Comment les entreprises financent-elles leur investissement ?
La faible croissance de la productivité observée ces dernières années ne pourra être surmontée qu’au moyen d’un investissement soutenu, en particulier dans les actifs immatériels, afin de favoriser l’innovation. Il est donc important de mieux comprendre les modalités de financement de l’investissement en général, et de l’investissement immatériel en particulier.
Dans un article récent, Lé et Vinas (à paraitre) étudient les modalités de financement de l’investissement des entreprises en exploitant les bilans comptables et financiers de près de 177 000 entreprises entre 1992 et 2016. La méthode employée consiste à analyser les variations systématiques du passif des entreprises lorsque celles-ci investissent. Cette méthode permet d’estimer la manière dont les entreprises financent un euro d’investissement au moyen d’une combinaison de différentes ressources financières.
Il ressort qu’en moyenne, un euro additionnel d’investissement est financé à hauteur de 34% par du crédit bancaire, 21% par d’autres dettes financières (par exemple obligataires), tandis que les fonds propres, le résultat net et la trésorerie disponible contribuent chacun à hauteur d’environ 10%. Les 10% environ restants constituent un résidu comprenant essentiellement les dettes fiscales et sociales. Ainsi, le faible poids du crédit bancaire dans le bilan des entreprises -11% du passif en moyenne- rend peu compte de l’importance du crédit bancaire pour le financement de l’investissement qui ressort de ces estimations.
Le financement de l’investissement varie sensiblement selon la taille et le statut de cotation des entreprises
Les estimations précédentes considèrent l’ensemble des entreprises de manière indifférenciée. Pourtant, les modalités de financement de l’investissement sont susceptibles de varier significativement suivant certaines caractéristiques des entreprises. En particulier, on s’attend à ce que les entreprises cotées sur un marché financier disposent d’un accès privilégié au financement par fonds propres et par émission obligataire. Nous étudions cette hypothèse en examinant la façon dont la contribution de chaque ressource financière varie selon que l’entreprise est cotée ou non sur un marché financier.
Il apparait que les entreprises cotées et non cotées combinent différemment leurs sources de financement en vue d’investir (cf. graphique 1) : tandis que les firmes non cotées financent très largement leurs investissements au moyen du crédit bancaire (43%), celui-ci ne joue qu’un rôle marginal dans le financement de l’investissement des entreprises cotées (9%). En contrepartie, nous mesurons un recours bien plus significatif au financement par fonds propres et par obligations chez les entreprises cotées. Quand les entreprises non cotées financent seulement 8% et 17% de leurs investissements au moyen de fonds propres et d’obligations, les entreprises cotées financent près de 16% de leurs investissements par émission de nouveaux fonds propres et jusqu’à 36% par émission obligataire.