niveau fédéral ou des États sont plus efficaces que ceux gérés par les municipalités. Cela est probablement dû à la taxonomie des projets, plutôt qu’au niveau de gouvernance. Les projets du gouvernement fédéral et des États sont dans une large mesure liés à des actions qui génèrent des gains immédiats contre la déforestation, telles que la surveillance, l’application de la réglementation environnementale (CAR) et la lutte contre les incendies illégaux. À leur tour, les outils qui luttent contre la déforestation plutôt à long terme ou qui ciblent spécifiquement la restauration de la biodiversité, tels que la promotion de la production durable ou des activités scientifiques et d’innovation, sont généralement dirigés par le troisième secteur (par exemple les ONG, les fondations) et les universités. Nos conclusions ne préconisent toutefois pas une approche publique descendante dans l’affectation des dépenses. L’aménagement du territoire, axe le plus efficient, correspond aux projets le plus souvent menés par les acteurs non-gouvernementaux et visant à autonomiser les communautés autochtones locales dans les zones protégées. Renforcer l’ancrage social et la protection des terres indigènes est donc un moyen très efficace de lutter contre la déforestation des forêts tropicales.
Enfin, le Fonds amazonien est un outil de finance verte relativement « bon marché » : il parvient à réduire les émissions liées à la déforestation à un faible coût par tonne de dioxyde de carbone évitée.
Au total, ces recherches fournissent la première preuve quantitative que le Fonds Amazonien fonctionne dans l’ensemble et que le financement international de la lutte contre le changement climatique peut soutenir une protection environnementale efficace, à condition d’être soutenu par une volonté politique.
Mots-clés : finance verte, déforestation, forêt amazonienne, PVAR
Codes JEL : C33, C81, F35, Q20, Q54, Q56