Sources : Données de la Commission européenne (montants de plafonds estimés) et calcul des auteures. Le montant des aides publiques versées peut être très de facto très inférieur au montant des plafonds, notamment en cas de garanties de prêts (Cf. Allemagne).
Sauf exception, les aides d’État sont interdites par le droit européen (article 107 du TFUE), car jugées contraires aux principes de libre concurrence du marché intérieur. Par exemple, en 2018, le Tribunal de l’UE avait jugé illégale une aide d’État de la Belgique octroyée à Ryanair.
L’article 107 du TFUE permet néanmoins d’assouplir ce cadre en cas de "circonstances extraordinaires" ou de "perturbations graves" pour l’économie. Dès le 19 mars dans le contexte de la crise de la Covid-19, la Commission a défini un cadre temporaire de recours aux aides d’État afin de permettre aux pays de l’UE de soutenir leurs entreprises en difficulté du fait de cette crise, via l’octroi, avant fin 2020 et pour une durée limitée, de subventions, de prêts garantis par l’État (PGE) et de prêts à taux bonifiés. Elle a ensuite étendu ce cadre les 3 avril, 8 mai et 29 juin aux aides à la lutte sanitaire, aux recapitalisations (octroi possible jusqu’à mi-2021) et aux start up.
Ces aides ont permis de soutenir des secteurs qui ne l’auraient pas été hors crise, comme l’aviation. Ce cadre a été largement utilisé, puisque la Commission estimait à plus de 2 190 Mds d’euros début juin 2020 les montants des aides d’État autorisées, en majorité sous forme de PGE et prêts à taux bonifiés.
L’ampleur de la crise appelait une réponse rapide. L’hypothèse selon laquelle les économies les plus touchées seraient aussi celles ayant bénéficié du plus d’aides d’État ne se vérifie toutefois pas entièrement dans les faits.
Une répartition hétérogène des aides d’États
En montant, les aides d’État autorisées jusqu’à juillet 2020 concernent d’abord les grandes économies : l’Allemagne (58% du total), la France (14%) et l’Italie (13%) (Graphique 1).
À noter que pour l’Allemagne, et l’Italie dans une moindre mesure, il s’agit d’estimations de la Commission car plusieurs aides d’État accordées par ces pays ne sont pas assorties d’un montant, notamment celles sous forme de PGE. Les mesures budgétisées correspondent à des plafonds, et ne sont pas de facto nécessairement utilisés à ces hauteurs.
Par ailleurs, seuls environ 338 Mds d’euros sont attribués à des secteurs précis, notamment la lutte sanitaire contre la Covid-19 (équipement médical, R&D) et les secteurs dont l’essentiel des activités n’est pas réalisable en télétravail (ex. : transports). Les autres mesures sont quant à elles moins ciblées, visant parfois des entreprises en difficulté de taille spécifique (ex. : PME) ou des entreprises en difficulté de taille et de secteur divers.
Pourquoi de telles différences entre États membres ? Selon quelles règles les aides d’État sont-elles attribuées ?
Un encadrement européen pour des aides financées à l’échelon national
Les aides sont autorisées par la Commission, qui vérifie leur conformité aux conditions fixées par le cadre temporaire et le TFUE, que ce soit en terme d’horizon temporel ou de viabilité financière des entreprises bénéficiaires, qui ne devaient pas être en difficulté au 31 décembre 2019.
Les aides sont financées à l’échelon national, ce qui tend à favoriser les États disposant de marges de manœuvre budgétaires plus importantes. Ceci pourrait expliquer l’importance des aides d’État allemandes (en pourcentage du PIB), alors que l’Allemagne n’est pas le pays de l’Union européenne le plus touché sur les plans sanitaire et économique (Graphique 2).
Toutefois, la mise en place d’une aide ne signifie pas que l’aide est consommée rapidement ou intégralement, ce qui complique les comparaisons et invite à nuancer le montant des aides d’État allemandes, composées pour l’essentiel de PGE et de prêts à taux bonifiés. Une analyse de l’utilisation effective des PGE a été proposée par Anderson et al. (Bruegel, 2020) : le soutien au crédit garanti par l’État effectivement engagé fin juin 2020 serait de l’ordre de 1% du PIB en Allemagne, soit sous les niveaux italiens (2.2%), français (4.4%) ou encore espagnols (6.2%). Si la différence entre les montants annoncés et engagés jusqu’à présent semble fortement limiter l’effet de distorsion sur le marché intérieur, il convient de rester attentif à ce stade, ce risque demeurant.