Bulletin économique de la BCE

Bulletin économique de la BCE n°7/2024

Mise en ligne le 31 Octobre 2024

Le Bulletin économique résulte de l'obligation légale faite à la BCE de publier des rapports sur les activités du SEBC au moins chaque trimestre (en vertu de l’article 15.1 des Statuts du SEBC). Les éditions publiées après les réunions de politique monétaire de mars, juin, septembre et décembre fournissent une analyse approfondie des évolutions économiques et monétaires.

Évolutions économiques, financières et monétaires

Synthèse

Lors de sa réunion du 17 octobre 2024, le Conseil des gouverneurs a décidé d’abaisser les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. En particulier, la décision de réduire le taux de la facilité de dépôt, à travers lequel le Conseil des gouverneurs pilote l’orientation de la politique monétaire, est fondée sur son évaluation actualisée des perspectives d’inflation, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Les informations disponibles sur l’inflation confirment que le processus désinflationniste est en bonne voie. Les récentes surprises à la baisse concernant les indicateurs relatifs à l’activité économique ont également eu une incidence sur les perspectives d’inflation. Les conditions de financement sont quant à elles restées restrictives.

L’inflation devrait s’accélérer dans les prochains mois, avant de revenir à la cible au cours de l’année prochaine. Sous l’effet de salaires qui continuent de progresser à un rythme soutenu, l’inflation intérieure demeure élevée. Cela étant, l’atténuation progressive des tensions sur les coûts de la main-d’œuvre devrait se poursuivre, les bénéfices amortissant en partie leurs effets sur l’inflation.

Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Il conservera les taux directeurs à un niveau suffisamment restrictif aussi longtemps que nécessaire pour atteindre cet objectif. Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données, réunion par réunion, pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive. Plus particulièrement, ses décisions relatives aux taux directeurs seront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières disponibles, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière.

Activité économique

Les données disponibles suggèrent que l’activité économique a été légèrement plus faible que prévu. Si la production industrielle a été particulièrement volatile pendant l’été, il ressort des enquêtes que l’activité manufacturière a continué de se contracter. Pour les services, les enquêtes montrent une hausse en août, probablement soutenue par une saison touristique estivale dynamique, mais les dernières données laissent présager une croissance plus modeste. Les entreprises n’accroissent leurs investissements que lentement, tandis que l’investissement dans l’immobilier résidentiel continue de baisser. Les exportations, de biens notamment, ont diminué.

Malgré une hausse des revenus au deuxième trimestre, les ménages ont moins consommé, contrairement aux anticipations (la date d’arrêté des données incluses dans le présent Bulletin économique était le 16 octobre 2024, à l’exception des données relatives à l’IPCH pour lesquelles la date d’arrêté était le 17 octobre. Selon l’estimation actualisée d’Eurostat relative aux comptes nationaux de la zone euro, qui a été publiée le 18 octobre, la croissance de la consommation privée pour le deuxième trimestre 2024 a été révisée à la hausse et est désormais positive (0,1 %). Le taux d’épargne s’est établi à 15,7 % au deuxième trimestre, bien au-dessus de la moyenne de 12,9 % d’avant la pandémie. Cependant, les données d’enquêtes récentes signalent une reprise progressive des dépenses des ménages.

Le marché du travail reste solide. Le taux de chômage est resté à son niveau historiquement bas de 6,4 % en août. Toutefois, les enquêtes indiquent un ralentissement de la croissance de l’emploi et une poursuite de la modération de la demande de main-d’œuvre.

Le Conseil des gouverneurs prévoit que l’économie se renforcera au fil du temps, à mesure que la hausse des revenus réels permettra aux ménages de consommer davantage. L’atténuation progressive des effets de l’orientation restrictive de la politique monétaire devrait soutenir la consommation et l’investissement. Les exportations devraient contribuer à la reprise à mesure de l’augmentation de la demande mondiale.

Les politiques budgétaires et structurelles devraient viser à améliorer la productivité, la compétitivité et la capacité de résistance de l’économie. Cela contribuerait à augmenter la croissance potentielle et à réduire les tensions sur les prix à moyen terme. À cette fin, il est essentiel de donner suite rapidement, à travers des politiques structurelles concrètes et ambitieuses, aux propositions de Mario Draghi en vue de renforcer la compétitivité européenne, et d’Enrico Letta sur l’avenir du marché intérieur. La mise en œuvre intégrale, transparente et sans délai du cadre de gouvernance économique révisé de l’Union européenne aidera les pouvoirs publics à réduire les déficits budgétaires et les taux d’endettement de manière durable. Il appartient aux gouvernements de prendre ces sujets à bras le corps dans leurs plans à moyen terme concernant les politiques budgétaires et structurelles.

Inflation

L’inflation annuelle a encore baissé, à 1,7 % en septembre, son plus bas niveau depuis avril 2021. Les prix de l’énergie ont fortement diminué, à un taux annuel de – 6,1 %. La hausse des prix des produits alimentaires s’est légèrement accentuée, à 2,4 %. La hausse des prix des biens est restée modérée, à 0,4 %, tandis que l’inflation dans le secteur des services a légèrement diminué, à 3,9 %.

La plupart des mesures de l’inflation sous-jacente ont diminué ou sont restées inchangées. L’inflation intérieure demeure élevée en raison de tensions sur les salaires toujours importantes dans la zone euro. Étant donné le rôle important des paiements exceptionnels et le caractère progressif de l’ajustement des salaires, la croissance des salaires négociés restera élevée et volatile pendant le reste de l’année.

L’inflation devrait s’accélérer dans les prochains mois, notamment parce que de fortes baisses précédentes des prix de l’énergie sortiront du calcul des taux annuels. L'inflation devrait ensuite s’atténuer et se rapprocher de la cible au cours de l’année prochaine. Le processus de désinflation devrait être soutenu par l’atténuation des tensions sur les coûts de la main-d’œuvre et par la transmission progressive du resserrement passé de la politique monétaire aux prix à la consommation. La plupart des mesures des anticipations d’inflation à long terme s’établissent autour de 2 %.

Évaluation des risques

Les risques pesant sur la croissance économique restent orientés à la baisse. La détérioration de la confiance pourrait empêcher la consommation et l’investissement de se redresser aussi rapidement qu’attendu. Plusieurs sources de risques géopolitiques, telles que la guerre injustifiée menée par la Russie contre l’Ukraine et le conflit tragique au Moyen-Orient, pourraient amplifier ces dynamiques et perturber les approvisionnements en énergie et le commerce mondial. Le fléchissement de la demande d’exportations adressée à la zone euro dû, par exemple, à un ralentissement de l’économie mondiale ou à une aggravation des tensions commerciales entre les principales économies, continuerait de freiner la croissance de la zone euro. La croissance pourrait aussi être plus faible si les effets décalés du resserrement de la politique monétaire se révèlent plus marqués qu’anticipé. Elle pourrait être plus élevée si l’économie mondiale croît plus fortement qu’attendu ou si l’assouplissement des conditions de financement et le ralentissement de l’inflation entraînent une reprise plus rapide de la consommation et de l’investissement.

L’inflation pourrait être plus élevée qu’anticipé si les salaires ou les bénéfices augmentent plus qu’attendu. Les risques à la hausse pour l’inflation proviennent également des tensions géopolitiques accrues, qui pourraient entraîner à court terme un renchérissement de l’énergie et un accroissement des coûts du fret, et perturber les échanges mondiaux. En outre, des événements météorologiques extrêmes et, plus généralement, l’évolution de la crise climatique, pourraient conduire à une hausse des prix des produits alimentaires. En revanche, l’inflation pourrait surprendre à la baisse si la faible confiance et les inquiétudes quant aux événements géopolitiques empêchaient la consommation et l’investissement de se redresser aussi vite qu’anticipé, si la politique monétaire freinait davantage la demande qu’anticipé ou si l’environnement économique dans le reste du monde se détériorait de manière inattendue.

Conditions financières et monétaires

Les taux d’intérêt de marché à plus court terme ont baissé depuis la réunion du Conseil des gouverneurs du 12 septembre, en raison principalement de moins bonnes nouvelles concernant l’économie de la zone euro et d’une baisse supplémentaire de l’inflation. Même si les conditions financières demeurent restrictives, les taux d’intérêt moyens des nouveaux prêts aux entreprises et des nouveaux prêts hypothécaires se sont inscrits en légère baisse en août, à 5,0 % et 3,7 %, respectivement.

Les critères d’octroi des prêts aux entreprises sont restés inchangés au troisième trimestre, comme il ressort de l’enquête sur la distribution du crédit bancaire d’octobre 2024, après plus de deux années de durcissement progressif. En outre, la demande de prêts par les entreprises a augmenté pour la première fois en deux ans. Globalement, les prêts aux entreprises sont restés atones, avec un taux de croissance annuel de 0,8 % en août.

Les critères d’octroi des prêts hypothécaires se sont assouplis pour le troisième trimestre consécutif, sous l’effet notamment d’une plus grande concurrence entre les banques. La baisse des taux d’intérêt et l’amélioration des perspectives sur le marché de l’immobilier résidentiel ont conduit à une nette hausse de la demande de prêts hypothécaires. En ligne avec cette évolution, les prêts hypothécaires se sont légèrement redressés, avec un taux de croissance annuel de 0,6 %.

Décisions de politique monétaire

Les taux d’intérêt de la facilité de dépôt, des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal ont été abaissés à, respectivement, 3,25 %, 3,40 % et 3,65 % à compter du 23 octobre 2024.

Le portefeuille du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) se contracte à un rythme mesuré et prévisible, car l’Eurosystème ne réinvestit plus les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance.

L’Eurosystème ne réinvestit plus la totalité des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis en vertu du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP), réduisant le portefeuille du PEPP de 7,5 milliards d’euros par mois en moyenne. Le Conseil des gouverneurs entend mettre un terme aux réinvestissements dans le cadre du PEPP fin 2024.

Le Conseil des gouverneurs continuera de faire preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements des titres arrivant à échéance détenus dans le portefeuille du PEPP, afin de contrer les risques liés à la pandémie qui pèsent sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire.

À mesure du remboursement par les banques des montants empruntés dans le cadre des opérations de refinancement à plus long terme ciblées, le Conseil des gouverneurs évaluera régulièrement la contribution des opérations de prêt ciblées et de ces remboursements à son orientation de politique monétaire.

Conclusion

Lors de sa réunion du 17 octobre 2024, le Conseil des gouverneurs a décidé d’abaisser les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base. En particulier, la décision de réduire le taux de la facilité de dépôt, à travers lequel le Conseil des gouverneurs pilote l’orientation de la politique monétaire, est fondée sur son évaluation actualisée des perspectives d’inflation, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs est déterminé à assurer le retour au plus tôt de l’inflation au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. Il conservera les taux directeurs à un niveau suffisamment restrictif aussi longtemps que nécessaire pour atteindre cet objectif. Le Conseil des gouverneurs maintiendra une approche s’appuyant sur les données, réunion par réunion, pour déterminer de manière appropriée le degré et la durée de cette orientation restrictive. Plus particulièrement, les décisions du Conseil des gouverneurs relatives aux taux d’intérêt seront fondées sur son évaluation des perspectives d’inflation compte tenu des données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire de taux particulière.
 
En toute hypothèse, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat, pour assurer le retour de l’inflation au niveau de sa cible à moyen terme et pour préserver une bonne transmission de la politique monétaire.
 

 

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Mise à jour le 31 Octobre 2024