Document de travail

La transmission des chocs d'offre dans différents régimes d'inflation

Mise en ligne le 12 Janvier 2024
Auteurs : Sarah Arndt , Zeno Ende

Document de travail n°938. Nous montrons que l'impact des chocs d'offre et de politique monétaire sur les prix à la consommation dépend de l'état de l'économie nationale. Tout d'abord, nous lais-sons les données déterminer deux régimes d'inflation,  qui se distinguent en termes de volatilité de l'inflation. Nous identifions ensuite les chocs d'offre en amont à l'aide de variables instrumentales basées sur des données aberrantes dans la série des prix à la production. Ces chocs ont un effet plus importants et plus persistants sur les prix en aval pendant les périodes de forte volatilité de l'inflation (état 2) que pendant les phases de croissance plus stable des prix à la consommation (état 1). De même, les chocs de politique monétaire sont plus efficaces dans l'état 2. La différenciation des régimes en fonction du niveau d'inflation ou de l'ampleur du choc ne révèle pas de dépendance à l'égard des états. Les données disponibles plaident en faveur d'un mo-dèle dans lequel les producteurs investissent dans la flexibilité des prix ou sont sou-mis à des coûts d'observation. Ce modèle prédit qu'un ciblage plus strict de l'inflation réduit la flexibilité des prix et, par conséquent, la répercussion de tous les chocs sur l'inflation, au-delà du canal standard qui affecte la demande. 

Image Document de travail 938
Figure : Regime-dependent effect of supply shocks to Crude PPI on CPI and IP

Cet article contribue à l’analyse du processus d’inflation et de la façon dont les prix à la consommation réagissent aux chocs d’offre. En période de hausse de l'inflation notamment, les décideurs ont soupçonné le processus inflationniste de ne pas être stable dans le temps mais de dépendre du niveau ou de la volatilité de l'inflation elle - même. Ce changement de dynamique aurait des implications particulièrement importantes pour les banques centrales au moment où elles s’efforcent de contenir les tensions sur les prix générées par les chocs d’offre pour au moins deux raisons. Premièrement, les projections relatives à l’inflation dépendent de quantifications concernant la vitesse et la mesure dans laquelle les variations des prix à la production se transmettent aux prix à la consommation, qui sont souvent fondés sur des relations supposées stables. Deuxièmement, le calendrier optimal des modifications de taux d'intérêt destinées à atteindre l'objectif de stabilité des prix repose sur des estimations de retards dans la transmission de la politique monétaire.

Nous reprenons cette question de manière empirique en analysant si et quand la dynamique de l’inflation évolue. En utilisant des données américaines, nous découvrons deux régimes d’inflation sans les restreindre à dépendre d’une variable exogène, telle qu’un seuil d’inflation, mais laissons le processus d’inflation déterminer lui-même les régimes. Il s’avère que la volatilité de l’inflation (variations rapides des taux d’inflation) joue un rôle plus important que son niveau dans la détermination des régimes. Au-delà d’un seuil de variation de l’inflation mensuelle annualisée de 5,2 pp (comme observé en avril, mai et juillet 2022), l’économie devrait être dans un régime de forte volatilité.

Dans un deuxième temps, nous estimons les effets de causalité d’un choc sur les prix à la production, fournis par l’indice des prix à la production (PPI) du Bureau of Labor Statistic qui distingue entre les différentes étapes de la production, sur la croissance des prix en aval. Nous identifions les chocs d’offre avec des mouvements de la série des indices des prix à la production des « matières premières » qui a) dépassent les fluctuations normales et b) influencent les prix et la production industrielle au même stade de production dans des directions différentes. Nous estimons ensuite de façon dynamique la manière dont ces chocs à différents stades affectent les indices des prix à la production des biens intermédiaires et des produits finis ainsi que les prix à la consommation.
Nos résultats montrent qu’en période de forte volatilité de l’inflation, les prix en aval, y compris l’indice des prix à la consommation (IPC), réagissent beaucoup plus fortement aux chocs d’offre au cours du premier mois et plusieurs mois suivants. Dans ce régime, les prix sont bien plus flexibles et, par conséquent, réagissent plus rapidement aux chocs et se caractérisent par une transmission cumulée plus élevée. Nous validons nos résultats en estimant les réponses de l’inflation aux chocs sur l’offre de pétrole. Là encore, l'IPC présente une réaction plus rapide et plus prononcée en situation de forte volatilité. En outre, nous étudions les effets des chocs de politique monétaire dans les deux régimes d’inflation. Dans le régime à forte volatilité, l’IPC réagit plus rapidement à de tels chocs, en particulier à court terme. En revanche, nous constatons à peine un effet sur l’inflation mensuelle mesurée par l’IPC dans le régime de faible volatilité. Nous en déduisons que, compte tenu de la transmission plus directe des variations de coûts aux prix à la consommation et de l’efficacité accrue de la politique monétaire en période de forte volatilité, l’économie est susceptible de revenir au régime de faible volatilité si les banques centrales surveillent étroitement les prix à la production et réagissent de manière décisive et rapide en période de volatilité croissante.

Pour souligner le rôle critique de la volatilité de l’inflation dans la détermination des régimes, nous examinons si des dépendances à la situation économique similaires apparaissent lorsqu’on s’écarte de la détermination endogène des régimes. En particulier, nous évaluons l’impact des régimes de conditionnement exogènes sur d’autres variables potentiellement influentes, telles que le niveau de hausse de l’IPC, la volatilité de l’indice PPI de matières premières ou l’ampleur des chocs. Aucune de ces séparations ne crée de dépendance à la situation économique vis-à-vis de la répercussion des chocs sur les prix à la production qui se rapproche de celle générée par la volatilité de l’inflation.

S’agissant de la théorie économique, nos résultats plaident en faveur de modèles dans lesquels les prix réagissent plus rapidement aux chocs face à une plus forte volatilité de l’inflation. Nous proposons donc un modèle dans lequel les entreprises investissent de manière optimale dans la flexibilité de leurs prix. Ce mécanisme peut expliquer notre conclusion selon laquelle les chocs d’offre et de politique monétaire se répercutent de manière plus importante lors des régimes d’inflation volatils. Une politique monétaire qui réduit la volatilité de l’inflation affaiblit la flexibilité optimale des prix et donc la réaction des prix à la consommation aux chocs d’offre futurs, réduisant encore la volatilité.

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