Vous participez ce jeudi à Castelnau-le-Lez aux rencontres économiques de la Quinzaine franco-allemande. Quels sujets comptez-vous développer ?
Je salue vraiment cette Quinzaine franco-allemande d’Occitanie, qui fait le lien entre les entreprises sur le terrain et l’enjeu européen, vital aujourd’hui. Le moteur franco-allemand doit être au cœur de la réponse au retournement américain. Et il se passe des choses très intéressantes en Allemagne depuis deux mois et les élections : il y a un réveil allemand sur la mobilisation de leurs réserves budgétaires, pour investir dans la défense et en infrastructures. C’est un changement extrêmement prometteur pour l’Europe.
Vous êtes aussi en région pour vous déplacer dans vos succursales ?
Absolument, je me suis engagé à aller dans toutes nos succursales, pour rendre hommage au travail de nos équipes au plus près de nos concitoyens et des PME. Nous avons au moins une succursale dans chaque département, 105 en tout, et durablement. La Banque de France a la tête en Europe, mais elle a les pieds sur le terrain, elle est ancrée dans l’économie réelle. Avant Montpellier, j’ai été à Mende et à Rodez.
Sur ce terrain de l’économie réelle, quelles spécificités relevez-vous en Occitanie ?
L’économie occitane n’échappe pas aux tendances nationales. Il y a évidemment une part du tourisme et de services un peu plus grande. Mais, globalement, face aux grandes incertitudes accrues depuis l’administration Trump, nous voyons une croissance ralentie à +0,7% cette année en France. C’est moins que prévu il y a quelques mois - à cause des menaces américaines, et celles-ci se renforcent encore - mais nous ne voyons pas de récession aujourd’hui. La Banque de France est là pour procurer aux entrepreneurs un maximum de repères, d’informations, et éclairer ce temps très incertain.
Nous apportons aussi une ancre de stabilité forte : la victoire contre l’inflation. Nous sommes en train de gagner cette bataille, puisqu’en Europe, l’inflation vient de descendre à 2,2%, très proche de notre objectif de 2% : ceci peut nous donner plus de confiance pour baisser encore nos taux d’intérêt prochainement. Les tarifs Trump ne devraient pas modifier significativement cette désinflation européenne. En France, l’inflation est même encore plus basse.
Vous affirmez que dans cette période « la France a des atouts » ?
Notre destin économique dépend avant tout de notre travail et est donc dans nos mains. Nous avons nos entreprises, et la force de notre épargne. Ceci dit, il ne s’agit pas de s’endormir sur ces atouts. Il faut que la réponse française et européenne soit à la hauteur de ce défi historique. Aujourd’hui la mobilisation française et européenne n’est pas encore suffisante face au retournement américain.
Dans quels domaines ?
Nous, Français, devons d’abord retrouver notre souveraineté budgétaire. Tant que nous avons de plus en plus de dette, nous restons trop dépendants de l’extérieur. Et tout ce qui va aux intérêts de la dette, c’est autant qui ne peut pas servir pour des priorités urgentes, pour soutenir l’éducation, l’innovation ou la lutte contre le changement climatique. L’autre grande mobilisation, c'est d’arriver à accélérer la croissance française et européenne : les réformes pour cela sont connues, il faut passer à l’action.
Vous avez déclaré que le réarmement ne devait pas autoriser « le retour du quoi qu’il en coûte ».
Je confirme. L’effort de défense est légitime mais ne peut être illimité. Il doit être mesuré au regard de nos besoins, et de nos capacités industrielles et humaines. Ce n’est bien sûr pas à moi d’en décider. La France a aujourd’hui déjà les dépenses publiques les plus élevées du monde; nous ne pouvons pas en plus continuer à les augmenter chaque année en volume, c’est à-dire après inflation. Il est donc impératif maintenant de stabiliser le total, avec un effort sur l’Etat - il a commencé - mais aussi sur les dépenses sociales et locales qui augmentent trop vite.