Rapport

Synthèse nationale des rapports d'activité des commissions de surendettement

Mise en ligne le 21 Mars 2024

Conformément aux dispositions de l’article R. 712‑12 du Code de la consommation, chaque commission de surendettement établit un rapport d’activité annuel portant sur le nombre de dossiers traités, les mesures prises, la typologie de l’endettement et les difficultés rencontrées, quelle qu’en soit la nature. Ces rapports sont transmis à la Banque de France, à laquelle il appartient d’en établir la synthèse et de la publier.

Le nombre de dossiers de surendettement déposés progresse de 8% par rapport à 2022, tout en restant inférieur de 15% à celui de 2019

 

Au cours de l’année 2023, 121 617 dossiers ont été déposés devant les commissions de surendettement. Globalement, le nombre de saisines a augmenté de 8 % par rapport à 2022, et plus particulièrement sur le second semestre. La tendance à la baisse constatée depuis huit ans s’est inversée cette année. Néanmoins, le niveau des dépôts de 2023 est inférieur de 15 % par rapport à celui de 2019 (période de pré‑pandémie) et de moitié par rapport à 2014.

Concernant les redépôts de dossiers, leur proportion est en baisse de 2 points (40,4 % en 2023, contre 43,2 % en 2022). La baisse du chômage et une procédure de traitement des dossiers rendue plus efficace expliquent en grande partie la baisse des redépôts.

S’agissant des modalités de dépôt des dossiers, ceux‑ci peuvent être remis au guichet d’une succursale ou d’un bureau d’accueil et d’information de la Banque de France, envoyés par courrier ou renseignés directement en ligne. En 2023, la part des dossiers déposés en ligne a progressé de 3 points sur un an et elle représente 17 % des dépôts. Les envois par courrier restent largement majoritaires, avec 69 % des dépôts, et pour une plus petite part (14 %) ils sont déposés au guichet de la Banque de France.

Les solutions consistent principalement en mesures imposées avec effacement partiel des dettes ou sans effacement

Le nombre de dossiers traités en 2023 (119 741) est en légère hausse par rapport à 2022 (118 199), en lien avec la hausse des dépôts de dossiers observée cette année.

La recherche de solutions pérennes demeure un objectif prioritaire pour les commissions de surendettement, afin de limiter autant que possible les redépôts de dossiers. La proportion de solutions pérennes (mesures de rétablissement personnel et mesures définitives de réaménagement de dettes) a légèrement diminué en 2023 (– 2,4 points), mais représente plus de 72 % des dossiers traités.

Parallèlement, la proportion de dossiers déclarés irrecevables a légèrement augmenté pour atteindre 6,9 %. La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante (dite loi API) du 14 février 2022 explique cette tendance, car certains débiteurs ont continué à saisir directement la commission de surendettement au lieu de déposer leur demande auprès du tribunal de commerce ou judiciaire, pour examen de recevabilité par le juge.

La part relative des dossiers orientés vers un rétablissement personnel diminue légèrement en 2023 (– 1,9 point par rapport à 2022) ; elle correspond à 39,8 % des dossiers orientés et témoigne toujours de la précarité des situations personnelles et sociales des déposants.

 

Image Synthèse nationale des rapports d'activité des commissions de surendettement - graphique 1
Principales données d'activité des commissions
Image Synthèse nationale des rapports d'activité des commissions de surendettement - graphique 2
Répartition des issues trouvées pour l'ensemble des dossiers traités

Des évolutions législatives qui visent un traitement plus large des difficultés financières

La loi API du 14 février 2022 permet désormais aux entrepreneurs individuels de voir leur situation financière personnelle soumise à la commission de surendettement des particuliers, sous réserve que l’endettement de l’entrepreneur ne concerne que son patrimoine personnel, ce qui est le cas de la quasi‑totalité des dossiers reçus, ou plus rarement en complément de la procédure collective ouverte par le juge pour le traitement de la situation professionnelle du débiteur. Dans tous les cas, il appartient au juge saisi par l’entrepreneur individuel d’examiner la demande, et s’il a été saisi d’une demande de traitement de la situation personnelle du déposant, de prononcer la recevabilité du dossier à la procédure de surendettement et de transmettre le dossier à la commission territorialement compétente pour suite du traitement.

Par ailleurs, la loi permet, depuis sa mise en application le 14 mai 2022, la prise en compte des dettes professionnelles dans l’appréciation de la recevabilité des dossiers de surendettement, ce qui permet d’élargir le bénéfice de la procédure à certaines catégories de déposants précédemment exclus du dispositif (gérants de SARL et conjoints collaborateurs endettés à titre professionnel).

Une procédure de surendettement plus accessible

Depuis fin 2020, la Banque de France a ouvert la possibilité de déposer un dossier de surendettement en ligne, pour les personnes déposant seules leur dossier (sans codéposant), dans un premier temps, ce qui représente plus de 75 % des situations.

La déclaration en ligne complète les solutions existantes de dépôt, que sont la remise aux guichets de la Banque de France (dans tous les départements) et l’envoi du dossier par courrier postal.

Cette possibilité propose l’accessibilité, la souplesse, la disponibilité et la simplicité offertes par internet. Elle est sécurisée par l’utilisation de l’identifiant FranceConnect du déposant.
Cette solution s’adapte aux contraintes de la personne : le dossier peut être saisi en plusieurs fois, à partir d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un smartphone, 24 heures sur 24. La personne dispose d’un délai maximal de six mois pour compléter, valider son dossier et joindre les justificatifs nécessaires.

Les déposants ont utilisé ce dispositif de façon progressive tout au long de l’année 2023. En cumul, les dossiers déposés en ligne ont représenté 17 % sur l’année 2023, soit une hausse de 3 points sur un an.

L'accompagnement social continue de se renforcer

La situation de fragilité des personnes en situation de surendettement nécessite un meilleur accompagnement à tous les stades de la procédure. Actuellement, 48,6 % des dossiers de surendettement sont suivis par un travailleur social. La situation est quasi stable d’une année sur l’autre, avec 48,9 % en 2022, sachant que l’accompagnement par un travailleur social n’est pas obligatoire mais nécessaire pour les personnes ayant besoin d’une aide à la constitution d’un dossier ou d’un accompagnement budgétaire.

Il existe actuellement 500 Points conseil budget (PCB) labellisés, assurant ainsi un maillage territorial important. Ces structures doivent permettre une détection précoce des personnes en difficulté financière et, dans un certain nombre de cas, d’éviter le dépôt d’un dossier de surendettement. Elles apportent des informations et conseils en matière de gestion du budget familial ou de droits dans le cadre d’une aide sociale.

Afin d’assurer au mieux leur mission, les PCB répondent à un cahier des charges qui stipule précisément les compétences qu’ils doivent acquérir. Au titre de ses missions de traitement du surendettement et en matière d’inclusion financière, la Banque de France participe aux comités de pilotage des PCB et son réseau renseigne et oriente vers ces acteurs le public potentiellement concerné.

Il est également nécessaire de renforcer l’information et l’accompagnement avant le dépôt et pendant la procédure, les commissions relatant des difficultés de compréhension par le déposant des différentes étapes de la procédure. En ce sens, une proposition de contact téléphonique a été faite en 2023 par la Banque auprès du déposant, lors de l’envoi du formulaire de dépôt, pour lui permettre d’obtenir des réponses aux questions qu’il pourrait se poser sur la procédure et de vérifier
la complétude de son dossier avant son envoi.

En 2022, la Banque de France a déployé des conseils départementaux d’inclusion financière (CDIF), dans chaque département. Chaque CDIF est placé sous la présidence du directeur départemental de la Banque de France. Y siègent des praticiens et des représentants des secteurs bancaires, associatifs et institutionnels.

Parmi leurs objectifs figurent ceux de mieux faire connaître les services de la Banque auprès des particuliers et des intervenants sociaux, d’échanger sur les problématiques locales en matière d’inclusion financière, ainsi que de favoriser la coopération au bénéfice des personnes en difficulté financière.

En 2023, 182 réunions des conseils départementaux d’inclusion financière (CDIF) se sont tenues.

Par ailleurs, dans chaque département, un correspondant d’inclusion financière (CORIF) de la Banque de France assure le secrétariat du CDIF et est l’interlocuteur des intervenants sociaux et des membres des CDIF pour toutes leurs questions en lien avec un dispositif d’inclusion financière.

De plus, pour faciliter l’accès aux informations, la Banque de France a mis en place un numéro d’appel unique en 2022, le 3414 (prix d’un appel local, non surtaxé). Il permet aux usagers de joindre facilement les services aux particuliers, du lundi au vendredi de 8 h à 18 h.

Ce numéro unique recouvre l’ensemble des services publics d’inclusion financière de la Banque de France et permet de répondre aux questions des usagers sur la procédure de traitement du surendettement et les dispositifs d’inclusion financière tels que le droit au compte, l’offre spécifique ou le plafonnement des frais d’incidents bancaires.

Il est complémentaire à la rubrique « À votre service » du site internet de la Banque de France, qui permet de trouver des informations sur la procédure de surendettement, les frais bancaires et le dispositif « clientèle fragile », les moyens de paiement, le microcrédit, des informations sur les intervenants sociaux, etc.

Les acteurs de la procédure sont fortement engagés dans l'éducation économique et financière des publics

La Banque de France assure, au travers de sa mission d’éducation économique, budgétaire et financière des publics, des sessions de formation sur le surendettement et l’inclusion bancaire, dans toutes les régions.

Les campagnes d’information et de formation en la matière se sont déroulées sur l’ensemble du territoire durant toute l’année 2023, tant sur place que par conférences en ligne (webinaires).

Les ressources pédagogiques mises à disposition des succursales de la Banque de France permettent d’informer au mieux les intervenants sociaux pour les aider dans leurs missions d’accompagnement des personnes en situation de fragilité financière et dans la lutte contre les situations de surendettement.

Au total, ce sont plus de 26 900 intervenants sociaux et assimilés issus d’organismes sociaux, centres départementaux d’action sociale, caisses d’allocations familiales, ou encore associations de consommateurs, de familles ou caritatives, qui ont été rencontrés en 2023 (soit une hausse de près de 14 %), pour les aider à mieux accompagner les personnes lors du dépôt d’un dossier et pendant la procédure.

Des échanges réguliers avec les magistrats restent indispensables

En 2023, la quasi‑totalité des commissions a rencontré au moins une fois les juges ou les greffiers des tribunaux judiciaires de leur territoire, avec la volonté de faire converger les pratiques pour apporter des solutions financières adaptées aux personnes surendettées. Ces rencontres, complétées de points informels réguliers, ont également permis une meilleure articulation
entre les acteurs. Une très grande majorité des commissions a également organisé des réunions spécifiques sur la mise en œuvre de la loi API (loi du 14 février 2022).

La loi API, qui a maintenant deux ans d’application, pose des difficultés, notamment parce qu’elle est appliquée de manière inégale sur le territoire. Les déposants ont des difficultés à faire valoir leurs droits auprès des tribunaux compétents (tribunaux de commerce ou tribunaux judiciaires). Par ailleurs, les entrepreneurs individuels et autoentrepreneurs qui n’ont plus d’activité professionnelle rencontrent fréquemment des difficultés pour se faire radier et pour obtenir un certificat de radiation auprès du registre du commerce et des sociétés (RCS) ou du registre des métiers. Les secrétariats rencontrent également des difficultés en raison des actualisations différentes selon les sites consultés (Annuaire des entreprises, Infogreffe, Data INPI, etc.).

Pour 2023, 292 dossiers ont été déclarés recevables par les tribunaux et transmis par les greffes aux commissions de surendettement pour traitement.

Des échanges et des ateliers de travail entre la Banque de France, la direction générale du Trésor et la Chancellerie, entamés fin 2022, ont abouti à la création d’un imprimé Cerfa spécifique aux entreprises, qui permet désormais aux entrepreneurs individuels ayant des difficultés financières (professionnelles et/ou personnelles) de déposer leur demande auprès du tribunal, facilitant ainsi le traitement de leur dossier.
Ce Cerfa est mis à disposition des entrepreneurs individuels sur le site d’Infogreffe ainsi que dans les greffes des tribunaux de commerce et tribunaux judiciaires. En pratique, il n’est pas donné aux entrepreneurs individuels qui contactent le tribunal avec des dettes personnelles afin d’obtenir une demande d’ouverture d’une procédure de surendettement. Cela ne permet donc pas à la commission d’avoir toutes les informations en même temps que le jugement de recevabilité de la demande de surendettement.

Par ailleurs, des difficultés sont remontées des commissions de surendettement pour le traitement de ces dossiers ; notamment, les dossiers mixtes – dettes personnelles ainsi que professionnelles – sont traités par le tribunal pour la partie professionnelle et par la commission de surendettement pour la partie personnelle, car les informations transmises par le tribunal sont très souvent insuffisantes. Aussi, très souvent la commission établit un moratoire, pour permettre au tribunal de traiter l’endettement professionnel.

Un autre problème rencontré provient de la facturation de frais à l’entrepreneur individuel par le tribunal de commerce lorsqu’il renvoie le dossier devant la commission de surendettement, alors que la procédure de surendettement est gratuite.

Ensuite, par méconnaissance de la loi, certains débiteurs continuent de saisir directement la commission, alors que la recevabilité doit être prononcée par le tribunal compétent et non par la commission de surendettement. De même, les anciens entrepreneurs individuels, ayant encore des dettes professionnelles liées à leur ancienne activité, ne peuvent pas saisir la commission directement mais doivent s’adresser au tribunal compétent (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire).

Sur l’ensemble de l’année 2023, le nombre de dossiers de surendettement dont l’irrecevabilité est imputable à l’inéligibilité des déposants représente plus de la moitié des dossiers irrecevables (51 %), contre 38 % en 2022.

Par ailleurs, depuis de nombreuses années, les dossiers comportant des biens immobiliers posent régulièrement des difficultés aux commissions, et plus particulièrement dans les deux cas suivants :

• Le premier tient à la nature même de la propriété, lorsqu’il s’agit de la prise en compte des situations avec un bien en indivision ou le démembrement d’un bien immobilier (usufruit, nue‑propriété) lié à une séparation, un divorce ou une succession ;

• Le second apparaît lorsque la conservation du bien est impossible et que la vente est demandée : la nature des biens, qui peuvent être de faible valeur en raison de leur état et/ou de leur localisation, ne permet pas toujours la vente amiable, et des redépôts de dossiers en découlent souvent. De même, lorsque la vente d’un bien en indivision est demandée par la commission de surendettement, et qu’il y a un refus d’un des indivisaires ou que celui‑ci est absent pour la signature d’un mandat, cela bloque la vente.

Également dans le cas des débiteurs divorcés/séparés présentant des dettes communes (immobilier, crédits), il est très fréquent que l’une des parties ignore son devoir de solidarité sur les crédits, et davantage encore lorsqu’un jugement de divorce a prononcé la répartition des charges et des dettes. De ce fait, certaines dettes ne sont pas déclarées par le déposant, ce qui entraîne également des redépôts par la suite.

De même, l’accompagnement social, bien que présent au dépôt du dossier dans de nombreuses situations, reste un élément d’amélioration lors de la mise en œuvre des mesures, y compris lorsque cela est préconisé par la commission, car son absence expose à des difficultés dans leur application (incompréhension du plan ou des mesures, problème de mise en place des remboursements) et de ce fait entraîne des redépôts de dossiers. Cette amélioration est rendue difficile dans certaines zones géographiques compte tenu du nombre de travailleurs sociaux disponibles.

Dans ce cadre, en 2024, les secrétariats des commissions de surendettement se sont fixé pour objectif d’appeler 80 % des personnes ayant obtenu un plan ou des mesures avec un échéancier de remboursement, afin de leur expliquer la mise en œuvre des mesures.

Des difficultés de traitement de certaines créances sont signalées dans le cas où leur recouvrement a été confié à un cabinet spécialisé ou à un huissier, notamment le non‑respect de la suspension des poursuites durant la phase d’instruction du dossier, ou lorsque les créances ont été cédées. Il est ainsi parfois difficile d’identifier le propriétaire de la créance. Ensuite, les débiteurs éprouvent des difficultés à mettre en place leur plan ou leurs mesures lorsque des dettes ont été cédées par certains créanciers à un organisme ou à une société spécialisée dans le rachat de créances qui n’a pas été informée de l’existence du dossier de surendettement.

Des difficultés sont remontées régulièrement au secrétariat des commissions par des débiteurs :

• Qui doivent restituer le véhicule pour lequel ils ont souscrit un contrat de location avec option d’achat (LOA), alors que ledit véhicule leur est nécessaire pour exercer leur activité professionnelle. Lorsque la capacité de remboursement est positive, suffisante pour payer le loyer de LOA, mais ne permet pas de régler l’ensemble des dettes, la commission peut, sur examen du dossier, demander le maintien du véhicule et effacer partiellement ou totalement les autres dettes. Par contre, lorsque la capacité de remboursement est positive, mais insuffisante pour payer le loyer de la LOA, la commission propose au débiteur l’option d’un microcrédit pour l’achat d’un véhicule d’occasion, lui permettant ainsi de conserver son emploi. Par ailleurs, en cas de demande de restitution du véhicule ou d’un autre bien en LOA ou en location longue durée (LDD), des frais prévus au contrat viennent alourdir les sommes restant dues par le débiteur ;

• Qui n’arrivent pas à faire respecter par leurs créanciers les mesures d’effacement total ou partiel de dette validées par la commission ou le juge. C’est aussi ponctuellement le cas des créanciers non déclarés par les débiteurs dans le cadre des procédures de rétablissement personnel ;

• Qui sont concernés par l’illectronisme et ont des difficultés à récupérer leurs demandes de justificatifs ou de droits (aide personnalisée au logement [APL] par exemple), car la plupart des demandes se réalisent désormais uniquement en ligne ;

• Qui doivent déménager à la demande de la commission lorsque le loyer est trop élevé. La difficulté est observée dans différents départements français où soit le secteur locatif est en tension dans certaines communes, soit le logement social inexistant.

Par ailleurs, certains banquiers teneurs de compte, lorsqu’ils sont informés du dépôt d’un dossier, ne proposent pas systématiquement l’offre « clientèle fragile » aux personnes surendettées, alors qu’il s’agit d’une obligation légale.

La mise en œuvre des procédures de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire s’avère toujours difficile. En dépit du recrutement de mandataires judiciaires sur quelques places, les procédures restent ouvertes très longtemps, les plus anciennes datant de 2007‑2008.

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