Document de travail

L’impact de la crise sanitaire sur la situation financière des entreprises en 2020 : une analyse sur données individuelles

Mise en ligne le 20 Juillet 2021
Auteurs : Benjamin Bureau, Anne Duquerroy, Julien Giorgi, Mathias Lé, Suzanne Scott, Frédéric Vinas

Document de travail n°824. Nous mobilisons un modèle de micro-simulation s’appuyant sur un jeu de données individuelles particulièrement riche pour évaluer l’impact de la crise sanitaire sur la situation financière de plus de 645 000 entreprises françaises en 2020. Nous montrons que la quasi-stabilité de la dette nette au niveau macroéconomique masque de fortes disparités au niveau individuel. L’hétérogénéité est marquée entre secteurs (avant et après dispositifs de soutien public) mais également au sein de chaque secteur. L’occurrence et l’intensité des chocs négatifs de trésorerie à fin 2020 sont par ailleurs corrélées à la qualité de crédit de l’entreprise (cotation Banque de France) avant crise. Nos simulations montrent également que les mesures de soutien réduisent la dispersion des chocs de trésorerie et ramènent à une distribution à peu près identique à celle d’une année normale, sauf aux deux extrémités de la distribution.

Image L’impact de la crise sanitaire sur la situation financière des entreprises en 2020

Cette étude mobilise un modèle de micro-simulation pour évaluer, entreprise par entreprise, l’impact de la crise sanitaire sur la situation financière de plus de 645.000 sociétés non financières (SNF) en France en 2020. L’objectif de l’étude est d’aller au-delà du diagnostic macro-économique agrégé et d’analyser la dispersion de cet impact entre entreprises, en mettant notamment l’accent sur les effets des mesures de soutien gouvernementales. Nous mobilisons pour cela un jeu de données individuelles particulièrement riche (déclarations mensuelles de TVA 2020, recours à l’activité partielle en 2020, comptes des entreprises en 2018, cotation Banque de France à la veille de la crise, etc.).

L’indicateur principal utilisé dans l’analyse est le choc de trésorerie (avant ou après mesures de soutien). Il correspond au flux de liquidités généré par l'exploitation, après prise en compte des investissements, des dividendes et après paiement des charges d’intérêts, mais avant toute augmentation de l’endettement. À fonds propres constants et hors cession d’actifs, ce choc de trésorerie "avant financement" correspond donc à une variation de la dette financière nette.
L’étude montre que la quasi-stabilité de la dette nette enregistrée au niveau agrégé (+0,8 % en 2020 par rapport à 2019 selon les statistiques monétaires et financières de la Banque de France) recouvre de fortes disparités au niveau individuel. Dans nos simulations, les entreprises subissant un choc négatif de trésorerie voient leur dette nette augmenter au total d’environ 200 Md€, alors que celles avec un choc positif voient leur dette nette totale diminuer à peu près du même montant.

L’hétérogénéité des chocs de trésorerie est particulièrement marquée entre secteurs (avant et après mesures de soutien public) mais également au sein de chaque secteur. Par exemple, même au sein de l’Hébergement-restauration, qui est le secteur le plus affecté par la crise, près de 20 % des SNF enregistrent un choc positif de trésorerie en 2020 après soutien. L’occurrence et l’intensité des chocs de trésorerie négatifs à fin 2020 sont par ailleurs corrélées au risque de crédit de l’entreprise avant crise (mesuré par la cotation Banque de France) : les moins bonnes cotes subissent non seulement plus de chocs de trésorerie négatifs, mais également davantage de chocs de "forte" ampleur (supérieurs à 1 mois de chiffre d’affaires). La taille de l’entreprise apparaît en revanche être un déterminant secondaire de l’occurrence d’un choc de trésorerie négatif. 

Nos simulations montrent enfin que les mesures de soutien gouvernementales réduisent la dispersion des chocs de trésorerie et ramènent à une distribution à peu près identique à celle d’une année "normale" (2018), sauf aux deux extrémités de la distribution (cf. graphique ci-dessous). Ainsi, tandis qu’en 2018 on enregistre 13 % d’entreprises avec une "forte" augmentation de leur dette nette (supérieure à 1 mois de chiffre d’affaires), ce chiffre grimpe à 21 % en 2020. À l’opposé, alors que seulement 10 % des entreprises voient leur dette nette se réduire de façon relativement "forte" en 2018, près d’une entreprise sur quatre se trouve dans cette situation à fin 2020. La déformation des extrémités de la distribution est encore plus marquée si l’on se concentre sur les entreprises les plus fragiles à la veille de la crise.