Document de travail

Valeur des fonds propres bancaires et offre de prêts

Mise en ligne le 15 Mai 2020

Document de travail n°767. Nous étudions comment le cours des actions des banques affecte l’offre de crédit. Nous utilisons des informations granulaires sur les bilans des banques de la zone euro associées à des données des marchés financiers. Nous traitons des problèmes d'endogénéité en instrumentant les cours des actions bancaires avec une mesure de la sensibilité de la valeur de marché de chaque banque à la valeur de marché des sociétés non financières. Nos résultats indiquent que, toutes choses égales par ailleurs, une hausse des cours des actions bancaires entraîne une augmentation des prêts aux entreprises et aux ménages et de la capitalisation bancaire. Nous interprétons ces résultats comme étant dus au fait que les directeurs de banque lisent les hausses du cours des actions de leur banque comme des réductions du coût des fonds propres de leur banque.

La faculté des banques à prêter aux ménages et aux entreprises dépend des conditions auxquelles elles empruntent. Le financement des banques se compose généralement de dépôts, d'obligations et d'actions. Les répercussions des chocs sur les dépôts et les obligations à l'offre de prêts est l'un des sujets les plus étudiés dans la littérature bancaire. À l'inverse, la manière dont les chocs sur les fonds propres se répercutent sur l'offre de prêts a jusqu’ici beaucoup moins retenu l'attention. Une des raisons en est que le coût des fonds propres - c'est-à-dire la rémunération requise par les investisseurs pour détenir les actions d'une entreprise - n'est pas directement observable. 

Dans ce document, nous approchons le coût des fonds propres de chaque banque en nous appuyant sur les techniques d'évaluation des actions. Elles impliquent que, tout en prenant en compte les fondamentaux d’une banque tels que les dividendes par action, le cours des actions d'une banque évolue à l’inverse du coût des fonds propres requis par les investisseurs de la banque. Cette relation permet d'évaluer l'effet du coût des fonds propres de la banque sur l'offre de prêts. Plus précisément, dans notre analyse, nous examinons l'impact du prix des actions des banques sur l'offre de prêts, tout en contrôlant les fondamentaux des banques par le biais de variables telles que les dividendes par action de chaque banque, le bénéfice par action, le prix des CDS, les ratios de bilan, ainsi que des effets fixes de pays et de banque.

Nous mettons en œuvre cette analyse sur un échantillon de 68 banques de 12 pays de la zone euro. La période sur laquelle nous nous concentrons va du deuxième trimestre 2010 au deuxième trimestre 2019. Les données que nous exploitons comprennent des informations granulaires sur les bilans des banques et proviennent de la BCE. Ces données sont fusionnées avec des données des marchés financiers relatives aux banques provenant de Datastream et de Bloomberg. 

Nous procédons d'abord à une analyse graphique. Nous mettons en relation le (log-)cours des actions des banques de l'échantillon avec la croissance des prêts aux entreprises des banques au cours de l'année suivante (au préalable, nous normalisons les deux variables de sorte à ce qu'elles soient comprises entre 0 et 1, pour chaque banque.).  Le nuage de point qui en résulte apparaît ci-dessous.  Il montre que le (log-)cours des actions des banques est associé positivement à la croissance des prêts, ce qui indique qu'un coût des capitaux propres plus faible est lié à une offre de prêts plus importante. 

Lorsque nous rapprochons la relation esquissée ci-dessus des données, nous confirmons une association positive du (log-)cours des actions des banques avec l'offre de prêts aux ménages et aux entreprises. Toutefois, il est possible que ces résultats soient dus à certains éléments non observables, qui affectent simultanément les cours des actions des banques et l'offre de prêts bancaires. Nous traitons ce problème d'endogénéité en utilisant une variable instrumentale.
Nous construisons un instrument spécifique en partant de l'idée que la valeur nette d'une banque, et donc son cours boursier, dépend du portefeuille d'investissements de la banque et de la façon dont celui-ci réagit aux conditions macroéconomiques. Nous mesurons tout d'abord la sensibilité des rendements quotidiens du cours des actions de chaque banque aux rendements quotidiens d'un indice représentant la valeur de marché des sociétés non financières de la zone euro, sur des fenêtres glissantes d'un an. Nous prédisons la trajectoire que le cours de l'action de chaque banque aurait dû suivre compte tenu de la réalisation de cet indice. Nous utilisons ensuite les rendements trimestriels déduits des ces trajectoires fictives prédites comme instrument pour les cours des actions des banques.

Grâce à cet instrument, nous estimons l'effet des cours des actions des banques sur l'offre de prêts. Les effets sont quantitativement importants, surtout si l'on considère qu'ils sont nets des changements des fondamentaux bancaires et des conditions macroéconomiques : chaque hausse de 10 % du cours des actions d'une banque correspond à une augmentation des prêts aux entreprises et aux ménages de 0,32 % du total des actifs de la banque. Pour une banque médiane, cela signifie une augmentation des prêts aux entreprises et aux ménages pour un montant égal à 260 millions d'euros. 

D'après notre lecture de ces résultats, les managers des banques interprètent une augmentation de la valeur boursière de leur banque comme une réduction du coût des capitaux propres demandés par les investisseurs de marché. Ils réagissent donc en prêtant davantage. Toutefois, si ce mécanisme étaye nos résultats, nous devrions également constater que, parallèlement à l'augmentation des prêts, les directeurs de banque exploitent les conditions assouplies de financement en fonds propres en augmentant leur stock de fonds propres. Nous testons cela avec notre stratégie d'identification. Nous trouvons une confirmation du mécanisme : les banques réagissent effectivement à une augmentation du cours de leurs actions en augmentant le niveau de leurs fonds propres.

Image The effect of bank stock prices on corporate loan supply

Mise à jour le 25 Juillet 2024