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Mesurer les voyages internationaux en temps de Covid-19
Billet n°184. La pandémie de Covid-19 a fortement ébranlé le tourisme international. Avec l’arrêt des enquêtes auprès des voyageurs étrangers, la Banque de France a mobilisé des sources innovantes, telles que les données de cartes de paiement, afin d’estimer l’ampleur du choc. Après une chute massive des recettes depuis mars, les deux mois d’été sont marqués par un retour des visiteurs européens.
La mesure des voyages internationaux a dû s’adapter à la pandémie de Covid-19
La Covid-19 et les mesures de protection sanitaires associées ont bouleversé les voyages internationaux. Dans ce contexte, les gouvernements, les professionnels du tourisme comme le grand public attendent particulièrement de la statistique publique qu’elle les éclaire sur les conséquences immédiates de la crise pour le secteur – les recettes du tourisme international (exportations de voyages) représentant 22% des exportations de services de la France en 2019 – comme des premiers éléments de la reprise. Or les modes de production statistique habituels ont été mis à l’épreuve du confinement, en particulier par l’arrêt des enquêtes au contact des voyageurs internationaux.
Les statistiques de voyages de la Banque de France
L’évaluation des recettes et dépenses de voyages pour la France revient à la Banque de France au titre de sa mission d’élaboration de la balance des paiements. Les "recettes" (ou exportations) de voyages recouvrent les biens et services que les visiteurs étrangers acquièrent sur le territoire français, y compris à l’occasion de déplacements à la journée (frontaliers, voyageurs en transit…). Inversement, les "dépenses" (ou importations) de voyages recouvrent les achats des résidents français lors de leurs séjours à l’étranger.
La production statistique des recettes de voyages repose principalement sur l’Enquête auprès des Visiteurs Étrangers (EVE). Réalisée aux points de sortie du territoire – aéroports, ports, gares ferroviaires et routières, aires d’autoroute –, elle interroge par sondage des visiteurs non-résidents sur les caractéristiques de leur séjour en France (dépenses effectuées, durée du séjour, modes d’hébergement…). Combinée aux informations sur les flux sortants du territoire français (flux de passagers aériens, maritimes, ferroviaires ou routiers), l’enquête EVE permet d’établir les statistiques de voyages pour la France conformément à la méthodologie internationale (FMI) et selon les standards européens (Eurostat et BCE).
La production statistique en temps de Covid-19
Si le confinement a mis à l’arrêt l’interrogation directe des visiteurs étrangers, les mesures sanitaires mises en place à son issue empêchent un retour aux conditions normales d’enquête. La Banque de France a ainsi mobilisé des sources de données innovantes pour continuer à assurer sa production : cartes de paiement, téléphonie mobile…
Habituellement utilisées comme sources auxiliaires ou pour des estimations avancées, les données de cartes de paiement sont collectées auprès des établissements bancaires. Cette collecte fournit mensuellement les montants des transactions des cartes françaises à l’étranger et des cartes étrangères en France, ceux-ci étant intégralement ventilés suivant le pays d’origine de la carte. Si les montants collectés ne correspondent pas exactement aux recettes de tourisme (utilisation par des résidents français de cartes étrangères, dépenses réglées en espèces retirées dans le pays d’origine…) et ne fournissent pas la répartition des recettes par nature (logement, restauration…), elles permettent en revanche d’estimer les évolutions pays par pays. Les écarts entre les estimations issues des cartes et les résultats consolidés issus de l’enquête EVE sont ainsi d’ampleur limitée, en moyenne de 2% sur les dernières années. Les données de cartes ont à ce titre été largement utilisées depuis la crise pour estimer les dépenses des visiteurs non-résidents en France selon le pays de provenance.
Les données de téléphonie mobile, traitées dans le cadre d’un partenariat avec un opérateur national, permettent d’établir un nombre de nuitées passées en France. Le pays de provenance est identifié via la nationalité des cartes SIM repérées, avec des difficultés similaires à celles des cartes de paiement (résidents ayant des cartes SIM d’une autre nationalité par exemple). Disponibles rapidement après la fin du mois, ces données constituent ainsi un outil précieux pour le suivi conjoncturel de la fréquentation touristique internationale.
Enfin, des contacts réguliers entre banques centrales et instituts statistiques nationaux de l’UE, très renforcés depuis le début du confinement, ont permis un échange de bonnes pratiques et de données afin de confirmer les "flux miroir" de visiteurs internationaux. Les recettes issues de visiteurs allemands en France mesurées par la Banque de France, par exemple, doivent correspondre aux dépenses des résidents allemands en France mesurées par la Bundesbank.
Sources principales | Sources auxiliaires | |
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Période normale |
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Confinement et Covid-19 |
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Après le choc initial, les recettes de voyages amorcent une reprise grâce à la clientèle européenne
Les sources innovantes mobilisées – paiements par cartes, téléphonie mobile et flux miroir – permettent de tirer un premier bilan du tourisme international en France en 2020.
Si aux mois de janvier et février, la hausse des recettes en provenance des pays voisins de la France a permis de compenser les pertes dues à une moindre clientèle chinoise, la crise a eu des effets manifestes à partir de mars avec des recettes divisées par deux par rapport à 2019. En avril, les recettes de voyages ont connu une chute sans précédent, de l’ordre de 83% par rapport à avril 2019. Quelques recettes résiduelles de non-résidents encore présents sur le territoire français subsistent ainsi (étudiants internationaux, travailleurs détachés, patients recevant des soins médicaux, détenteurs de résidence secondaire, voyageurs d’affaires…). La sortie du confinement en mai puis la réouverture des frontières en Europe se traduisent par des premiers signes d’une reprise des voyages internationaux.
Au total, de janvier à août 2020, les recettes de voyages cumulées ressortent ainsi à 21,4 milliards d’euros (cf. graphique 2), en baisse de 47% par rapport à la même période en 2019.
Bilan de la saison estivale française
La reprise entrevue depuis le mois de mai est essentiellement portée par les visiteurs européens (Royaume-Uni, Suisse, Allemagne, Benelux, Espagne, Italie, Portugal), de façon d’abord limitée en mai-juin, puis plus marquée au cours de la période estivale en juillet-août. Les clientèles lointaines restent au contraire rares sur le territoire depuis le début de la crise, notamment celles issues des principaux marchés extra-européens (États-Unis, Chine, Japon).
Les recettes de voyages en juillet-août 2020 sont estimées à 9,1 milliards d’euros, en retrait de 38% par rapport à la même période en 2019. Pour les pays limitrophes européens, la baisse affichée est moindre et ressort à -22%. En outre, alors qu’en juillet-août 2019, les visiteurs des pays proches de la France comptaient pour 69% des recettes totales sur cette période, ils en représentent 86% en 2020. Pour certaines provenances, les recettes de l’été 2020 approchent même celles de l’été 2019 (cf. carte) : les visiteurs du Benelux ont ainsi dépensé 2,6 milliards d’euros sur le territoire en juillet-août, soit 9% de moins qu’en 2019. Cette dépense estivale atteint 1,4 milliard d’euros pour les visiteurs britanniques, en baisse de 29%, suivis de près par les visiteurs allemands à 1,3 milliard d’euros, en baisse de 21%, et suisses à 1,1 milliard d’euros en retrait de seulement 6% par rapport à l’été précédent. Inversement, les recettes en provenance de pays plus lointains, notamment de Chine ou des États-Unis restent en retrait de 80% à 90% sur chacun des mois d’avril à août 2020, et passent de 10% des recettes totales en juillet-août 2019 à 3% en 2020.
Note : seuls les pays dont la part excède 0,1% des recettes totales de juillet-août 2019 sont représentés ; en bleu, ceux dont l’évolution est plus favorable que la perte moyenne pour la France (-38%) et en rouge, ceux dont l’évolution l’est moins.
Mise à jour le 25 Juillet 2024