En théorie, les aides au logement peuvent entraîner une augmentation de la demande globale de logements, et donc des loyers, du moins à court terme, lorsque l'offre de logements est considérée comme faiblement élastique. Dans ces conditions, l'allocation de logement serait en partie captée par les propriétaires. À long terme, les loyers et plus généralement l'équilibre dépendent de l'élasticité de l'offre. L'offre peut augmenter de manière extensive par un nombre croissant de logements ou de manière intensive par leur qualité accrue. L'offre de logements locatifs peut toutefois en pratique rester partiellement inélastique.
Un effet haussier à court terme sur les loyers mis en évidence dans de nombreux pays
Plusieurs études empiriques concordantes, conduites dans différents pays, ont déjà mis en évidence et mesuré l'effet inflationniste à court terme sur les loyers des aides au logement ciblant les locataires, comme aux États-Unis avec Eriksen et Ross (2015) ou Collinson et Ganong (2018).
En France, où les loyers ont augmenté plus vite que l’indice des prix à la consommation (Graphique 2), Laferrère et Le Blanc (2004) et Fack (2006) trouvent un effet positif des aides au logement sur les loyers dans les années 1990. Ces deux articles utilisent l'expérience naturelle fournie par la réforme des aides au logement au début des années 1990. Laferrère et Le Blanc (2004) montrent que l'effet significatif de ces aides sur les loyers n'est que faiblement expliqué par une qualité accrue des logements. Fack (2006) montre que la réforme a entraîné une augmentation des loyers qui représentait 78 % des aides, sans augmentation constatée de la qualité.
Une nouvelle méthode pour mesurer l’impact de long terme
Notre récente étude mesure l'effet à long terme des aides au logement sur les loyers, la quantité et la qualité des logements locatifs privés dans le cas français. Elle renseigne ainsi sur l'élasticité de l'offre de logements locatifs.
Pour mesurer l'impact à long terme des aides au logement, nous comparons des agglomérations similaires recevant des aides plus ou moins importantes depuis la réforme des aides au logement dans les années 1990.
Un effet haussier global à long terme sur les loyers
Nous ne trouvons pas d'effet significatif des aides au logement sur les loyers dans les années 1980, lorsque les dépenses d’aides au logement étaient plus faibles. En revanche, nous montrons qu’elles ont provoqué une augmentation des loyers dans les deux décennies suivant la réforme (de 1995 à 2016), avec un effet plus fort à court terme (de 1995 à 1999).
Entre 2000 et 2016, les allocations ont un effet positif global sur les loyers, même pour les locataires non aidés. L'impact parmi les non-allocataires est important, tout comme aux États-Unis (Susin, 2002). En France, étant donné que plus de 40 % des locataires du secteur privé sont subventionnés, un propriétaire peut fixer un loyer tenant compte de l'aide au logement, avant de savoir si le locataire en bénéficie ou non.
L’effet positif sur les loyers se maintient avec une ampleur constante lorsqu'on subdivise la période d'étude 2000-2016 en deux sous-périodes (2000-2008 et 2009-2016). Cet effet inflationniste s'accompagne d'une augmentation de la quantité des locations privées ; aucun effet sur la qualité n'est détecté (Tableau 1).