Dans une étude récente, Pappadà et Zylberberg (2017a) mesurent la capacité d’un gouvernement à collecter des recettes fiscales à l’aide du ratio recettes de TVA collectées par le gouvernement/recettes de TVA notionnelles calculées sur la base de la consommation observée. Dans le cas d’une capacité parfaite de recouvrement des recettes fiscales, ce ratio serait exactement égal à 1 au cours du cycle d’activité et ne réagirait pas aux réformes fiscales.
La capacité de recouvrement est sensible aux fluctuations de la production et aux réformes fiscales
Comme le montre le graphique 1, cette étude décrit deux faits stylisés originaux :
- La capacité de recouvrement de TVA s’accroît en période d’expansion et diminue en phase de récession.
- La réaction de la capacité de recouvrement de la TVA aux relèvements des taux d’imposition est importante et négative.
La sensibilité de la capacité de recouvrement aux fluctuations économiques et aux réformes fiscales varie selon les pays. Si certains pays affichent une capacité stable, les pays dont la capacité à collecter les recettes est plus sensible sont exposés à d’importantes fluctuations des recettes fiscales. Ces pays tentent parfois de compenser la faiblesse de leur capacité de recouvrement en relevant les taux moyens d’imposition. Mais cela ne garantit pas une hausse des recettes fiscales.
Les différents cycles de plans d’austérité mis en œuvre en Grèce au cours des dernières années en donnent un bon exemple. Pappadà et Zylberberg (2017a) montrent que la capacité de recouvrement de TVA a diminué de 7 % en Grèce après le relèvement de 20% des taux de TVA en 2010. Cette baisse explique l’écart entre les recettes de TVA réelles et attendues. Les fluctuations de la capacité de recouvrement de la TVA ne sont pas spécifiques au cas grec. Les résultats sur un panel de 35 pays montrent qu’un relèvement de 1 % des taux de TVA est associé à une baisse de la capacité de recouvrement pouvant aller jusqu’à 0,5 % dans certains pays.
Un niveau élevé de sensibilité de la capacité de recouvrement accroît le risque de défaut
Pappadà et Zylberberg (2017b) explorent les conséquences des fluctuations de la capacité de recouvrement sur le risque de défaut sur la dette souveraine. Dans cette étude, l’assainissement budgétaire affecte la capacité à prélever des impôts dans le futur -via la réaction négative de la capacité de recouvrement- renforçant ainsi le risque de défaut. Lorsqu’ils sont fortement endettés, les pays affichant une faible capacité à lever des recettes fiscales sont dans une situation inextricable : les États sont incapables de s’écarter de leurs plafonds de dette parce que les relèvements de la fiscalité génèrent des distorsions qui pèsent sur la croissance à long terme, accroissant ainsi le risque de défaut et le coût du service de la dette. En conséquence, les phases de taux d’imposition élevés, de production atone, d’ajustement budgétaire insuffisant et de risque de défaut important peuvent s’inscrire dans la durée.
L’interaction entre l’insuffisance du recouvrement par l’administration fiscale et l’engagement limité à rembourser la dette souveraine peut expliquer l’adoption d’efforts d’assainissement budgétaire procycliques généralement fondés sur des réductions de dépenses en phase de récession comme le montrent Ferrara et al. (2017). Si l’on examine les épisodes d’assainissement budgétaire des différents pays de l’OCDE, nous observons en effet que les pays se caractérisant par une sensibilité plus élevée de la capacité de recouvrement sont également ceux qui mettent plus fréquemment en œuvre des mesures d’assainissement budgétaire en phase de récession qu’en période d’expansion, comme le montre le graphique 2. Malgré les importants effets de distorsion des hausses d’impôts en phase de récession économique et de la baisse de la capacité de recouvrement, ces pays n’ont pas d’autre choix que d’adopter des mesures d’austérité au cours de ces phases afin d’éviter le défaut.