Bloc-notes Éco

Reprise du marché immobilier et conditions de crédits

Mise en ligne le 13 Décembre 2016
Auteurs : Simon Ray

Billet n°1. En France, une embellie éclaire le marché immobilier. Elle est soutenue notamment par des conditions de crédits très favorables accroissant la capacité d’emprunt des ménages. Cette capacité a crû de près de 20% depuis 2014, essentiellement grâce à la baisse des taux d’intérêt, puis l’accroissement de la durée d’emprunt, facilités par une politique monétaire exceptionnellement accommodante. C’est ce qu’illustre un indicateur synthétique présenté ici pour mieux la mesurer.

Image Calculatrice

Le nombre de mises en chantier de logements a crû significativement depuis fin 2014 (+11%), essentiellement depuis 1 an (voir la courbe bleue sur le graphique 1). Parallèlement, les prix sur le marché des logements anciens progressent de près de 1% sur un an après plus de 10 trimestres consécutifs de baisse modérée (courbe rouge pointillée).

Image Une reprise des mises en chantier
Graphique 1 : Une reprise des mises en chantier (glissement annuel en %)
Sources : Insee-Notaires ; Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer.

Un lien fort avec l’amélioration des conditions de crédits

La dynamique de l’activité immobilière (acquisitions dans le neuf et dans l’ancien, plus les gros travaux) est étroitement liée à la capacité des ménages à financer leurs investissements (Avouyi et al., 2014). L’emprunt bancaire est une ressource essentielle pour le financement d’une large majorité de projets immobiliers. Ainsi, selon le Ministère de l’Environnement, le flux de nouveaux crédits immobiliers versés aux ménages représentait 47% du financement de l’activité immobilière en 2014. Son importance est notamment déterminante pour les primo-accédants qui ne disposent pas de capital à réinvestir. En accroissant la demande sur un marché où l’offre est contrainte par la disponibilité du foncier, des conditions de crédits favorables exercent donc une pression haussière sur les prix de l’immobilier. L’existence d’un lien de cause à effet entre l’offre de crédit et le niveau des prix de l’immobilier a été mise en évidence dans plusieurs études récentes (Favara et Imbs, 2015 ; Labonne et Welter-Nicol, 2016).

Un indicateur de la capacité d’emprunt des ménages

Le système français se caractérise par un recours fréquent au cautionnement par un établissement de crédit (un tiers des encours en 2015) ou par un organisme d’assurance (plus d’un cinquième), ce qui le différencie des pays anglo-saxons où l’hypothèque prédomine. En France, le montant et la décision d’octroi du crédit immobilier se fondent donc moins sur la valeur du bien immobilier acquis et les perspectives d’évolution des prix locaux. En revanche, prime la capacité de remboursement des ménages, évaluée à l’aune de leurs revenus au moment de l’octroi du crédit. Cette primauté est un facteur de stabilité financière mais restreint l’accès au crédit aux ménages dont les revenus futurs sont aisément prévisibles.

La capacité d’emprunt des ménages correspond au montant maximal qu’un ménage peut emprunter pour acquérir un logement aux conditions de crédits en vigueur sur le marché. Du fait du système français, la capacité d’emprunt résulte principalement de la combinaison de quatre facteurs : le niveau de revenu au moment de l’octroi, la part maximale de ce revenu qui peut être consacrée au remboursement du capital et des intérêts d’emprunt, le taux d’intérêt et la durée initiale du crédit. Nous construisons un indicateur agrégé de la capacité d’emprunt en considérant les conditions de l’emprunt moyen observées sur le marché du crédit. Cet indicateur reflète l’évolution de la somme - actualisée au taux de marché - des capacités de remboursement mensuelles maximales, sur l’horizon de durée moyenne d’un crédit. Cet indicateur se distingue de celui de la capacité d’achat qui tient compte de l’évolution de l’indice des prix de l’immobilier.

Il est raisonnable de faire l’hypothèse que la part maximale du revenu qu’un ménage est en mesure de consacrer au remboursement de l’emprunt est une composante structurelle, invariante dans le temps. Si elle peut théoriquement influer sur la prime de risque et donc sur les taux moyens observés, elle n’a pas affecté les résultats concernant la dynamique de la capacité d’emprunt sur la période observée. La pratique usuelle des banques françaises est de l’établir au tiers du revenu courant, sous réserve d’un "reste à vivre" suffisant (revenu restant après paiement de l’échéance, fixé en fonction de la taille du ménage). La variation de la capacité d’emprunt dépend donc des dynamiques jointes des revenus et des conditions de crédits.

Une capacité d’emprunt en hausse de près de 20% depuis 2014

Le graphique 2 présente l’évolution de notre indicateur de la capacité d’emprunt des ménages ainsi que les contributions des conditions de crédits (taux plus durée d’emprunt) et du revenu disponible brut par ménage à la variation de cet indicateur. On y observe une hausse de près de 20% de la capacité d’emprunt des ménages depuis début 2014 (et de presque 7% sur 1 an), due à l’amélioration des conditions de crédits (surface hachurée) tandis que le revenu disponible brut des ménages varie peu (surface bleutée).

Image Un indicateur de la capacité d’emprunt des ménages en forte hausse
Graphique 2 : Un indicateur de la capacité d’emprunt des ménages en forte hausse
Sources : Banque de France ; INSEE et calculs de l’auteur.

Malgré une conjoncture défavorable, cette hausse a contribué à la relative stabilité de l’indice des prix immobiliers depuis 2012. Les signes de reprise observés sur le marché immobilier depuis un an, à la fois la hausse du nombre de mises en chantier de logements et la dynamique des prix de l’ancien, sont à mettre en relation avec cette inflexion de la capacité d’emprunt des ménages.

Baisse des taux et allongement de la durée d’emprunt : les deux moteurs de cette hausse

Deux moteurs ont conduit à cet accroissement significatif de la capacité d’emprunt sur la période récente. D’une part, la baisse des taux d’intérêt : les taux fixes des nouveaux crédits à l'habitat étaient en moyenne de près de 2% au deuxième trimestre (T2) 2016 contre près de 2,35% un an avant et 3,2% au T1 2014 (courbe bleue dans le graphique 3). D’autre part, la hausse significative de la durée moyenne à l’octroi : 230 mois au T2 2016 contre 220 mois au T1 2014 (courbe rouge pointillée).

Image Chute des taux d’intérêt et hausse de la durée d’emprunt
Graphique 3 : Chute des taux d’intérêt et hausse de la durée d’emprunt
Sources : Banque de France.

Cette hausse de la capacité d’emprunt se poursuivra-t-elle ? Le niveau historiquement bas des taux et l’allongement déjà significatif de la durée d’emprunt ont d’ores et déjà produit leurs effets, subsiste l’évolution des revenus  qui pourrait prendre le relais.