Implications théoriques pour les flux de capitaux
Comment ces différences affectent-elles le solde courant de ces économies ouvertes ? En l’absence de frictions limitant les flux de capitaux, il n’existerait qu’un seul taux d’intérêt mondial, qui garantirait l’égalité entre richesse des ménages et capital dans l’économie agrégée mondiale. Mais cela n’implique pas nécessairement l’égalité entre richesse et capital domestiques. Des flux de capitaux ont lieu si la richesse d’un pays diffère de son stock de capital. En d’autres termes, le taux d’intérêt mondial détermine le coût de financement pour les entreprises et donc leur demande de capital ; ce capital est d’origine domestique ou étrangère selon le vieillissement des ménages domestiques par rapport à l’ensemble des ménages.
Concrètement, prenons un pays comme les États-Unis, qui vieillit moins vite que la moyenne. Le vieillissement suscite moins de tensions à la hausse sur l’épargne domestique américaine, le taux d’intérêt réel mondial est donc inférieur à celui qui serait enregistré si les États-Unis étaient une économie fermée, toutes choses égales par ailleurs. Par conséquent, au taux d’intérêt mondial, la richesse des ménages américains est inférieure au niveau de capital désiré par les entreprises américaines. Cette situation se traduit par des entrées de capitaux aux États-Unis, avec des flux provenant des ménages étrangers vers les entreprises américaines, et donc par une PEN négative pour les États-Unis. À l’inverse, pour un pays vieillissant plus vite que la moyenne, comme le Japon ou l’Allemagne, cela se traduirait par des sorties de capitaux et donc par une PEN positive.
Des asymétries de vieillissement de la population à la PEN
Afin de quantifier cet effet, nous développons dans notre document de travail un modèle multi-pays à générations imbriquées utilisé séparément pour chaque pays. Tous les pays sont considérés comme symétriques, hormis concernant l’évolution des différences dans la structure par âge de leur population. Les entreprises et les ménages de chaque pays considèrent le taux d’intérêt mondial comme donné pour déterminer le montant de capital à utiliser ou à épargner, respectivement. Pour chaque économie avancée, on obtient ainsi une PEN issue du modèle et déterminée uniquement par les différences démographiques.
La comparaison du ratio PEN/PIB observé en 2015 avec celui prévu par le modèle donne une idée générale de l’importance de la démographie pour la position extérieure. La variation des PEN issues du modèle dans les économies avancées rend compte d’environ 20 % de la variation observée dans les données (Graphique 3). Les différences démographiques jouent donc un rôle significatif dans la détermination des PEN, mais il existe bien sûr d’autres facteurs importants. À l’évidence, le modèle ne permet pas d’appréhender les importants passifs qui résultaient en 2015 de facteurs conjoncturels et budgétaires (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne), ni les importants actifs de la Norvège, liés à sa position d’exportateur de pétrole. La droite de régression, légèrement moins pentue que la ligne à 45 degrés, indique que le modèle implique des PEN plus élevées que celles des données; il existe donc bien, en réalité, des frictions des flux de capitaux, dont le modèle ne rend pas compte.