À quel horizon les tensions sur le marché du travail pourraient-elles se traduire par davantage de hausses de salaires puis des prix ?
Des marges de manœuvre peuvent être mobilisées afin de répondre à ces tensions. Il s’agit en particulier de l’augmentation du taux d’utilisation des capacités de production et de la baisse du chômage partiel ou du temps partiel subi, qui permettrait d’augmenter les heures travaillées. L’enquête emploi estimait ainsi le sous-emploi (temps partiel subi ou chômage partiel) à 6,0% de l’emploi au 1er trimestre 2018, niveau supérieur à celui enregistré au premier trimestre de 2008 (5,4%), alors que le taux de chômage était à son plus bas du cycle précédent (7,3%).
Il faut noter que les tensions sur le marché du travail ne sont pas les seuls déterminants des salaires. D’autres facteurs pourraient en effet les retarder. Ainsi, en période de reprise, des salariés moins qualifiés réintègrent la masse salariale, pesant ainsi sur le salaire moyen (Verdugo, 2013). En outre, les rigidités nominales à la baisse sur les salaires en période de ralentissement conduisent à une accélération des salaires plus lente en période de reprise car les entreprises anticipent la difficulté de baisses de salaire futures (Marotzke et al., 2017).
Certaines tensions sur le marché du travail pourraient également être atténuées à court - moyen terme par le recours à la formation professionnelle afin de faire évoluer les compétences vers les emplois vacants, ce qui ferait baisser le chômage structurel. Parmi les 10 métiers pour lesquels des recrutements difficiles sont anticipés en 2018 selon l’enquête Besoin en main d’œuvre, on relève un métier à formation longue (dentiste), un métier de niveau Bac+2 (dessinateurs en électricité et en électronique), mais aussi des métiers pour lesquels la durée de formation est de moins d’un an selon l’AFPA (aides à domicile et aides ménagères, tuyauteurs, couvreurs, carrossiers automobiles…). La réforme de la formation professionnelle et les 15 milliards d’euros prévus dans le grand plan d’investissement visant à édifier "une société de compétence", notamment par le financement de formations longues et qualifiantes, pourraient accélérer ce processus. La baisse du chômage structurel pourrait être également obtenue à plus court terme par le renforcement des incitations à la recherche d’emploi dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage ou encore par des réformes facilitant la mobilité géographique.
Une partie des tensions observées aujourd’hui pourrait ainsi disparaître à court ou moyen terme, mais une partie reflète bien l’effet de la reprise sur le marché du travail. Selon les prévisions de la Banque de France, les salaires nominaux par tête accéléreraient ainsi progressivement, de 1,1% en 2016 à un peu plus de 2% en 2018 et près de 2,5% à l’horizon 2019-2020 pour l’ensemble de l’économie.