En novembre 2018, 75 % des citoyens de la zone euro se prononçaient en faveur d’une « Union économique et monétaire avec une seule monnaie, l’euro » dans le cadre d’un sondage Eurobaromètre. Il s’agit du plus haut niveau de soutien des citoyens à la monnaie unique depuis que celle-ci existe. Le niveau d’approbation est particulièrement élevé parmi les derniers entrants (États baltes et Slovaquie) et la France affiche un soutien proche du niveau moyen européen à 72%.
Le sentiment de « l’herbe plus verte ailleurs »
Pourtant, les enquêtes d’opinion font apparaître un étrange paradoxe : dans chaque pays de la zone euro, le nombre de personnes sondées considérant que l’euro a été bénéfique pour l’ensemble de l’Union est supérieur à celui des personnes considérant qu’il a été bénéfique pour leur propre pays. Ainsi, il existerait dans chaque pays un sentiment que « l’herbe est plus verte ailleurs », ce qui pourrait s’expliquer par la perception d’un potentiel au niveau européen insuffisamment exploité au niveau national.
Au sein de la zone euro, ce paradoxe est observé par le biais de l’Eurobaromètre Flash publié annuellement par la Commission européenne et comportant deux indicateurs de soutien à la monnaie unique. Ceux-ci mesurent la perception par les citoyens des bienfaits de l’euro, d’une part, pour l’Union européenne dans son ensemble (« indicateur UE »), et d’autre part, pour le pays de l’individu interrogé (« indicateur pays »).
Lorsque « l’indicateur UE » est supérieur à « l’indicateur pays », une plus grande part de la population sondée perçoit des bénéfices de l’euro pour l’ensemble de l’Union. Autrement dit, elle considère que « l’herbe est plus verte ailleurs ».
Ce sentiment est moins prononcé lorsque la confiance dans les institutions nationales est élevée
Dans la dernière enquête 2018, il apparaît une nouvelle fois que tous les États membres de la zone euro sont concernés par ce paradoxe. Toutefois, comme le montre le Graphique 1, ce sentiment est plus ou moins partagé selon le pays. Schématiquement, il est moins répandu dans les pays du Nord de la zone euro que dans ceux du Sud. La Grèce fait toutefois exception en affichant des niveaux plus proches de ceux des pays aux résultats intermédiaires comme la France ou la Belgique.
Parmi les facteurs pouvant expliquer l’ampleur du décalage entre les gains de l’euro perçus aux niveaux européen et national par les citoyens d’un même pays, le sondage Eurobaromètre permet d’éclairer le rôle éventuel des institutions nationales. Le graphique 2 montre que le sentiment que « l’herbe est plus verte ailleurs » est inversement proportionnel à la confiance nette dans l’administration publique nationale.
Cette relation pourrait s’expliquer par le fait que la qualité des institutions nationales tend à modifier les performances sur longue période des pays européens, notamment en termes d’activité réelle (Masuch, Moshammer et Pierluigi, 2016). Ainsi, dans certains pays de la zone euro (cf. graphique 2), les difficultés institutionnelles ne permettent pas aux citoyens de s’approprier pleinement les bénéfices de l’euro. Une amélioration du fonctionnement des institutions nationales pourrait alors contribuer à renforcer les bénéfices de l’adoption de la monnaie unique.