Cette nouvelle structuration des SNF fait-elle peser des risques sur le système financier ?
La réponse à cette question dépend de la nature des opérations entreprises par ces acteurs. En effet, cette évolution semble obéir à différents motifs d’optimisation : fiscale mais aussi administrative et financière. Le risque pour le système financier relatif à l’optimisation fiscale relève d’enjeux économiques, budgétaires et sociaux plus que de questions de stabilité financière. Cependant, la création d’institutions captives répond aussi à l’objectif des entreprises multinationales de centraliser leurs opérations financières dans une seule et même entité localisée dans un pays propice à la gestion de ces opérations (facilité de mise en relation avec les investisseurs, facilitation des démarches juridiques, etc.). Cette structuration plus complexe et internationalisée des entreprises implique un allongement des chaînes de financement, avec leurs effets positifs − gains d’efficience, en regroupant dans une structure spécialisée un ensemble d’opérations financières − et leurs risques, en facilitant par exemple la mise en place de montages à effet de levier.
Cette nouvelle structuration des entreprises, qu’on pourrait qualifier de désintermédiation verticale (par opposition à une "désintermédiation horizontale" associée par exemple au crédit interentreprises), s’est-elle accompagnée d’un essor d’opérations financières dites de carry trade initiées par les SNF et leurs filiales ? Le carry trade est une stratégie de placement exploitant les différences de taux d’intérêt entre pays. Elle consiste à emprunter de l’argent dans un pays où les taux d’intérêt sont bas et à prêter les fonds ainsi levés dans un pays où les taux d’intérêt sont élevés. Par exemple, les taux d’intérêt ayant été plus faibles en zone euro qu’aux États-Unis au cours des dernières années, une stratégie assez communément employée consiste à emprunter en euros (concrètement en émettant des obligations en zone euro) et à prêter les fonds obtenus en dollars (concrètement en achetant des titres de créances américains).
Observe-t-on dans la pratique un recours marqué au carry trade du fait de ces évolutions ?
Les SNF ont des positions nettes divergentes en euros et en dollars
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de recourir à des données d’entreprises.
Pour établir la balance des paiements, la Banque de France dispose de données sur les sociétés résidant en France et effectuant des opérations avec l’étranger, notamment communiquées par les plus grandes entreprises désignées comme "Déclarants Directs Généraux (DDG)". Bien qu’elles n’offrent qu’un aperçu des activités des SNF, ces données sont très riches et nous fournissent de précieux éléments d’information sur la position en devises de ces entreprises.
Ainsi, la décomposition par devise de la position extérieure nette des DDG (avoirs, nets des engagements commerciaux et financiers) témoigne d’un excédent détenu en dollars américains (Graphique 2). La position extérieure nette fluctue quant à elle depuis 2011 dans une fourchette allant de - 20 à + 20 Mds d’euros.