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- Crypto-actifs : l’année 2022 confirme le...
Billet n° 310. En 2022, le marché des crypto-actifs a subi une chute brutale de sa valorisation. Après avoir attiré certains investisseurs particuliers à la recherche d’un haut rendement en 2021, il a démontré son instabilité. Le développement et la forte volatilité de ce marché ont engendré une augmentation des risques et des pertes pour les acteurs et investisseurs.
Les crypto-actifs ont atteint en 2021 un pic de valorisation de 2933 milliards de dollars, avant de connaître une chute de 60% au cours de l’année 2022. Le Bitcoin, principal crypto-actif, a perdu 66% de sa valeur au cours de l’année, engendrant d’importantes pertes latentes ou réelles pour 50% des investisseurs à fin 2022 (Graphique 2). Les crypto-actifs englobent les actifs non adossés tels que le Bitcoin et l’Ether, les crypto-actifs appelés « stablecoins » tels que le Tether et l’USDCoin, les titres de propriétés numériques appelés NFTs et les produits dérivés. Au cours de l’année 2022, la capitalisation de marché apparente des stablecoins est restée relativement stable. La part des stablecoins sur le marché des crypto-actifs a donc fortement augmenté au cours de l’année 2022, passant de 7% à près de 20%.
Notes : Données au 12/02/2023. En fonction du prix auquel un bitcoin a été acheté et en fonction du cours actuel du bitcoin on peut définir le statut « in the money » (plus-value latente) ou « out of the money » (moins-value latente).
Plusieurs facteurs sont à l’origine de la chute du marché. La remontée des taux d'intérêt a réduit l'attractivité des crypto-actifs, précédemment soutenue par une recherche de rendements supérieurs de la part de certains investisseurs. Initialement présentés comme des actifs décorrélés des marchés financiers traditionnels, les crypto-actifs ont intéressé certains investisseurs souhaitant diversifier leurs portefeuilles. Or, depuis mars 2022, la corrélation entre les crypto-actifs et les principaux indices actions américains (Nasdaq, S&P500) a fortement augmenté pour atteindre un pic de 85% en mai 2022 (Graphique 3). Elle s’explique notamment par une part croissante d’investisseurs institutionnels (BCE, 2022) sur ce marché et une forte corrélation avec le cours des entreprises technologiques qui investissent et influencent l’écosystème comme Tesla et MicroStrategy.
Enfin, les faillites survenues au cours de l’année et les incidents cyber sur les plateformes, dont le nombre a été multiplié par quatre depuis 2020 (Crystal Blockchain), ont renforcé la perte de confiance des investisseurs, qui ont peu à peu retiré leurs investissements des plateformes d’échange en ligne.
Un marché fortement interconnecté
Les faillites retentissantes de l’année 2022 ont mis en évidence les interconnexions complexes au sein de l’écosystème et le manque de transparence et de contrôle des acteurs. La multiplication des acteurs et le développement de services complexes, incluant non seulement des investissements en crypto-actifs mais aussi des services de prêts et des produits avec effets de levier, ont renforcé les risques du secteur. Certaines plateformes d’échange proposent des produits dérivés à but spéculatif avec un effet de levier pouvant être supérieur à 100 (BCE, 2022).
L’écosystème des crypto-actifs présente de fortes interconnexions en son sein. La baisse du cours d’un crypto-actif peut créer un effet domino avec un impact immédiat sur plusieurs acteurs du marché. La chute brutale du Terra et du stEth (dérivé de l’Ether) a directement impacté le fond d’investissement spéculatif spécialisé Three Arrows Capital, qui avait des positions directionnelles sur ces crypto-actifs. Three Arrows Capital s’est retrouvé dans l’impossibilité de rembourser ses dettes contractées auprès de 27 entreprises dont les plateformes Celsius et Voyager Digital qui ont consécutivement déclaré faillite en juillet 2022.
Dans un contexte de manipulation de marché, le stablecoin algorithmique Terra a perdu sa parité avec le dollar en mai 2022, ce qui a entraîné la chute de l’ensemble de l’écosystème Terra, représentant plus de 70 milliards de dollars, et a provoqué une diminution de 30% de la valorisation totale du marché des crypto-actifs ainsi qu’une brève rupture de la parité entre le Tether et le dollar.
La faillite de la plateforme FTX en novembre 2022 a accentué la chute du marché des crypto-actifs, qui a perdu plus de 20% de sa valorisation en deux jours. L’entreprise FTX avait plusieurs rôles sur le marché des crypto-actifs, en étant à la fois plateforme d’échange et émettrice de son propre crypto-actif non adossé nommé FTT. La plateforme faisait partie d’un conglomérat d’entreprises comprenant un fond d’investissement spéculatif en crypto-actifs nommé Alameda Research. Début novembre 2022, un média spécialisé révèle que le fond Alameda Research détient 73% des réserves du FTT, ce qui a poussé le PDG de la plateforme concurrente Binance à annoncer publiquement la vente de l’ensemble de ses jetons FTT en raison de leur illiquidité. Cette annonce a précédé la chute du FTT et la suspension des retraits des fonds par la plateforme FTX. Après révélation du bilan de FTX International, l’entreprise comprenant FTX US et Alameda Research, s’est déclarée en faillite. Cette faillite s’est propagée à d’autres acteurs du secteur dont la plateforme BlockFi qui s’est déclarée en faillite le 28 novembre 2022, après avoir emprunté 275 millions de dollars à FTX sous forme de FTT. Néanmoins, ces phénomènes ne se sont pas propagés au système financier traditionnel, en raison de de la taille modeste du marché et des faibles interconnexions entre les acteurs financiers traditionnels et l’écosystème des crypto-actifs.
Le cas du Terra est un exemple du manque de transparence des acteurs et des interconnexions au sein du marché. Le Terra, un stablecoin algorithmique, était par construction plus fragile que des stablecoins adossés à des réserves en devises fiduciaires. Néanmoins le manque de transparence et d’audit des réserves des stablecoins les exposent à un risque de liquidité et une perte de confiance en la parité supposée avec les devises fiat. Même si les chocs advenus en 2022 ne se sont pas propagés au reste de l’économie, ces incidents ont confirmé la nécessité d’un cadre réglementaire adapté pour protéger les investisseurs face aux potentielles faillites des acteurs du marché tels que les plateformes d’échange. Dès 2013, la Banque de France a alerté les investisseurs sur les risques inhérents aux crypto-actifs et aux plateformes d’échange (Banque de France, 2013).
Un cadre réglementaire qui évolue pour protéger les investisseurs
Le cadre actuel est insuffisant même si certains comportements sont déjà sanctionnés. Plusieurs institutions de différentes juridictions poussent pour la mise en place de règles encadrant le secteur. Dès 2019 la France a imposé aux prestataires de services sur actifs numériques une obligation d’enregistrement auprès de l’AMF pour exercer leurs activités. Au niveau de l‘Union européenne le règlement Markets in Crypto-Assets (MiCA), prévu pour une entrée en application en 2024, permettra d’encadrer le marché en responsabilisant les plateformes face à la perte des actifs afin de protéger les investisseurs. Les acteurs du secteur seront soumis à l’obtention d’une autorisation d’exercer afin de proposer leurs services au sein de l’UE. Les États-Unis ont publié en septembre 2022 une feuille de route de la future réglementation du marché, visant à protéger les investisseurs et à encadrer le marché et ses acteurs principaux. Le Conseil de Stabilité Financière a conclu qu’une coopération entre les juridictions est nécessaire à la supervision du marché des crypto-actifs et le Comité de Bâle a publié fin 2022 une norme encadrant les expositions des banques aux crypto-actifs (BRI, 2022).
Mise à jour le 25 Juillet 2024